Chapitre 6

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Dépitée, je rentrai au camps. Toujours en tant que louve, je me dirigeai vers la roulotte de Rosia, sans prêter attention aux gens du voyages qui s'écartait prudemment de mon chemin. Une fois dans sa caravane, je me remis sur deux jambes et observait silencieusement Lyam, endormis, et la gitane, concentré sur l'opération. Je fus interloquée par le matériel qu'elle utilisait : poche à sang, scalpel, transfusion... Où avait-elle bien pu dénicher ça ? La réponse me vint très vite : Garrick. Depuis des années, il tissait un réseau de relations utiles, et pouvait maintenant facilement corompre un médecin.

- Des nouvelle de l'agresseur ? demanda justement l'Alpha.

- Il est reparti en voiture, soupirai-je. On ne le retrouvera pas de sitôt.

- Nous devons nous placer en état d'alerte, déclara Garrick. Si les humains commencent à nous tirer dessus à tout va, nous devrons quitter notre territoire.

Je hochai la tête.

- Donc, expliqua Garrick, plus de ballade en solitaire, aucune transformation en extérieur en-dehors de l'Appel, et une surveillance constante du camps. Il est possible que l'humain ait fait le lien, et qu'il décide de rendre une petite visite au roms.

- Tu ne penses pas qu'il soit possible que ce soit justement un gitan qui nous ait trahis ? m'interrogeai-je.

- Bien sûr. C'est pour ça que je vais demander au doyen de réunir un conseil de famille. Je vais les prévenir que quiconque sera soupconné d'avoir ébruité notre secret aura la meute à ses trousses.

- Bonne idée, approuvai-je.

Sur ce, il quitta la roulotte, me laissant seule. Au bout d'une vingtaine de minute, Rosia s'écarta de Lyam, laisant voir la plaie propre et recousue.

- Il va se réveiller d'ici une dizaine de mintues, déclara la gitane en lui faisant une injection. Tu veux bien rester avec lui ? J'aurai besoin de me reposer.

- Pas de problème. Dors bien !

Après son départ, je rapprochai une chaise de sa table d'opération de fortune, et observai le visage de Lyam. Il était indéniablement mignon, et ses tentative de rapprochement ne passait pas inaperçues. Pourtant, après avoir été élevée dans l'idée que je resterai seule le restant de ma vie, je ne comprenai pourquoi fallait-il que je sois attendrie par ce garçon. Je ne le connaissais que depuis quelques jours, mais... j'avais déjà peur de le perdre. J'étais habituée aux manières rustres et machos de mes camarades, et même si Luke sortait de lot, je ne l'avais jamais envisagé comme ça. Sans même parler des humains : il y avait entre nos deux race un fossé immuable, une peur vieille comme le monde qui nous empêchai de leur révéler notre véritable nature. Mais Lyam, lui, semblait planer au-dessus de la violence. Chacune de ses paroles laissaient entrevoir sa personnalité profondément gentille et douce.

Mais laisser la possibilité de tomber amoureuse était sûrement la pire des solutions. La meute avait besoin de moi en tant que seconde, et Garrick ne me pardonnerait pas de saper ainsi son autorité.

Secouant la tête pour m'ôter ces stupides pensées, je reportai mon attention sur Lyam qui se réveillait doucement.

- Salut cow-boy, lançai-je à voix basse. Bienvenu dans le monde des vivants !

Il me répondit pas un grognement peu glamour, et ouvrit enfin les yeux.

-La vache, gémit-t-il. J'ai l'impression d'avoir du coton dans les veines. Je suis défoncé...

- Tu remerciera Rosia, l'informai-je. C'est elle qui t'a charcuté.

- Je ne me souviens pas de grand-chose. C'est toi qui m'a ammené ici ?

- Non, c'est Garrick. Il t'a porté comme une princesse, c'était trop mignon, plaisantai-je.

- Génial, lâcha Lyam en secouant la tête. Tu as trouvé qui a fait ça ?

- Non. Il m'a échappé, avouai-je.

- Et bin, même pas fichue de pister un malheureux humain ! pesta-t-il.

Je baissai les yeux, penaude. Il était vrai que j'avais lamentablement échoué.

