Chapitre 3
"- Tu es morte, déclara Luke en souriant.
- Vraiment, c'était hilarant, dis-je platement. Tu veux un diplôme ?
- Non, voir ta tête quand je t'ai sauté dessus était emplement suffisant !
- Tu sais que Garrick avait demandé à ce que nous restions seuls ? continuai-je.
- Oui, mais on commençait à se demander où vous étiez. Alors, le nouveau s'en sort comment ?
- Je m'appelle Lyam, glissa l'intéressé.
- Mieux que toi, souris-je. Lui n'a pas tenté de grimper dans un pin, et ne s'est pas étouffé avec une plume de pigeon !
- Vraiment, il faudra un jour te jeter dans la rivière. Ca te fera peut-être perdre tes airs de princesse !
- Bon, c'est très mignon de discuter avec toi, Luke, mais je dois aider Lyam à se transformer. Va donc faire le louveteau ailleurs. Lyam, tu te rappelles comment changer de forme ?
- Pas de problème. Regarde faire le pro ! fanfaronna-t-il."
En un clin d'oeil, il se remit sur ses deux jambes, et son museau s'applatit jusqu'a former un nez. Pourtant, son visage et ses bras étaient toujours couverts de longs poils gris, et Luke soupira et secouant la tête. Lyam laissa échapper un "merde !" sonore avant de fermer les yeux et serrer les poings. Finalement, il réussit à retrouver sa peau humaine, et je me changeai à mon tour.
- Bon, on a vu pire, le rassurai-je. Il est 5h15, je te conseille d'aller dormir.
- Ou ça ? grogna-t-il. Je me vois mal expliqué à mes colocs ce que j'ai fait ces dernières vingt-quatre heures.
- Garrick ne t'a pas dit ? Tu habite au camps, maintenant. Un loup ne quitte pas sa meute. Il t'obtiendra des papiers demain pour que ta présence ici soit légale.
- Et les autorités ne vont pas tiquer ? J'ai bien entendu, à la radio : on signale partout ma dispartition, rapportaLyam.
- Il te donnera une nouvelle identité, rien de plus simple. La police se dira simplement que tu es mort.
- Mais j'ai une vie, moi ! s'insurgea-t-il. Et tu crois vraiment que ma famille et mes amis ne vont pas cafeter ? Qu'il ne vont pas se poser de question, si je leur rend visite alors que je suis déclaré mort ?
- Tu ne leur rendra pas visite, assénai-je. Tu es un loup-garou, l'humain que tu était avant est mort. Estime-toi heureux que l'on t'accueille dans la meute !
Luke, sentant la tension monter, retourna discrètement sur ses pas. Lyam, sûrement sous le choc, s'assit lourdement contre un arbre. Je regrettai d'avoir accepter la mission de Garrick : je ne me sentais pas assez forte pour tout révéler à Lyam. Je me souvenais de mes propres débuts : la vérité m'avait laissé à l'état d'épave. Pourtant, je devais l'empêcher de garder des liens avec son ancienne vie, malgré ma culpabilité à la blesser. Prenant une grande inspiration, je m'assis à côté de mon protégé et commençai :
- J'avais six ans. Mes parents adoptifs adoraient faire de la randonnée, et c'était la première fois qu'il m'emenaient. Pendant la nuit, alors qu'on campait, j'ai entendu des loups hurler tout autour nous.
Lyam tourna vers moi ses grands yeux bruns, une expression surprise sur le visage.
- Mes parents sont morts de leurs blessures, continuai-je. La nuit suivante, j'ai vécu seule ma première transformation. Garrick, qui était encore solitaire à l'époque, m'a trouvé le lendemain matin. Pendant des mois, il ne s'est occupé que de moi, alors que j'étais détruite de l'intérieur. Il m'a nourri, éduqué, tout ce qu'aurait dû faire les salauds qui m'ont mordu. Depuis, la meute s'est agrandie, mais je n'oublierai jamais ce que m'a appris cette période de ma vie. Un humain n'aurait jamais pu m'aider, parce que j'étais devenue différente. On est des loups-garous, conclus-je, on est une famille, et c'est à elle que doit aller notre loyauté. Nous ne pouvons pas nous mélanger avec les hommes.
- Je suis désolé, dit doucement Lyam. J'aimerai bien affronté tout ça avec autant de courage que toi. Mais je ne vais pas oublier ceux qui comptent pour moi parce qu'un connard de ta meute à pété les plombs.
- Fais-moi le serment que tu n'iras pas les voir sans autorisation, insistai-je. Tu nous mettrais tous en dangers.
- Je te le promet, accepta Lyam après une hésitation.
- Très bien, alors tend ta main, ordonnai-je.
Il obéit, et je sortit le canif que j'avais dans ma poche. En serrant les dents, j'entaillai légèrement la paume de ma main, avant de lui infliger le même traitement. A chaque fois, j'oubliai à quel point c'était douloureux... Cependant, mettant de côté ma faiblesse, j'attrapai sa main et la serrait vigoureusement. La grimace qu'il fit me rassura : je n'étais pas la seule à trouver ça plus que désagréable.
- Ca avait l'air plus cool à faire, dans les films, gémit Lyam. Et je ne vais pas pouvoir me servir de ma main avant des jours !
