Chapitre 4

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Je me réveillai en sursaut, les joues striées de larmes. Le soleil perçait à travers les volets, et je me refusai à l'idée de me recoucher. Encore tendue par mon cauchemar, je sortis rejoindre mes camarades sous un grand barnum blanc, où de grandes tables avaient été disposées de manières à ce que l'on puisse y manger tous ensemble. Midi était déjà largement passé, mais la plupart de la meute déjeunait encore, habituée à dormir en début de matinée. Je partis m'asseoir à ma place habituelle, à droit de Luke et en face de Garrick, et j'eus la surprise de découvrir Lyam, à droite de l'Alpha. Luke, souriant comme à son habitude, faisait tâche entre les deux autres garçons, aussi sérieux que silencieux.

- ! Hola chicos ! lançai-je.

- Tala ! s'exclama joyeusement Luke. Dis donc, je ne sais pas si tu as entendu, mais quelqu'un a hurlé il y à peine dix minutes. Tu ne l'aurais pas vu, par hasard ?

- Je n'ai croisé personne en venant, répondis-je d'un ton acide.

Quelle veine : tout le monde était visiblement au courant pour mes horribles songes.

- Garrick, repris-je, Lyam va avoir besoin d'un endroit où vivre. Il ne va pas squatter chez Luke pendant des mois.

- C'est sûr. Mais on n'aura rien de très vivable avant plusieurs semaines. En attendant, proposa-t-il, j'ai une chambre supplémentaire dans ma caravane. Ca te tente, Lyam ?

- Ce serait nickel, accepta ce dernier.

- Je vais aussi te passer du liquide, ajouta l'Alpha, tu pourras aller t'acheter de nouvelles affaires au centre commercial cet après-midi.

- Merci beaucoup, sourit Lyam. Je te les rendrai dès que possible.

- Sûrement pas, s'exclama Garrick en riant, tu fais parti de la meute. On partage tout, ici, tu verras. Tu ne seras jamais dans le besoin tant que tu resteras avec nous.

- C'est vrai, ajouta Luke la bouche pleine. Sauf les brosses à dent.

- T'es un véritable bout en train, soupirai-je.

- Et toi une rabat-joie, rétoqua-t-il. Bon, j'aimerai rappeler que l'on est dimanche, donc pas de travail aujourd'hui. Ca vous tente un foot ? Oliver a déjà formé une équipe de 8 joueurs.

- En vrai, approuvai-je, je suis partante.

- Et vous, les mecs ?

Garrick et Lyam acceptèrent à leur tour, et Luke ne tarda pas à trouver des joueurs supplémentaires. Très vite nous nous retrouvâmes tous dans un champs proche, et nous commencâmes à disputer ma partie. Evidemment, nous jouions en utilisant toutes nos capacités de loups-garous, ce qui rendait le jeu un poil plus dynamique que celui des humains. Après une heure et une victoire pour notre camps, Inès, une femme robuste et têtue, nous enrola tous pour étendre les lessives du camps. Je saluai silencieusement son courage : à sa place, je n'aurai pas demander à 15 garçon excité comme des chiots de manipuler des draps blancs et propres. Pourtant, il suffit d'une gueulante pour que le travail soit effectué, et nous fûmes enfin libres. Le reste de ma journée se passa la musique aux oreilles, à écouter du rock allemand, ou plongée dans les jeux vidéos. Le temps s'écoulait lentement jusqu'à la nuit, que j'attendai dans une sorte d'apnée mentale. J'avais hâte de retrouver la simplicité de mes pensées de louve. Enfin, le moment tant attendu arriva enfin.

"- Bon, commença l'Alpha, on va partir en expédition de chasse. Mais je veux que vous observiez quand même les frontières. Tala, prend la moitié de la meute avec toi. Dès que l'on aura repéré du gibier, on se déploiera pour l'envoyer dans vos pattes. Compris ? Lyam, continua-t-il, observe autour de toi et essaye de comprendre comment marche cette technique. Tu n'aura qu'à imiter tes frères."

Je me sentais électrique : chasser était instinctif, animal, mais aussi extremment apaisant. Tous les loups ne mirent à renifler le sol, et Nelson lança soudain :

"- Il y a un cerf, à trois kilomètres à l'est. Peut être même plusieurs !"

Garrick le félicita d'un signe de la tête, avant de mener la meute à l'endroit indiqué. Lyam me rejoignit au pas de course, et demanda :

"- Tala, tu veux bien m'expliquer ce que vous allez faire ?

- Lyam, soupirai-je, tu n'étais pas sensé observer les autres faire ? Tu peux aussi leur poser des question, tu n'es pas obligé de passer par moi.