- Eh, Tala, reprit doucement Lyam. Je rigolais, je suis certain que tu es la louve la plus badasse du monde. Si il t'a filé entre les pattes, il devait être vachement malin.

Du bout des doigts, il me releva la tête, et mon regard croisa le sien. Je me dégageai rapidement. C'était toujours à cet instant précis, dans les romans à l'eau-de-rose, que les deux héros s'embrassaient, mais dans ma situation, le moment me semblait plus gênant qu'intime.

- Tu as peut-être raison, répondis-je, passant à autre chose. Tu as besoin de quelque chose ?

- En vrai ? Du sommeil. Je ne suis pas sûr que la fatigue va m'aider à me remettre sur pied rapidement.

- Parfait, alors, je te laisse tranquille. Si jamais il tu te sens mal, hurle et quelqu'un viendra t'aider. Repose-toi, dans une semaine, tu as intêret à être en état de bouger tes fesses, le prévins-je.

- Pourquoi donc ? s'étonna-t-il.

- On sera le 7 juillet. Ce sera mon anniversaire, gros bêta, annonçai-je, surprise qu'il l'ignore. Lui qui avait tendance à se mêler de ma vie...

- Tu va faire une fête? s'exclama Lyam, enjoué.

- Moi, non, mais je connais Luke : je suis certaine qu'il va encore m'organiser une soirée.

- Génial ! Mais ça n'a pas l'air de t'enchanter...

- Bof, l'ambiance loup-garou est un peu redondante... Mais, on reparlera de ça plus tard, conclus-je. Essaye de dormir ! insistai-je en quittant la roulotte.

La semaine qui suivit fut tellement chargée que je ne pus aller lui rendre visite. Je sus par Andrew, le troisième fils de Rosia qui avait demandé à être un loup-garou, que Lyam fut rétabli en quelques jours seulement, mais Garrick préféra le laisser au repos. De mon côté, j'enchainais patrouilles frontalière, travail au garage et repérage en ville. J'espérai, avec cette dernière activitée, retrouver la trace de l'intru, mais je ne fis que renifler une centaine d'inconnus sans trouver aucune piste.

Ce fut au cinquième jour de ma tentative de recherche, dans un centre commercial, que je sentis une chose intéressante. Une adolescente blonde comme les prés, avec un sac cours, passa devant moi et laissa derrière elle une caractéristique odeur de menthe. Surprise, je me mis à marcher derrière elle, tout en continuant à hûmer sa trace. Effectivement, elle utilisait le même shampoing mentholé que l'agresseur de Lyam. Pourtant, j'étais certaine que c'était un homme taillé, et non une fillette de treize ans aussi mince qu'une allumette. Déçue, je ralentis, et m'adossai contre une vitrine ventant les miracles de la pommade anti-âge à base d'huile végétale, quand une idée me vint soudainement à l'esprit : si cette ado utilisait le même savon que mon tireur, il y avait de grandes chances qu'elle vive également au même endroit ! Peut-être même étais-ce sa fille. Pleine d'une énergie nouvelle, je fendis la foule jusqu'à me retrouver une nouvelle fois derrière ma cible. Feignant un instant de trébucher contre une dalle déplacée du carelage, je tombai à la renverse dans son dos, et en profitai pour plonger mon nez dans son foulard. Parmis les diverses odeurs, notamment un lourd parfum à la fraise, je retrouvai une légère trace de cigarette. Bingo : j'avais deviné que celui qui m'avait échappé dans la forêt fumait comme un pompier, et il était sûr que les vêtements des personnes avec qui il habitait devaient être impregnés de nicotine.

- Madame, vous allez-bien ? s'écria la fille d'une voie aigue.

- Je suis vraiment désolé, couinai-je. Je me suis pris les pieds, j'espère que je ne t'ai pas fait mal ?

- Non, non, je vais bien. Votre cheville n'est pas tordue ? s'inquiéta-t-elle.

- Ne t'en fais pas, la tranquillisai-je. Encore désolée !

Je m'éloignai rapidement, et l'observai reprendre sa route. Ce fut alors un jeu d'enfant : une trentaine de mètres derrière elle, je suivait son chemin à la trace, espérant ainsi arriver à son logement. Par chance, elle rentrait justement chez elle, dans un appartement de centre ville, dont je notai précipitamment le numéro et l'étage. Une certaine famille Wigles. J'hésitai un moment à sonner pour tenter de rencontrer son père, mais je me dis qu'elle trouverai peut-être étrange de me voir à sa porte après m'avoir croisé dans la rue.

