Chapitre 2

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Je regardai l'heure : encore cinq heures avant le coucher de soleil. J'envisageai le fait de passer l'après midi à glander sur ma couchette quand Dylan, un père de famille respecté au camps me demanda de venir donner un coup de main au garage. Ravie d'avoir une occupation pour la fin de journée, je le rejoignit et me lançai dans le nettoyage d'une Renaud écaillée. A vrai dire, j'étais assez mauvaise en mécanique, mais j'étais de loin la plus civilisé de la meute. Ajouté au fait que Debby, la femme de Dylan, me faisait enfiler les décolletés les plus plongeant de ma garde-robe, cela permettait de gagner une petite poignée de client supplémentaires.

- Tala ? m'apostropha Dylan. Tu sais, Peter, mon fils aîné, je me disais que ce serait bien de le mettre au courant pour votre magie. Il va bientôt avoir seize ans. Peut-être que ce soir, vous pourriez l'emmener avec la meute ?

- Ce n'est pas à moi de décider de ça, rétorquai-je.

- En tant que seconde, pourtant...

- Il y a peu de chance que je reste seconde encore longtemps, le coupai-je.

- Je ne sais pas ce qui s'est passé entre toi et Garrick, dit Dylan, mais rappelle toi que même si tu as fait des erreurs, tu reste la plus intelligente, la plus robuste et la plus habile de ta bande.

- Tu as oublié de dire que je suis aussi la plus belle, plaisantai-je.

- C'est vrai ! Mais bon, tu n'as pas tellement de concurrence... Tu vis avec une bande de garçon à moitié bête, que veux tu d'autre !

Sur ces bonnes paroles, il repartit sous la camionnette qui l'occupait. Dylan était pour moi ce qui se rapprochait le plus d'un père : abandonnée à ma naissance dans une maternité du nord des Etats-Unis, je savais uniquement que me mère était une jeune femme venant du Nuuk, la capitale du Groenland. Ce qui expliquai sûrement pourquoi chaque nuit je me transformait en loup artique : je venais du Grand Nord.

J'astiquai la voiture jusqu'à en avoir les doigts qui saignent, et eut l'autorisation de ramener le véhicule à son propriétaire. Je conduisit patiemment et frappai à la porte de la maison indiquée. Une femme vint m'ouvrir, accompagnée d'un labrador, qui se mit immédiatement à me grogner dessus.

- Ne faite pas attention à Lucky, s'excusa la cliente.

- Pas de problème, j'ai déjà vu pire, souris-je.

- Vous avez un chien, vous aussi ?

- On peut dire ça comme ça, éludai-je.

Je n'allais pas non plus dire à cette inconnue que je me battais contre des loups haut d'un mètre vingt pendant la pleine lune. Alors que je repartait à pied vers le garage, elle me lança :

- Au fait, faîtes attention au gang en rentrant. La nuit tombe vite, et j'ai entendu ce midi à la radio qu'un homme de votre âge avait disparu, et qu'on a retrouvé des traces de combat aux alentours de chez lui.

- Je prendrai garde ! Ne vous inquiétez pas ! la rassurai-je.

Une fois seule, je laissai un juron m'échapper : les humains avait tous remarqué la disparition du nouveau. Il faudrait que Garrick fasse discrètement disparaître les preuves bureaucratiques de l'attaque de James.

M'assurant d'être hors de vue du lotissement, je me remis à courir aussi vite que possible. Si il y avait la moindre chance que Garrick fasse fi de mon foirage du jour, je ne tenais pas à arriver en retard. Au camps, je fus accueillie par Nelson, un aurtre loup de la meute, qui m'indiqua que l'Alpha m'attendait à la lisière des bois.

- Fais attention, le nouveau est avec lui, ajouta-t-il. Ce serait bête de lui faire péter les plombs une deuxième fois.

- Ta gueule, crachai-je. J'aimerai bien t'y voir, toi.

Sans attendre sa réponse je rejoignit Garrick. Effectivement, le nouveau l'accompagnait, droit sur ses jambes. Il ne restait de ses blessures de la veille que des marques rouges pâle. Quelle force ! Peut de loups arrivaient à cicatriser aussi vite. Je pris le temps de détailler le visage dénué de bandages : des cheveux blonds foncés, des yeux d'un brun banal et une machoire carré : il n'avait pas grand chose d'un loup garou.