- Je sais bien, mais j'avais en fait une furieuse envie de discuter avec toi. Je t'embête ?

- Pas du tout. Bon, en gros, le groupe de Garrick va faire fuir les proies dans ma direction, pour que la viande se jette gentiment entre nos pattes.

- Comme les hommes préhistoriques ?

- Comme les hommes préhistoriques, aquiscesai-je. En plus rapide.

- Et en plus poilu ! continua Lyam. Je pense qu'on se rapproche du cerf, ça commence à sentir vachement fort...

- C'est vrai. A mon avis, on a même affaire à un troupeau !"

Garrick intorromit brusquement notre conversation :

"- C'est parti ! Les proies sont à une centaines de mètres. Tout le monde en place, et silence total !"

Sans avoir besoin de communiquer, mon groupe contourna discrètement les herbivores. Une fois en place, j'entendis Garrick et les loups-garous qui l'accompagnait se jeter bruyamment sur le troupeau endormi. Des braiement paniqués retentir dans la nuit claire, et un énorme cerf suivis de trois biche et un faon apparurent subitement devant nous. Avec un grondement féroce, je me jetai sur le mâle avec hargne, et plantai mes griffes dans son échine. D'un mouvement brusque, il m'envoya lourdement valdinguer contre un tronc d'arbre. Le temps que je reprenne mes esprits, le cerf avait le dessus de la lutte. Face à lui, j'esquivai le plus rapidement possible ses longs bois qui fouettait dangereusement l'air, mais étant acculé contre le pin, je sentais que je ne tiendrai plus très longtemps. Soudain, Luke et Lyam bondirent de concert sur le dos du cerf, et je pus planter mes crocs dans sa gorge. Au bout d'une minute, je sentis ma proie s'affaiblir, et je desserrai ma machoir. Un flot de sang m'éclaboussa le museau, et l'animal s'effondra mollement dans la poussière. D'un air victorieux, Luke sauta sur son ventre.

"- Bravo, lançai-je. Vous êtes arrivés juste à temps !

- On t'a sauvé la vie, miss, ajusta Luke. Tu peux le dire.

- C'est ça, soupirai-je. Merci.

- Tu n'aura qu'à nous offrir ta part, proposa Lyam d'un ton blagueur. Ou nous remplacer pendant la corvée de repas.

- Rêve pas, mec, sourit Luke. Déjà, un merci de sa part, c'est exceptionnel ! Mais j'avoue que je ne serai pas contre une petit cuisse en plus. "

Sans écouter la suite de leur plaisanteries, je me penchai sur le corps du cerf et arrachai un bouchée. Le goût frais de la viande me fit frisonner, tandis que le reste de la meute s'approchait pour manger elle aussi. Garrick vint à côté de moi, déposa devant moi un bout d'épaule de biche. Un vrai délice ! Il savait bien que j'adorais ça.

"- Tala, aurais-tu remarqué quelque chose, chez Lyam ? demanda-t-il negligemment.

- Il est refléchi, et a du potentiel. Il s'est déjà bien intégré à la meute, répondis-je prudemment. Quand Garrick commençait un conversation en m'offrant quelque chose, ce qu'il m'annonçait était rarement agréable.

- Il a plus qu'un simple potentiel. Je l'ai vu sauter sur le cerf : il sait se battre. Il est puissant, intelligent, et courageux.

- C'est vrai. Mais pourquoi me parle-tu de ça ?

- Vois-tu, il m'inquiète. Je sens chez lui une grande liberté, et...

- Et tu as peur qu'il s'en prenne à ta place d'Alpha, conclus-je. Rappelle toi qu'il faudrait pour cela qu'il te batte, ce qui est hautement improbable. Et puis, je suis là : je te laisserai pas tomber."

Garrick me regarda un moment, et me dit :

"- Tu as bien grandie, depuis que nous nous sommes rencontrés. Tu te rappelle ? J'étais un jeune louveteau solitaire à l'époque.

- Et maintenant tu es un vieux loup bougon bien entouré, plaisantai-je.

- Je ne suis pas si vieux que ça, grogna-t-il. Je n'aurai trente ans que dans un mois.

- J'avoue que tu es toujours aussi peu mature. "

Nous continuâmes de disctuter de la meute, et de programmer les prochaines missions de chasse. Très vite pourtant, le nuit toucha à sa fin, et nous dûmes rentrer. Nelson ramena les reste de viande avec nous, et le plaça dans le congélateur dès notre arrivée. Ainsi, les plus affamés aurait de quoi manger les nuits suivantes.

