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C’est avec le haut débit que sa vie avait changé. À la recherche de sensations, il était tombé sur des films pornographiques. Il les avait repoussés avec horreur, avant d’en regarder quelques-uns, pour savoir, pour pouvoir en parler si jamais la conversation abordait le sujet, occultant la rareté de ses échanges verbaux, ne dépassant pas l’anodin et le lieu commun. Déçu des premiers visionnages, il avait cherché d’autres pratiques, toujours « pour savoir ». Il avait découvert ainsi une gamme de plaisirs étonnants, se demandant comment les hommes et les femmes avaient pu s’intéresser à ce point et avec tant d’imagination à cette chose somnolente en lui. Beaucoup de ces films étaient simplement dégoutants ou insupportables. Il avait poursuivi sa quête, ses pulsions maintenant réveillées. Il avait peut-être raté quelque chose, car certains films provoquaient des réactions violentes sur son corps. Instinctivement, il apprit à les accompagner. Ces activités occupaient maintenant une grande partie de ses temps libres.
Recherchant des stimulations plus fortes, il avait constaté que les scènes dans lesquelles les partenaires étaient de même sexe l’excitaient plus. Cherchant une satisfaction intense, il refusait de s’interroger sur ces préférences, et finit par ne visionner que des films gays. Certains acteurs, Kevin, James, Jack, étaient ses favoris et il connaissait toutes leurs prouesses. Il avait acquis ainsi une connaissance approfondie des prémices, des positions possibles et des conditions. Il trouva ainsi une vie sexuelle active, sans aucun rapport physique ou affectif, ce qui lui convenait parfaitement et lui permettait de ne pas se reconnaitre comme déviant. Très tôt, il avait été invité à suivre ses relations de la paroisse pour participer aux manifestations contre l’avortement et les droits accordés à ces malades mentaux. C’étaient eux qui souillaient leur corps et nos enfants, promouvaient leurs sales pratiques et s’infiltraient partout dans la société avec « fierté ». Il vivait cet équilibre avec conviction.
Il visualisait donc parfaitement ce que lui racontait Macodou. La personnalité ambiguë de Macodou résonnait avec ces images vues et revues, introduisant une curiosité pour celui qui les ressentait dans sa chair.
Il fut sorti de ses rêveries par un attouchement précis.
— Je ne sais pas si tu m’as écouté, mais toi, tu devrais t’écouter !
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Je crois que tu refuses beaucoup de choses ! Tu devrais te détendre, te laisser aller, tenter des expériences !
Son geste avait indiqué sans ambiguïté de quoi il s’agissait. Gilles était bien avec son non-dit. Il s’en doutait, mais n’avait pas besoin de le savoir. Le silence était préférable à tout le reste, impossible à vivre. Pourquoi faudrait-il qu’il mette tout en l’air ? Pour les beaux yeux d’un pédé noir ?
— Qu’est-ce que ça peut te faire ?
— Tu sais, savoir qui on est est plus simple !
Non, non et non ! Ne pas savoir est plus rassurant. Son insistance mettait Gilles en colère.
— Tu veux me proposer tes services ?
— Gilles, ne sois pas méchant. Je ne veux rien te proposer, sinon un peu d’amitié.
— Excuse-moi. Je n’ai pas envie de changer.
— Moi, je te dis que tu vas le faire ! Mais, avance à ton rythme, mon ami.
Heureusement qu’il partit ! C’était trop pour Gilles. Il n’était pas venu pour ça. Il enfila un short et traversa l’hôtel pour aller voir la mer. Il n’en avait pas encore éprouvé la curiosité. De rares enfants piaillaient, la mer était immense, avec des vagues. Sans intérêt ! Surtout, la vue du jeune Noir lui manquait. Sa présence aussi, un peu. Que se passait-il ?
Il frôla Macodou en passant, qui se retourna avec son sourire accueillant. Il ne prononça aucun mot, attendit que Gilles se soit réinstallé pour venir faire son tour vers chez lui. Il s’assit et, sans regarder Gilles, lui parla de son pays, de ses particularités, de ses difficultés. Le Blanc écoutait. Il ne s’était jamais intéressé à la politique, à l’économie. La voix fluette et harmonieuse le fascinait. Il avait trouvé dans sa compagnie une douceur et une raison de vivre. Le pays était dur, il n’y avait pas de travail pour tout le monde. Il avait de la chance d’être comme il était et de pouvoir se vendre. Il plaisait aux hommes, répondait à toutes les demandes, avec des jeunes, des vieux. Il ne se faisait pas toujours payer, ne demandait pas toujours la même somme fixant sa rétribution selon la sympathie ou la richesse supposées du client. Il gagnait sa vie, expliqua-t-il dans un sourire où Gilles lut une si grande tristesse qu’il eut un mouvement de compassion en posant sa main sur le bras du jeune homme. Son geste instinctif lui fit retrouver la douceur de cette peau. Mon Dieu, oui, il s’en souvenait ! Cela avait si bon, et si bref ! Il oublia de la retirer. Quand il s’en rendit compte, Macodou fixait cette main, le regard vide. Gilles était perdu, ne voulant pas vexer le garçon en la retirant, mais ne souhaitant pas que ce geste soit perçu comme une demande. Il finit par augmenter légèrement sa pression avant de la ramener à lui. Macodou sortit de sa torpeur avec un visage ravagé, l’effaçant soudain d’un sourire qui fit craquer Gilles.
Macodou se leva pour ramasser une feuille tombée sur la margelle, laissant Gilles se questionner sur ce qui venait de se produire, ressentant un étrange sentiment en lui.
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