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Ils se relaxaient, encore en sueur.
— Si tu veux, je peux aussi t’offrir quelque chose…
La proposition l’allécha. Mais comment exprimer un désir d’actes physiques sans utiliser ces trivialités si peu ragoutantes.
— Je ne sais pas, mentit-il. Peut-être… comme toi ? murmura-t-il.
Macodou sembla apprécier cette complicité. Avec beaucoup de délicatesse, et de savoir-faire, il fit monter Gilles à des niveaux proches de l’évanouissement, le faisant crier de jouissance et le laissant haletant.
C’était impossible, se dit-il en reprenant conscience. Ne plus jamais ressentir ça, abandonner ces plaisirs à peine découverts équivalait à une damnation. Il avait attendu soixante-deux ans. Pas pour une seule et unique nuit, qui était déjà finie. Une seule fois, une dernière et ultime fois, cela pouvait durer une semaine ! Il savourait les derniers reflux du plaisir, tandis que sa respiration s’apaisait.
— Macodou, tu m’as fait quoi ?
— Je t’ai fait l’amour !
Gilles rougit de cette franchise. Il se prit à recevoir avec gratitude le mot et ce qu’il avait représenté.
— Merci, susurra-t-il.
Macodou entendit tout dans ce simple mot dit avec une sincérité entière. Il vint poser un délicat baiser sur les lèvres du Blanc dont les larmes coulaient sous ce mot entendu pour la première fois.
— Tu sais, je te trouve tellement beau, belle ! Tu en as la grâce. Si tu le veux, dorénavant, je ne t’appellerai que Codou !
Un splendide sourire le remercia de son attention, pourtant évidente.
— Comme tu veux ! Tu préfères peut-être aussi penser que c’est mieux pour toi de coucher avec une fille, même si elle est un peu un homme…
Gilles rougit de nouveau, car il y avait un peu de cela dans sa proposition. Il aimait sa gracilité féminine qui gommait un peu la réalisation de ses phantasmes.
— Regarde, je porte une coiffure de fille ! J’adore me maquiller et me promener en boubou.
Il marqua une pause. Il ne l’avait fait qu’une fois, un soir de match, quand il n’y avait personne dans les rues. Sa mère l’avait regardée, admirative et horrifiée, le serrant dans ses bras en pleurant à son retour.
— Codou ! J’ai eu si peur !
Il avait adoré, ressentant une plénitude extraordinaire. Il était sorti de son quartier, bien entendu, et s’était mêlé à un groupe de femmes. Il était presque sûr d’avoir été démasqué par certaines, mais il avait été accueilli avec chaleur et indifférence. Se sentir femme, dans ce pays où on les maltraite, où elles se tuent au travail, quel paradoxe !
Il n’avait jamais recommencé, estimant qu’il était allé au bout de l’expérience. Il était un homme, certes particulier, puisqu’il aimait les hommes. Il se sentait proche des femmes, car subissant un peu leur condition, mais il restait complètement un homme ! Pourtant, il aimait se rapprocher d’elles par ses tenues et ses allures, pour se différencier de ceux qui martyrisaient les goor-jigueen, pour les narguer, même si c’était prendre des risques.
Au moins, dans cet hôtel, il était un peu protégé. Ce vieil homme blanc le touchait. Il s’était déjà attaché à d’autres clients. Ce n’était pas une bonne chose, avec une séparation obligée, toujours douloureuse. Avec Gilles, il pouvait parler librement, comme il aurait pu le faire avec son père, s’il en avait eu un.
— Je suis vraiment un homme-femme, un goor-jigueen comme on dit ici. J’en suis fier. Je veux bien être Codou pour toi.
Gilles ignorait la marque d’affection donnée ainsi, car une seule autre personne appelait ce garçon par son nom de fille : sa mère.
Épuisés, ils se collèrent et se rendormirent.
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