- Tala, viens ici, m'interppela mon Alpha. Même si ce midi n'était pas une franche réussite, ta mission est toujours valable. J'ai demandé à la meute de vous laisser seuls, cette nuit, et je veux que tu accompagne notre nouveau camarade. Compris ?

- Absolument. J'aurais aussi quelque chose à te dire, demain matin.

- Tu n'aura qu'à venir me voir au chantier.

Sur ce, il partit en courant, me laissant face au nouveau.

- Eh bien, tentai-je. Je ne sais même pas ton nom, ni qui es tu vraiment.

- Lyam Wanderson, répondit-il. Pour vous servir. Et toi ?

- Tala tout court. Garrick t'a expliqué ce qui va se passer, quand le nuit tombera ?

- A vrai dire, il a plutôt passé la journée à me convaincre que vous existez. Mais logiquement, la pleine lune est passée, alors, pas de métamorphose ?

- Cette histoire de pleine lune est éronné, déclarai-je. Les loups-garous peuvent se transformer dès que la lune est levée. Ce qui arrive à la pleine lune, on en parlera plus tard.

- Ah... Dis-moi, je vais vraiment devenir une bête féroce qui va tenter de bouffer tout le monde ?

- Non, pas cette nuit, le rassurai-je. Tout ce que tu auras à faire, c'est calmer tes pensées et faire ce que je te dirai.

- Ok... soupira-t-il.

Je regardai le ciel sombre : le soleil était couché depuis environ cinq minutes, la lune ne tarderai pas. Enfin, elle apparut, arrachant un hoquet de stupeur à Lyam. Je savais exactement ce qu'il ressentait : comme si une force invisible nous écrasait le dos, nous poussait à nous mettre à quatre pattes et à hurler vers les étoiles. Pourtant, il résista, et resta, tremblant, sous sa forme humaine.

- Lyam, soufflai-je. Vas-y. Suis ton instinct, je reste avec toi.

Il me jeta un regard concentré, et, sans un bruit, tomba au sol. En un éclair, sa peau claire avait été remplacée par une épaisse fourrure gris foncé, ses yeux avait viré au vert éclatant et ses membres s'était mués en pattes fines et puissantes. Immédiatement, je l'imitai, et retrouvai avec délice mon pelage blanc et mon odorat surdéveloppé. Contrairement à ce à quoi je m'attendais, je sentit des vague de joie venant de l'esprit de Lyam. Interéssant : la plupart des loups que j'avais vu se transformer pour la première fois étaient plutôt paniqué et impulsif. Lui gardait son calme en profitant des doux rayons de lune qui carressaient notre fourrure.

"- Suis-moi, lançai-je.

- Oh merde ! cria-t-il intérieurement. Bah merde alors ! Tu pouvais pas me dire plus tôt qu'on communique par la pensée ?"

Inquiète, je reculai, redoutant que la télépathie soit pour Lyam la goutte de trop. Il ne fallait vraiment pas qu'il se laisse envahir par la colère !

"- Ne t'inquiète pas, commençai-je...

- Mais c'est génial ! s'exclama Lyam. C'est le meilleur truc de la vie !"

Je m'arrêtai : je n'avais visiblement aucun souci à me faire pour lui. Il semblait contrôler parfaitement la situation.

"- Bon, on vas où ? demanda-t-il, surexcité.

- Essaye donc de me suivre, lançai-je, espiègle. On va voir jusqu'où tu tiendra !"

D'un bond, je m'engouffrai dans les bois, et partit vers le nord. J'avais l'impression grisante que la terre tournait sous mes pattes, et je laissai échapper quelques aboiements de joie. J'entendai derrière moi le bruit de la course de Lyam, mais je me refusai à lui jeter un coup d'oeil. Je n'avais aucune envie de me prendre les patte dans une racine et de me ramasser devant ce débutant. Soudain, un fumet agréable parvint à mon museau. Un lapin ! Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas manger de gibier... Je stoppai net, et Lyam dérappa avant de me rentrer dans l'arrière train. Je le gratifiai d'un coup de patte avant de lui envoyer :

"- Ne bouge, reste aussi immobile et silencieux que possible."