Finalement, je choisis de téléphoner à Luke, et je lui demandai en urgence de me rejoindre. Une dizaine de minutes plus tard, il apparut au bout de la rue.

- Alors, tu vas me dire ce que tu mijote ? s'enquit-il.

- Je presque sûre que celui qu'on recherche vit ici, lui appris-je en désignant l'immeuble. Tu veux bien aller leur rendre visite ?

- De quelle manière ? Je crochete la porte ?

- Sûrement pas ! Tu n'a qu'a dire que tu cherche Mr. Wigles parce que tu reconstitue ton arbre généalogique.

- Bonne idée ! s'enthousisma Luke. Et toi ?

- Je reste en bas. Mais retransmet moi la conversation avec ton téléphone, je viendrai si tu a un problème.

Luke partit donc appuyer sur l'interphone. J'entendis la voix de la fille demander qui étais-ce, ce à quoi il débala notre alibi. Un instant plus tard, il entrait dans l'immeuble. Je collai rapidement mon téléphone à mon oreille, et m'assis sur un banc non-loin.

Le bruit du frottement du tissus de sa poche alterait la qualité de l'appel, mais je pouvais tout de même distinguer les sons de voix.

- Bonjour, commença Luke. Vous êtes Mr. Wigles ?

- C'est ça, répondit une voix d'homme. Je vous connais ?

- Non, accorda Luke. J'ai trouvé votre adresse dans l'annuaire. A vrai dire, je viens car je suis en train de mettre au point mon arbre généalogique. D'après mes dernières recherches, vous êtes mon petit cousin éloigné au premier degré.

- Vraiment ? s'étonna l'homme. Ravi de vous rencontrer, alors ! Vous voulez entrer ?

- Avec plaisir, convint Luke.

Il y eu un silence, entrecoupé de bruit de pas. Puis Luke s'informer :

- Vous êtes marié ?

- Ma femme est morte il y a sept ans. Un cancer du sein.

- Je suis désolé, répondis Luke.

- Vous n'y êtes pour rien, ne vous excuser pas, le rassura Mr. Wigles. Je vous serre quelque chose à boire ?

- Non merci. déclina Luke. Je ne suis pas très boisson. J'ai aussi cru comprendre que vous avez une fille, non ?

- Oui, Clara va avoir 13 ans dans deux mois.

- Et, si ce n'est pas trop indiscret, continua Luke, je peux connaître votre profession ? Je m'efforce d'être aussi précis que possible dans la présentation de mes parents.

Je le félicitai silencieusement : la carte de la diplomatie semblait fonctionner à merveille !

- Je tiens un salon de relaxation, lui apprit l'homme. A côté du cinéma.

- C'est original, comme métier, commenta Luke.

- Et vous ? s'enquit l'homme. Vous habiter aussi en ville ?

- Non, je viens de la banlieue, répondit sincèrement Luke. Près de la fabrique automobile.

- Vous venez du camps de gitan ? s'écria Mr. Wigles, soudain menaçant.

- Euh, hésita bêtement mon ami, oui...

- Sortez de chez moi, ordonna furieusement notre cible. Je ne veux pas à voir avec vous. Et ne tentez pas de revenir !

Le bruit sec d'une porte qui claque résonna dans mon haut-parleur, et Luke arriva dans la rue une minute plus tard, la mine défaite.

- Eh bah, soupirai-je, il a l'air remonté.

- Tu parles ! s'exclama mon espion. Mais regarde ce que j'ai emprunté...

Il me tendit un gant en cuir.

- Tu l'a volé ? m'étonnai-je.

- Sens-le, tu pourras savoir si c'est bien celui qu'on cherche.

J'obtemperai. Une fois le nez dedans, bien que les mains ne soient évidemment pas la partie du corps la plus odorante, je reconnu le parfum que j'avais découvert en forêt. Le doute n'était plus permit, maintenant.

- Tu sais quoi ? lançai-je à Luke. Je crois qu'on va aller se faire une petite séance de relaxation, un de ces jours !

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