Chapitre 5
Une fois la lune couchée, j'eus soudain une hésitation : j'aspirai à me transformer en louve pour retrouver une simplcité dans mes pensées. Pourtant, n'étais-ce pas là une fuite face à mes angoisses ? Cette idée me fit frémir. J'étais une louve-garou, pas une proie ! Suivant mon amour-propre, je pris la décision de rester humaine. Je m'adossai contre un arbre, les pieds dans les hautes herbes folles. Il m'était étrange de regarder le paysages par mes yeux diurnes. La demi-lune nimbait l'horizon d'un voile laiteux, et je fermai les yeux, profitant du calme environnant. J'entendais, tout autour de moi, les milles petits sons de la vie : le vol des insecte, le bruissement des buissons, et... des bruits de pas ?
Je me retournai brusquement : un loup gris sombre avec des yeux d'un vert étincelant s'approchai doucement.
- Lyam, m'écriai-je. Tu m'a donné une de ses frousses !
Le loup vint gentiment s'asseoir à mes côtés, et me donna un léger coup de museau sur la joue. Puis, sans un souffle, ce fut soudain le garçon blond qui se tenait près de moi.
- Luke m'a dit que je te trouverai ici, déclara-t-il.
- Celui-là... soupirai-je.
- Je voulais m'excuser, continua Lyam. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait ou dit de mal, mais j'en suis désolée. Et je me demandais si tu voulait bien m'expliquer toutes les coutûmes et les trucs de politesse, pour que je sache me tenir à l'avenir ?
- Je ne suis pas fâché, dis-je.
- Tant mieux ! Ca m'aurait embêté de froisser la loup-garou la plus cool de l'État. Au fait, ça se dit, une loup-garou ?
- A vrai dire, les légendes disent plutôt une garache. Mais je préfère loup-garou. En fait, appelle-moi comme tu veux tant que ça ne ressemble pas à un nom de brioche.
- Bon, on va partir sur une lycantrope, décida Lyam.
- Sinon, ne t'en fait pas. Les loups-garous ne sont pas vraiments sensibles aux règles de politesses.
- Génial ! Ca veut dire qu'il n'y a pas de protocole pour t'inviter à aller faire une ballade dans les bois ? demanda-t-il innocemment.
- Les loups n'ont pas de rencards, rapellai-je.
- Je n'ai jamais dit que c'en était un ! sourit-t-il. Mais si tu veux le prendre comme tel, libre à toi ! Alors c'est d'accord ?
- Très bien. Mais on reste humains, avertis-je. Je n'ai pas très envie de partager les pensées de la meute.
Nous nous enfonçâmes sous le couverts des arbres. Un peu perdue dans mes pensées, je cueillis au sol une petite violette et la fit tourner entre mes doigts.
- Avant, j'avais une vraie passion pour les fleurs, lançai-je. Je pouvais passer des heures à les récolter, les faire sécher et les exposer dans des herbiers.
- Une vértiable botaniste ! s'exclama Lyam avec un clin d'oeil. Mais tu as arrêté ?
- Je ne sais pas. Juste après être devenue loup-garou, je n'avais plus vraiment le temps pour ça.
- Pourtant ici, à ce que je vois, on à du temps libre à profusion.
- J'avoue que ces derniers mois sont très calmes. Mais il a encore un an, il y avait une deuxième meute qui vivait ici. Nous étions en concurrence. Mais un jour, pendant une énième rixte de territoire, Garrick à tué leur Alpha, et les deux meutes ont fusionné. C'est comme ça que j'ai rencontré Luke, par exemple. Et on devait aussi se défendre contre des vampires idiots qui avait eu la bonne idée de se nourrir dans notre ville.
- Je suis bien content de ne pas avoir à me battre, soupira-t-il.
- Tu es un loup-garou. Tu aura forcément à te battre un jour, tu n'aura pas toujours la chance d'être loin de tous tes ennemis.
- Mais je ne vois pas pourquoi les vampires sont plus méchants que nous. Ou pourquoi deux meutes ne peuvent cohabiter.
- Je te rappelle que les vampires tuent des humains, grinçai-je. Et deux Alpha sur un territoire, c'est impossible.
- Ca existe, les loups-garous solitaires ?
- Oui, mais le plus souvents, il finnissent au bout d'une épée de dryade.
- Sympa. Tu es sûre que tu ne veux pas te transformer un peu ?
- Vas-y toi, si ça te fais envie.
Dans un léger souffle d'air, il prit sa forme de loup. J'étais fascinée par ses yeux : comment pouvaient-ils être aussi ternes quand il était humain, et aussi brillants sous la lune ? Comme un chiot, Lyam se mit à me tourner tout autour en sautant. Stoïque, j'attendis qu'il se calme un peu et lui fit signe de me suivre. Ce n'était pas parce que j'avais encore mes deux jambes que je ne pouvais pas faire la course ! Nous retournâmes dans le champs à toute vitesse, et je me laissai entraîner dans la pente. J'allais si vite que j'avais l'impression que mes jambes ne m'appartenaient plus, mais Lyam courait sans effort devant moi. A bout de souffle, je m'arrêtai. Je regardai Lyam s'éloigner, son pelage gris refletant délicatement les rayons de lune, quand un coup de fusil résonna dans l'air. Un hurlement plaintif suivit, et ce fut impuissante que je vis Lyam s'effondrer dans les herbes folles.