Je me couchai au petit matin, complètement épuisée, et dormis d'un sommeil sans rêve. Puis je me plongeai dans la monotonie de la semaine. Aller au garage, aider au camps, passer la nuit dans le forêt, dormir, aller au garage... Les jours se suivaient les uns après les autres, sans évènements imprévus. En tant que louve, je patrouillait le long des frontières, sans remarquer aucunes intrusions. En tant qu'humaine, j'accueillai les clients aux voitures défoncées, et participait à différentes corvées. Garrick m'avait libéré de ma mission de tutorat auprès de Lyam, avec qui j'évitai autant que possible de parler. J'avais honte de lui avoir raconté la nuit de ma transformation, de lui avoir montré combien cela m'avait traumatisé. Seul Luke me sortait de mon ennui chronique. Il avait le don, avec une blague ou deux, d'illuminer la journée de ceux qu'il croisait.

- Bon, me dit-il au bout d'une semaine, tu vas me dire ce qui ne vas pas ? Tu es cloitrée dans ta chambres depuis des jours, à jouer sur ton ordinateur ou a dormir. Tu ne parle à personne, tu disparais dès qu'on te propose une activité, même Dylan, au garage, dis que tu fais fuir les clients avec ta mauvaise humeure.

- J'en sais rien, Luke, soupirai-je. Je suis juste fatiguée.

- Tu es sûre que tu n'es pas malade ?

- Laisse tomber. J'ai le droit d'être patraque de temps en temps, non ?

- Écoutes, et je ne te laisse pas le choix : on va aller prendre un verre en ville, ensemble, et on va passer une bonne soirée. Ok ?

- Ca dépend où...

- Blue Buble ?

- Ok ! lançai-je. Le Blue Buble était un bar calme et cozy, peu fréquenté, qui servait les meilleurs coktail du monde.

Une heure plus tard, nous nous retrouvions sur les banquettes en simili-cuir, devant deux café garnis. Le principe de cette boisson était de mettre autant de chantilly que possible sur la tasse avant de soupoudrer des éclats de chocolats noirs et des pralines. Entamant la montagne de crème avec sa cuillère, Luke commença :

- Tu sais, ce n'est pas tant pour toi que j'essaye de te remonter le moral. Mais je crois que Lyam a besoin de toi. Mine de rien, vous êtes les seuls avec Garrick à avoir été mordu sans avoir votre mot à dire. Je ne sais pas ce que ça fait, parce c'est moi qui ai demandé à être transformé, mais j'imagine que c'est violent.

- On peut dire ça comme ça, confirmai-je.

- Et bien, toi, tu as eu Garrick pour t'aider à traverser cette période. Mais Lyam se retrouve seul ! Je l'aime bien, et je refuse que tu le laisse tomber comme ça. Et puis, ajouta-t-il, tu es seconde, c'est à toi aussi d'aider la meute.

- Que veux-tu que je fasse ? soupirai-je.

- Parle-lui. Raconte tes propres expériences, donne-lui des conseils. J'ai bien vu que tu l'évites, c'est derniers temps. Pourquoi donc ?

Je réfléchis un instant : pouvais-je faire confiance à Luke pour garder le silence sur ce que j'allais lui dire ?

- Eh bien, me lançai-je, Garrick redoute une lutte de pouvoir entre lui et Lyam, qui à tout du mâle dominant. Si cela arrive, je devrai me ranger du côté de mon Alpha. Et si je deviens amie avec Lyam, ça compliquera beaucoup les choses. C'est aussi simple que cela.

- Tala. Je sais que tu adore Garrick, mais tu fais tellement de sacrifice pour lui ! Et il ne te donne rien en retours. Je ne sais pas si tu avais remarqué, mais vous n'êtes pas vraiment proche. Tu te pourris la vie à le considérer comme un dieu.

- Je ne le considère pas comme un dieu ! m'offusquai-je. Mais comme l'Alpha, à qui je dois être fidèle !

- Très bien, mais ça ne veut pas dire que tu dois couper court à toute relation ! Les amis ne te sont pas interdits.

- Écoute, si ça peut te faire plaisir, je veux bien faire un effort avec Lyam, abandonnai-je. Mais ne reviens plus m'embêter avec ça.

- Juré craché, promis mon ami. Bon, on se le boit ce café ?

Après s'être avalé nos trois kilos de sucres liquide, nous rentrâme au camps. Les frontières étant plus que calmes, Garrick nous permit de vaquer à nos occupation pour la nuit. Cette nouvelle me fit plaisir : il n'y avait rien de mieux que de trainer dehors dans l'obscurité, mi-louve mi-humaine. Avec le sourire au lèvre, je partis donc à pied vers les champs.

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