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Un crissement sur la porte le tira de son sommeil. Le jour pointait à peine et Macodou avait dû prendre le premier transport pour passer une heure avec son amant. Quelle preuve ! Quelle prévenance ! Immédiatement, ils furent nus. Cette fois, ce fut Gilles qui écrasa son partenaire, dans une folie de trémoussements de retrouvailles. Tout grain de peau était objet de caresses et de baisers. Il avait dormi le nez dans le t-shirt, mais retrouver la fraîcheur de la source était enivrant. D’autres odeurs se mêlaient, sans doute ses compagnons de voyage, entassés dans le taxi. C’était une variation plaisante.
Ils hésitaient sur l’ordre, chacun soucieux du plaisir de l’autre. Gilles restait frustré de son manque de maîtrise de la veille. Il fit remettre Codou dans sa position d’offrande, voulant à nouveau conduire son amant sur ce chemin. Il se concentrait sur le plaisir du jeune corps. Quand il l’estima assez chaud, il voulut se vêtir pour l’achever. La veille, il avait acheté au kiosque capotes et gel. La diversité du choix offert l’avait amusé : la consommation semblait importante ! La chaleur devait émoustiller les sens ! Il eut du mal. Il repoussa l’aide de Codou, voulant être autonome. Il put enfin s’enfoncer dans cette merveille. Leurs regards s’étaient verrouillés et il put voir la montée du plaisir dans les yeux de l’éphèbe. Ils éclatèrent en même temps. Codou s’effondra sur lui, haletant et humide de l’effort. Gilles s’enfonça dans une torpeur réconfortante.
À la gym, le Belge était là. Gilles le regarda. C’était la première fois qu’il osait détailler un homme, acceptant de projeter un désir. Le blond, devant cette attention, lui sourit. Le cours démarra. Gilles attendait avec impatience les exercices en double. Il se confia complètement à la force de son partenaire, pouvant approcher ses yeux de ce corps ensoleillé. Il prit soin de lui. Il regretta l’absence de vestiaire et de douches près de la salle. Ils se retrouvèrent au bar, n’arrivant pas à échanger le moindre mot, Gilles ayant toujours bloqué sur les langues étrangères. Il comprit néanmoins que son compagnon était Néerlandais et qu’il s’appelait Bob, qui lui désigna une femme, à l’autre bout de la piscine, sans doute la sienne. De leur place, ils apercevaient le petit plagiste.
— Your friend ? questionna le Belge, voyant les regards de Gilles.
Ce dernier connaissait ce mot, mais ne sut quoi répondre. Il acquiesça d’un petit mouvement de tête.
— Your boy-friend ?
Ce mot, il l’avait entendu dans les vidéos. Il rougit, ce qui lui valut une grande claque dans le dos et un éclat de rire. Bob s’exprimait par gestes, en baragouinant dans sa langue ou en anglais. Gilles finit par comprendre qu’il voulait faire sa connaissance. Ils se levèrent, allèrent au bout de la piscine, dans le détour discret. Le plagiste salua le blond et changea d’attitude. Gilles fut étonné de l’entendre parler anglais avec aisance. Après quelques mots, ils partirent ensemble, laissant celui qui avait joué l’intermédiaire désemparé. Bob s’était servi de lui pour approcher le plagiste. Il avait donc tout observé et savait à quoi s’en tenir sur Gilles. Le plus étonnant était que Macodou n’ait pas identifié Bob comme un client potentiel. C’était une nouvelle question : comment sait-on qu’un autre homme est gay, qu’il va répondre à vos attentes ? À quoi les reconnait-on ? Un vieux relent remonta : finalement, ces gens-là sont partout ! Il avait bien fait de manifester contre leur présence et leur protection. La colère montait, celle de savoir Macodou se livrer à son activité rémunérée, celle de savoir que Bob l’avait utilisé, celle de savoir que Bob n’avait jamais imaginé lui proposer un rapport, alors qu’il aurait aimé admirer la nudité de ce viking.
Cette nuit-là, quand Codou le rejoignit, Gilles fit l’indifférent, avant de se laisser à des brutalités dans ses gestes, comme pour effacer chez son amant ce à quoi lui n’avait pas eu droit. Le jeune semblait indifférent, sans doute habitué à l’inconstance. Pourtant, sur le matin, la tendresse qu’il mit dans son acte déclencha des remords chez Gilles. Décidément, si tout cela apportait des plaisirs exaltants, la gestion des sentiments était trop compliquée. Ne pouvait-on pas avoir l’amour en sentiment et en sexe, seulement, pleinement ?
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