26
En revenant vers l’hôtel, ils parlèrent protections. Codou préférait faire le sexe sans protection. C’est ainsi qu’il avait découvert ce plaisir. Il avait treize ans alors, et c’était avec son meilleur ami. C’était deux ans après le viol. Il avait tout oublié, sauf la peur du phallus dressé. Son ami avait eu du mal à le rassurer, mais il avait tellement envie de lui ! Il lui racontait cette première fois, soumis à jamais à ce garçon. C’était la tradition, même s’il ne le voyait plus. L’autre pouvait venir le réclamer et il partirait alors pour toujours avec lui. Sauf s’il était répudié.
Leur relation avait été découverte. D’autres avaient voulu en profiter, honteux et hargneux dans leur exigence. Alors, il s’était offert, pour ne pas se faire violenter, pour en tirer du plaisir. Il se rendit compte qu’avec ces secrets, il avait du pouvoir sur ceux qui avaient accédé à ses charmes. Il s’était donc offert au chef de la bande, qui avait accepté avec entrain. Il était devenu son protégé. Il servait de récompense pour calmer les litiges, envoyé par son maître. Il était heureux de son utilité. Il était méprisé, mais tranquille. Il se servait également de ses charmes pour résoudre ses propres conflits. Il avait ainsi acquis le don de deviner le plaisir à apporter, sans entamer la virilité de façade de son partenaire.
— Mais, moi, tu n’as rien respecté !
— Pfff ! Toi, tu avais besoin de savoir qui tu étais ! Pour le reste, tu étais prêt !
Ce diable aurait fait un excellent psychothérapeute, même si ses méthodes étaient particulières !
Il avait commencé ainsi, avant que le médecin lui apprenne les dangers. Il continuait à accepter de monter à cru, en demandant le double, car il aimait vraiment. Christian l’avait très bien payé. Il lui faisait mal, et il l’avait attaché pour qu’il ne se débatte pas, et lui avait mis quelque chose dans la bouche pour qu’il ne crie pas.
— Tant pis pour les maladies ! affirma-t-il. Il avait déjà attrapé de sales trucs. Les médecins du dispensaire savaient guérir ces choses, car plein de jeunes filles en avaient ici. Le plus embêtant était qu’il fallait arrêter de travailler et acheter les médicaments, tout en continuant de payer le cousin. C’est pour ça qu’il n’avait pas mis beaucoup d’argent de côté. À peine de quoi vivre deux ans, lui et sa famille, à condition d’arrêter aussi les études de Khadija.
Gilles refusa de penser qu’il s’était aussi exposé, ne voulant pas abîmer cette aventure.
Codou lui précisa qu’il prenait toujours le médicament pour se protéger du SIDA. C’était trop grave, même si ça coutait très très cher. Il sentit le scepticisme de son compagnon, car il s’arrêta pour sortir une boîte. Le fond de son sac était réservé aux protections et aux soins. Codou était un garçon sérieux.
Après un moment de silence, Codou, presque inaudible à cause des vagues, avoua que, cette nuit, il s’était senti très proche de lui. C’était la première fois qu’il le faisait chez lui. Gilles entendit la force de cet aveu. Il y avait donc eu beaucoup plus qu’un acte sexuel, presque une union. Il avait eu raison d’accepter. C’était un nouveau serment d’amour entre eux.
Leur dernière semaine fut magnifique, Codou acceptant avec naturel la générosité de son ami, limitant son activité pour s’offrir à lui et lui prodiguer le maximum de plaisirs. Le dernier jour, Gilles fit seul l’aller-retour pour aller saluer sa famille d’adoption. Samsidine lui montra une affection touchante, la mère, une confiance absolue. Seule Khadija resta distante. Il revint par la route, se mêlant à cette population, se trompant presque volontairement pour rester plongé dans cette humanité qui était devenue la sienne.
Leurs adieux furent brefs. Dans la cohue du chargement, ils s’embrassèrent sur la bouche, dans l’indifférence générale, leurs mains allaient se séparer pour plusieurs semaines.
Annotations
Versions