Je me précipitai vers lui, et je vis du coin l'oeil une ombre humanoïde disparaître dans les fourrées. Lyam, redevenu humain sous le coup de la surprise, gisait dans une mare de sang, mais remuai encore faiblement. Je vis immédiatement la blessure : juste sous une côte, dans le ventre. Je sentis un vent de panique me balayer, mais ma logique reprit bien vite le dessus. Je retirai précipitamment mon tee-shirt, restant dans ma brassière de sport, et en fit des bandes que j'enroulai sur la plaie. Je ne tarderai sûrement pas à avoir des secours, car tous les loups-garous étant transformés avaient dû sentir la douleur et le danger dans les pensées de Lyam. Pourtant j'ignorai à quel point la blessure était grave.
- Lyam ? appelai-je en le secouant doucement. Ecoute-moi : ça va aller. Ne t'agite pas, essaye de rester calme. Il ne faut pas que tu active la circulation, tu pourrais perdre trop de sang. Mais reste avec moi, ok ?
Il entrouvrit les yeux, et grimaça.
- C'est à cause d'un loup ? souffla-t-il.
Surpirse, je suivis son regard sur mes côtes. D'énormes cicatrices striaient ainsi ma peau sur tout le haut de mon dos et sur le devant de mon torse. Rouges pâles et légèrement en relief, elle me rappelait encore et toujours la terrible nuit où j'avais été attaquée.
- Tu es sensé te plaindre parce que tu t'es fait tiré dessus, pas me reluquer, sifflai-je.
- Désolé.
Il inspira avec difficulté, et posa sa tête en arrière.
- Mais c'est pas tous les jours qu'une jolie fille aussi peu habillée vienne me voir. Tu comprend bien que j'en profite, non ?
Trouvant sa blague irrésistible, il rit bêtement.
- Ne raconte pas d'anneries, le réprimandai-je. Ca m'embêterai de devoir te gifler pendant ton agonie. Plaisanterie mise à part, comment tu te sens ?
- Ca fait mal. J'ai la tête qui tourne. Et j'ai super froid. Mais ça va. Je vais aller à l'hôpital ?
- Non, les médecins seraient un peu surpris si ils te faisaient une prise de sang. Mais ne t'inquiète pas, Rosia est une experte !
- Je ne vois pas pourquoi je devrai m'inquiéter, gémit-t-il. Je vais simplement me faire retirer une balle dans une roulotte. Qu'est ce qui pourrait m'arriver de mieux ?
- Bon, ordonnai-je, calme toi maintenant. J'entend des gens qui arrivent.
Effectivement, Garrick et cinq autres garçon de la meute arrivaient en courant. D'un signe, L'Alpha en envoya deux sécuriser les alentours, puis il vint s'agenouiller à côté de moi.
- Lyam, essaye de rester immobile. On va te ramener au camps, mais ça risque de ne pas être très agréable.
L'intéressé hocha la tête, et Garrick le prit dans ses bras comme si il ne pesait pas plus qu'un enfant. Sous la brusque secouce, Lyam laissa échapper un petit cri, et je vis des larmes de douleurs se former au coin de ses yeux. Robin, un loup-garou fonceur mais gentil, me tendit généreusement sa veste, que je m'empressai d'enfiler. Je sentais à présent la fraicheur de la nuit, sûrement le contrecoup de l'attaque. Je prit quelque seconde pour reprendre mes esprit, puis je racontai à Garrick :
- Il y avait quelqu'un, dans les bois. Il avait un fusil. Laisse-moi aller le pister.
- Si tu veux. Je m'occupe de Lyam. Luke va rester avec moi en tant que loup, tu lui enverrai tous les quart-d'heures un rapport. Si je reste sans nouvelles plus de vingts minutes, j'enverrai de l'aide, d'accord ?
J'aquiecsai, et me changeai rapidement en louve. D'un coup, l'air me sembla doux, et je me précipitai là où j'avais aperçus le tireur. Une fois à la lisière de la forêt, je humai longuement. Une odeur humaine, très récente, attira mon attention. En me baissant, je vis clairement des traces de pas fraiches : c'était bien ma cible. Inspirant une seconde fois, je me créai une signalement odoratif : un subtile et unique mélange de sueur, de savon à la menthe, de cigarette et de peur. Je me mit à avancer entre les arbres, suivant ma piste avec détermination, jusqu'à arriver près de la route.
"- Rien à signaler, envoyai-je à Luke. Je vais sortir de la forêt."
Je m'approchai prudemment du bitum, quand une forte odeur d'essence me vrilla le museau. Perdue, je tournai en rond, cherchant le fumet de l'humain recherché, quand je compris : le malfrat était reparti en voiture. Et il m'était impossible de continuer à le pister ! De rage, je griffai le tronc de l'arbre le plus proche, faisant voler tout autour de moi des miettes d'écorce. Ce connard allait donc rester en liberté dans la ville, après avoir tiré sur un des mien ?
Une seconde pensée me vint à l'esprit. L'humain avait forcément vu Lyam se métamorphosé en humain, après avoir été touché. Je commençai à saisir l'ampleur des dégâts : un humain était peut-être au courant de notre secret ! Bien sûr, personne en ville ne le croirait, mais si il revenait, pour vérifier ? Et s'il décidait de nous tirer à nouveau dessus ? Garrick serait alors obligé d'agir, et la seule solution serait de tuer la menace, avant qu'elle ne nous tue. Désemparée, je continuai à réfléchir : arriverai-je, moi, à donner à la mort à cet homme ? Serai-je capable d'ôter la vie à un membre de l'espèce qui m'a mise au monde ? La réponse qui me vint à l'esprit m'effraya : oui, je tuerai s'il le faut pour le bien de la meute. Abattue, je comtemplai la triste image que je venai de me faire de moi-même.
Avais-je vraiment l'âme d'une meurtrière ?
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