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Il fallait installer une douche, refaire le carrelage, la peinture, le meubler. Trouver les matériaux était compliqué, autant que les faire poser correctement. Codou s’était investi dans ce travail qui le distrayait de ses ennuis.
La peinture et la décoration furent plus faciles. Samsidine venait les aider. Dans la touffeur moite, ils ne gardaient qu’un short pour travailler. Gilles regardait les deux frères, tellement pareils. Samsidine serait sans doute un peu plus musclé, mais il allait être aussi un superbe jeune homme. Gilles en était heureux pour lui, le regardant uniquement comme un petit-fils. De temps en temps, les deux frères chahutaient dans un ballet qui faisait rire Gilles. Il engrangeait précieusement ces perles de pur bonheur qu’il savait éphémères.
Pendant ce temps, des trombes d’eau se déversaient tandis que les deux amants mélangeaient leur sueur. Gilles, cependant, supportait mal cette lourde humidité et fut obligé de ralentir le rythme de leurs exercices.
Codou avait fait preuve de beaucoup de goût dans le choix de la décoration et le résultat était accueillant et confortable.
Ils étrennèrent le lieu, retrouvant la fougue de leurs premières rencontres, Codou était joyeux comme un gamin. Il osa, enfin, un timide merci. La saison commençait dans deux semaines et tout était prêt !
Gilles remarqua alors qu’il fallait un costume attrayant : se trimballer avec un t-shirt immense était un bon plan au bord de la piscine, pas pour draguer dans les bars. Un tailleur confectionna une sorte de boubou qui mettait en valeur le corps à vendre, soulignant les formes de ce garçon-fille. Plusieurs exemplaires, dans des tissus chatoyants, furent commandés. Gilles implora son amoureux de le laisser lui faire un cadeau, trop heureux du mouvement d’épaule qu’il attendait. Enfin, il fit imprimer de petites cartes, portant le texte et son numéro de téléphone : « Codou prend soin des hommes » d’un côté et : « Macodou prend soin des hommes » de l’autre. Enfin, ils trouvèrent un informaticien habile qui produisit un site, associant le nom de tous les hôtels et la proposition de services particuliers. Le nom de Codou sortait quand on cherchait des informations sur un de ces ressorts de luxe. Tout était prêt. Le jeune prostitué rayonnait sous les regards de fierté de son père adoptif qui le menait dans une voie nouvelle.
La saison démarra doucement, les touristes étant encore peu nombreux et Codou ayant du mal à repérer les lieux porteurs et à mettre au point son numéro d’approche. Rapidement, il se concentra sur un hôtel, réputé pour attirer les hommes seuls en mal d’aventures féminines. Malgré les protections et la sécurité, il arrivait à s’introduire au bar, offrant discrètement sa carte quand un regard lui plaisait et s’éclipsant avant d’être chassé. Un appel le dirigeait ensuite vers son repère.
Quand il n’était pas retenu pour la nuit, il montait à la villa de Gilles pour se détendre et retrouver cette affection sans question. Il aimait à raconter ses exploits, ses performances et les ratés de ses clients. Cela les mettait en appétit et Gilles pouvait profiter d’une activité libre, au choix de son partenaire, sa seule présence étant une grande partie du plaisir. Parfois, il s’abandonnait, retrouvant ses premiers gestes d’adoration de son ange. Cette admiration gestuelle, flattait le jeune qui minaudait pour faire enrager le vieux, à leur grande satisfaction. Les premiers résultats étaient encourageants, Macodou avouant avoir triplé son chiffre d’affaires et supprimé les taxations. Gilles, trop souvent privé de son amant, lui conseilla de ralentir et d’augmenter ses prix.
Ils se retrouvaient souvent, gentiment, comme de vieux habitués. Codou se confiait peu, en dehors de ses exploits. Gilles avait plusieurs fois essayé de le faire parler de lui. Jamais le jeune ne revint sur le peu qu’il avait laissé entrevoir. Gilles était triste de cette distance impossible à réduire. Il était cependant heureux de cette vie, toujours enthousiasmé et affolé par le corps divin qui s’offrait à lui. L’émotion de la première fois demeurait intacte. Codou dégageait toujours un charme incroyable.
Ils avaient mal apprécié l’environnement. Le cousin avait perdu gros avec le changement. Il n’avait eu aucune difficulté pour retrouver Codou et il exigeait de continuer à être payé. Dans son affolement, le jeune s’était confié à son protecteur, le regrettant aussitôt et lui imposant de ne pas intervenir. Gilles était choqué par cette pratique. Il décida, malgré les injonctions de Codou, d’aller porter plainte. Ignorant tout des pratiques locales, il fut soumis à un chantage. Codou était fiché comme prostitué et le fait que lui vienne se plaindre revenait à le placer comme son proxénète. Il allait donc être poursuivi pour cette pratique répréhensible, surtout que ses papiers n’étaient pas encore arrivés et qu’il se trouvait à la limite de son visa. Gilles commençait à se décomposer. Être en prison parmi ces sauvages, ou être renvoyé en France, où il serait sans domicile, le rejetait dans la classe des débris. Jamais il n’aurait pensé en être aussi proche. Le flic, gentiment, lui indiqua gentiment que le dossier pouvait être traité favorablement, mais que cela entrainait des frais. Gilles ravala sa fierté. La somme était conséquente, mais moins élevée que celle demandée par le cousin. Il obtempéra, pensant délivrer son poulain.
Un peu plus tard, Codou lui dit que son cousin avait abandonné ses demandes, mais que la police exigeait qu’il leur paie une protection. Gilles ne lui avoua pas sa démarche, honteux d’avoir simplement changé le fardeau du racket.
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