30
Gilles n’en avait pas fini. Il devait tant à Macodou qu’il devait lui rendre, mais sans déclencher ses foudres. Il visita plusieurs agences, expliquant sa recherche d’un petit logement à proximité des hôtels. Son idée était d’offrir un logement à son protégé pour son activité, sans avoir à être racketté par le cousin. Il eut le coup de foudre pour une vaste chambre indépendante, assortie d’un cabinet de toilette, dans une petite rue du quartier touristique. Sans doute un ancien logement de gardien. Il y avait l’eau et l’électricité, mais le local était dans un état lamentable. Il l’acheta pour une somme qu’il jugea dérisoire.
Codou était revenu. Il avait en permanence le visage grave. Gilles le connaissait maintenant assez pour savoir l’inutilité d’une question. Il l’entoura de prévenance, sans parvenir à le dérider. Leurs rapports étaient mécaniques. Gilles sentait leur relation se distendre, perdu dans son incapacité à dénouer leurs destins. Codou repartit une semaine. Il revint apaisé, mais toujours distant. Ce qui blessait le plus son amant était l’apparente absence de plaisirs lors de leurs rapports. Lors de son séjour à Paris, Gilles était entré dans une boutique spécialisée. Il avait demandé conseil au vendeur, gêné de ses questions. Le naturel des réponses l’avait rassuré et il avait pu profiter d’explications et de propositions, le vendeur racontant ses utilisations personnelles de ces accessoires. Il était reparti avec des objets dont il pensait faire profiter son amant. Il s’était amusé en se demandant ce que les contrôleurs de bagages verraient sur leurs écrans. Son amant était en train de partir. Il savait que cela arriverait. Chaque seconde gagnée était précieuse. Une fois Codou parti, il retrouverait la solitude. Il n’aurait jamais eu qu’un seul amour, qu’un seul amant dans sa vie. Quel homme voudrait de lui ? Il n’était pas sûr de vouloir s’exposer à un refus. Pire, il ne s’imaginait pas draguer. Et puis, se mettre nu devant un inconnu… il n’y aurait pas d’après.
Codou fut surpris par l’apparition de ces objets. Il sourit. Heureusement qu’il semblait connaitre leur usage. Ils jouèrent ensemble. Gilles crut percevoir une satisfaction et il fut heureux de retrouver un peu son ange.
Il profita de ce rapprochement pour emmener Codou visiter son acquisition, lui demandant conseil sur l’intérêt d’un tel achat, sur les travaux pour le rendre agréable. Le jeune trouva l’endroit intéressant et fit preuve d’idées intéressantes pour en faire une garçonnière. Gilles profita de l’ouverture.
— Codou, tu paies beaucoup à ton cousin…
— C’est vrai, mais je suis seul sur ce territoire.
— Imagine si tu pouvais aller d’un hôtel à l’autre, d’un bar à l’autre…
— J’aurais plus de clients…
— Mais il te faudrait un endroit à toi…
— Je sais. Mais je ne peux pas m’en payer un…
— Codou, conseille-moi. J’ai un ami, en France, qui m’a rendu un immense service. Comment puis-je le remercier ?
— En lui faisant un immense cadeau !
Son rire souligna la stupidité de la question
— Codou, j’ai un ami, dans ce pays, qui m’a rendu un immense service. Comment puis-je le remercier ?
— Non ! je ne t’ai rendu aucun service. Je ne veux rien de toi !
Il tenta de partir, mais Gilles, qui avait prévu la colère, lui avait déjà saisi le poignet. Ils s’affrontèrent du regard. Que le jeune prostitué était beau dans sa farouche irritation ! Gilles lâcha sa prise, passa son doigt sur la joue crispée en lui souriant.
— Mais tu vas m’en rendre un ! Ici, je ne connais personne. Si j’achète quelque chose, quand je disparaitrai, cela partira à l’abandon. Personne ne viendra le réclamer. Je ne veux pas ça.
— Gilles…
— Tais-toi ! Tu me sers de prête-nom, c’est tout. C’est à moi et tu me verses un loyer. Je ne veux rien te donner !
Après une longue réflexion, il leva les épaules. Gilles sauta de joie.
Annotations
Versions