- Ne t'en fait pas. Les loups guérissent beaucoup plus vite que la normal. Demain soir, ta peau sera comme neuve. Je ne sais pas si tu t'en rappelle, vu que tu était évanoui, mais hier soir, tu était dans un sale état. Mais regarde maintenant : toutes tes blessures sont refermées ! m'exclamai-je en effleurant les traces rosées qui striaient ses avants-bras.
- J'avoue que je n'ai plus vraiment de souvenir d'hier. C'est sûrement mieux, non ? demanda-t-il en essuyant négligement le sang qui coulait sur sa main.
- Je pense. James était un loup très puissant.
- Était ? Vous ne l'avez pas... tué, quand même !
- Non, non, répondis-je. Il a simplement été bannis. C'est sa punition pour avoir violé la Règle.
- C'est quoi, ça encore ?
- C'est la base fondamentale de toutes les meutes. Un peu comme les Dix Commandements. Obéir sans discuter à l'Alpha et à se second. Ne tuer ni créatures mystique, ni humains. Ne pas mettre la meute en danger. Ne pas rester humain pendant la Pleine Lune. Ne pas mordre un humain sans son accord. Garder le célibat. Protéger ses frères au péril de sa vie. Ce sont les parties principales, et tout ça forme la Règle. La transgresser, c'est porter atteinte à la meute entière, et l'Alpha peut même décider de t'éxécuter si ta faute est trop grave.
- Il y a des trucs, c'est logique. Genre ne pas bouffer les humains, ou obéir au chef. Mais le célibat et la pleine lune, je comprend pas, dit Lyam en secouant la tête.
- Seul l'Alpha peut prendre une compagne. Et ne me demande pas pourquoi, le coupai-je, c'est comme ça et l'on y peut rien. Si Garrick ne faisait pas respecter la Règle dans son intégralité, il perdrait toute autorité sur nous, et ça tournerait au bain de sang. Pour la Pleine Lune, c'est plus complexe : pendant ces nuits-là, chaque loup ressent l'Appel, dans toutes les fibres de son corps, qui le pousse à libérer le monstre qui sommeille en lui. C'est pour ça que James t'a attaqué : il s'est déconcentré, et a perdu tout contrôle. Il paraît qu'en tant qu'humain, c'est plus facile à supporter. Mais un loup-garou qui n'affronte pas ses démons intérieurs est faible, pitoyable. C'est pourquoi c'est interdit d'y couper.
- C'est si dur que ça ? s'inquiéta-t-il.
- Plus la lune est basse, moins on le sent. Une heure avant le lever de soleil, c'est même imperceptible. Mais sache que Luke a fait preuve d'une grande force : il était encore minuit, mais il a sut rester près de toi alors que tu était plein de sang. Il n'a pas craqué, alors qu'à une dizaine de mètre ton odeur était déjà insuportablement appétissante.
Je regardai le visage de Lyam, ses sourcils froncés par l'inquiètude. D'un geste fraternel, je lui tapotai l'épaule.
- Ne t'en fait pas. Au pire, je te donnerai un bon coup de dent et tu te calmera, plaisantai-je.
Il me renvoya mon sourire, et lança :
- Bon, je crois qu'il faut que je couche. Tu sais où est-ce que je dors ?
- Luke a un matelas supplémentaire dans sa caravane. Demain, je demanderait à Jace de trouver un logement, ok ?
- Pas de soucis. Je vais rejoindre Luke. C'est bien la caravane avec la porte cassée ?
- Exactement ! Je vais aussi rentrer. Dors bien !
Je souris en rependant à l'était pitoyable de l'habitation de Luke. Il l'avait brisé le soir de mon anniversaire, complètement ivre, en essayant de grimper sur le toit de sa roulotte. Il avait glissé son pied avait plié la porte en deux. C'était en riant à en avoir mal au ventre que l'on avait ensemble tenté de la réparer.
Une fois couché dans ma chambre, je fixai la plafond sans réussir à m'endormir. Après le discours que j'avais fait à Lyam, je me rendait compte à quel point je croyai en ce que j'avais dit. Et je sentais que j'étais faite pour être seconde : agir dans l'ombre pour le bien-être de la meute, veiller sur mes frères, et aider Garrick à réaliser son ambition : être l'Alpha de la meute la plus puissante des États-Unis. Et même si Luke, Jace, ou même Robin ne le montraient pas, je savais après avoir passé la plus grande partie de mes nuits avec eux, à entendre leurs pensées, qu'ils étaient aussi loyaux que moi. Mais Lyam était différent, je sentais qu'il n'était pas fait pour suivre aveuglément les ordres.
Sur ces intenses reflexions, le sommeil vint enfin me chercher, et je plongeai dans un songe nébuleux. J'étais une louve, et je courrais derrière un corbeau. Je voulais l'attraper, pour récupérer la lune qu'il avait prise dans son bec. Pourtant, quand je le capturais enfin, il tourna vers moi ses yeux verts émeraudes et lâcha par terre ce qui n'était qu'un fromage. Perdue, je me retournais, sentant une présence derrière moi. Une femme inuit, en habits traditionnels eskimos, se tenait face à moi. Je voulu la rejoindre, mais je trébuchai soudainement sur une main. Etouffant la panique montant en moi, je regardai lentement le visage de la personne à terre, et me mit à hurler en découvrant le visage déchiqueté de mes parents.
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