Sans lui laisser le temps de répliquer, je m'avançai discrètement dans les fourrées. J'entendai le coeur de ma proie battre, je sentais l'odeur de son sang. Enfin, je le dénichai au pied d'un pin, en train de renifler le sol. D'un saut précis, je lui tombai sur la nuque, et l'abattai sans qu'il ne puisse faire un bruit. Je pris son corps chaud entre mes dents, et le ramener devant Lyam.

"- Tiens, prend la première bouchée.

- Ca se mange, la viande crue ?

- Bien sûr ! Bon, le lapin ne remplit pas un estomac, mais c'est mieux que rien. On fait des fois de grosse expéditions de chasse avec la meute, où l'on attrape des bêtes plus grosse.

- Très bien, soupira-t-il. Un peu gluant, mais appétissant, n'est-ce pas ?"

Il prit une part du lapin, et macha consciensement. Sans attendre qu'il ait fini, j'arrachai de mes croc près de la moitié de la proie, avant de l'avaler rond. Les loups ne s'embêtent pas de tant de manières !

"- C'est vrai que c'est plutôt délicat, accorda Lyam. Mais ça a trop le goût de la terre.

- Tu verras, le meilleur pour moi, c'est la biche ! souris-je. C'est aussi tendre que du veau et ça sent vraiment la forêt. Bon, on ne vas pas rester là toute la nuit, je vais te montrer autre chose."

Nous reprîmes notre course effrénée. J'adorai galoper ainsi, mais l'absence de la meute, à qui Garrick avait demander de rester humaine pour cette nuit, me mettait un peu mal l'aise. Sans que je ne sache combien de temps avait passé, nous arrivâme près d'un court d'eau calme, qui longeait une crevasse sur plusieurs kilomètres avant de se jeter dedans.

"- Voici la frontière nord ! annoncai-je fièrement.

- Vous avez des frontières ? s'étonna le novice.

- Il faut bien délimiter notre territoire, pour éviter les intrusions.

- Des intrusion de qui ?

- De quoi, plutôt. Les dryades n'ont jamais étés humaines.

- C'est quoi des... dryade ? demanda curieusment Lyam.

- Des femmes très grandes, qui sont l'esprit incarné d'un arbre. Dans que l'arbre est vivant, elle peuvent récussiter autant de fois qu'elle le veulent. Elles haient les loups-garous, soi-disant parce que nous sommes des créatures du mal. Si un jour tu es seul et tu en croises une, ne te pose pas question, et fuis aussi loin que te le permettent tes pattes !

- Sympa. Et y il en a beaucoup dans la nature ? Parce que si je dois en affronter autant qu'il y a d'arbre sur terre... on va pas aller loin.

- A vrai dire, j'ai dû en croiser une dizaine dans toute ma vie. Tous les arbres ne s'incarnent pas, seulement ceux invoqués par les médiums.

- Les médiums ? grogna Lyam. C'est quoi ça encore ?

- Des humains qui peuvent faire de la magie et communiquer avec les créatures mystiques.

- Il y a quoi, en gros, comme bête magiques qui existent ?

- En plus de ce que tu connais déjà, on peut citer les spectres, les sirènes et les vampires. Mais eux sont neutres, et ne s'imagine pas devoir exterminer tout les loups de la surface de la Terre !

- Waouh. Je veux dire, reprit Lyam, c'est complètement dingue. J'ai du mal à croire que c'est vrai !

- Ne t'inquiète pas. D'ici un an ou deux, ça te semblera normal."

Je me retournai : il n'étais pas non plus très prudent de bavarder sur la frontière. J'invitai Lyam à me suivre d'un mouvement de la queue, et nous regagnâmes tranquillement le camps. Soudain, alors que je m'apprêtai à me transformer, un poids atterit sur mon dos, et je sentis des griffes me lacérer le dos. Avec un grondement sourd, je tentai de me libérer, mais mon adversaire me coucha sur le dos et posa majestueusement sa patte sur ma gorge.

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