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La certitude de rester si longtemps avec Codou lui donna de la vigueur et c’est ainsi qu’il se montra, sûr de satisfaire son amant.

Il ne se lassait pas de le contempler déambuler de sa souple démarche. Le matelas que lui avait affecté Codou permettait cette agréable observation et la dissimulation partielle de son partenaire quand il était prêt de lui. Quand il se rapprocha, le sourire de Gilles lui donna l’information, déclenchant ce si beau sourire. Que sa joie soit partagée était une belle chose.

Le soir, Codou vint lui dire au revoir. Il avait pris son adorable coiffure dans un grand bonnet rasta noir. Ses jambes étaient fuselées dans un jean étroit et déchiré qui les mettait en valeur. Il avait un sac avec lui.

— Tu es pressé ?

L’invitation faite au jeune avait été plus rapide que sa pensée. La séparation, même temporaire, lui paraissait trop dure. Pourtant, ce garçon n’était rien. Sa grâce le rendait indispensable. Sa grâce, et ce qu’ils avaient partagé. C’était maintenant instillé dans la chair du Blanc.

Le petit mouvement d’épaule du jeune était trop mignon dans son indécision. Ils se regardaient, gênés de ce qu’ils n’osaient exprimer. Gilles s’approcha, lui retira son t-shirt qu’il envoya sur un fauteuil. Il défit le pantalon maladroitement et le tira par le bas, tellement il adhérait à sa peau. Codou se laissait manipuler, souriant. Le petit slip s’évanouit. Un doigt sur la bouche de son idole, il le conduisit sous la douche. Lui-même fit tomber les deux vêtements qu’il portait. Il savonna soigneusement ce corps adulé. Il l’essuya avec tendresse et l’amena au bord du lit. Codou restait docile et interrogatif. Il se fit mettre dans sa position préférée. Gilles en avait tellement rêvé tout l’après-midi qu’il se répandit sur la serviette. Codou lui sourit.

— Ce n’est pas grave ! Ça arrive !

Gilles était tassé sur le lit, regardant son amant enfiler avec souplesse cette seconde peau. Une fois prêt, il revint vers le Blanc, toujours prostré. Il posa sa main sur son sexe flasque et l’embrassa. Gilles s’agrippa à son amour, avalant goulument ce baiser, brisé par cette séparation. Codou se défit lentement. Sans un mot, il quitta la chambre.

Gilles dina à la table habituelle, avec ces inconnus qu’il avait jugé sympathiques. La conversation roula rapidement sur la nonchalance des habitants, leur inaptitude à se prendre en charge, à la dégradation du pays depuis l’indépendance. Tout ceci basé sur une étude sérieuse issue de leurs observations durant le trajet depuis l’aéroport et le service de ces gens à l’hôtel. Il écoutait sans participer. L’ombre de Codou se tenait à côté de lui, invitant à découvrir et à aimer ce monde inconnu. Sans cela, il aurait pensé comme ces imbéciles. Les retards politiques et sociaux suivirent, puis la religion, non nommée puisqu’ils étaient tous réveillés par les appels à la prière, responsable de tout. Les attentats n’étaient pas loin. Vint le statut des femmes, surexploitées. Leur bonne conscience moralisatrice l’agaça. Il lança sans réfléchir, s’étonnant de son audace :

— Sans parler des homosexuels !

Un froid suivit. La question était forcément gênante. De plus, il se rendit compte alors qu’être un homme seul prononçant ce mot le désignait comme pouvant appartenir à ce groupe. Heureusement, la bonne éducation des convives permit de reprendre des lieux communs sur ce sujet. Ils se quittèrent, satisfaits de la hauteur des échanges.

Très perturbé, Gilles alla chercher un remontant avant de s’affaler sur son transat préféré. Il ne fumait pas, ne buvait que rarement, mais maintenant, il avait besoin de réfléchir. Tout avait basculé si vite. La nuit était tombée. À l’autre bout de la piscine, trois ados jouaient à se pousser dans l’eau. Il était seul dans son coin, seul face à lui-même.

La fine stature lui manquait déjà. Il sourit. L’alcool commençait à relâcher ses freins. Cette fois, il reconnut qu’il avait toujours été attiré par des garçons, des hommes, même si la plupart le répugnaient. Reconnaitre n’était pas accepter. Se savoir appartenir à ce groupe honni était difficile. Ce qui s’était passé avec Codou, et ce qui allait advenir, espérait-il, resterait en Afrique. Il n’avait pas à avouer ce qu’il avait fait. Une fois rentré, ce serait fini. Il retrouverait ses vidéos, agrémentées de ses souvenirs. Et puis, zut ! Il ne devait de compte à personne. Il refoula l’inverse : personne ne se préoccupait de ses goûts et orientations ! Eh bien, soit ! Il était un pédé ! La phrase le traumatisa. Le dire était important. Le ressentir dans sa chair, ça, c’était marquant. Il ferma les yeux. Le beau sourire de l’ange était là. Celui du Belge également, avec ses rondeurs et sa petite rousseur. Il imagina un sexe énorme, déployé dans la flamme de sa blondeur. Il reconnut son envie. Serait-ce tromper Macodou ? Parce qu’avec le jeune Noir, il y avait aussi une tendresse, une affection. Il était le premier à lui avoir montré de l’intérêt. Sans doute plus. Comment ne pas s’attacher ? Pourquoi ce qu’il échangeait avec Codou était-il différent, tellement fort ? Qu’avait-il pour l’avoir ensorcelé ainsi ? Une vie sans lui était impossible. Il allait lui demander de venir en France, partager son existence. Ou alors, c’est lui qui viendrait s’installer ici, dans cet hôtel, à se mamourer sans interruption. Il se sentait jeune, plein de vigueur. Sa vraie vie commençait. Il se demanda à nouveau pourquoi le regard de la perfection s’était posé sur lui, même si les clients étaient peu nombreux. Il n’avait jamais eu conscience de son corps. Il n’était jamais malade. En prendre soin n’avait pas de sens. On lui aurait demandé de se décrire, il en aurait été incapable ! Un homme, de taille moyenne, la soixantaine. Signe particulier : néant. Il ne connaissait même pas son regard, le fuyant quand il se rasait. Alors, ce qui avait attiré Macodou restait inexplicable.

Toute la nuit, il repensa à ces questions, pourquoi lui, pourquoi moi ? C’est sur le deuxième terme qu’il butait.

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