Au suivant

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Jusqu’à une date récente j’ai mené une vie d’une atroce banalité.

Ne voyez dans cette accroche, ni ironie, ni plainte, ni jugement de valeur : c’est une simple constatation.

En vieillissant, j’ai compris que toutes les femmes et tous les hommes vivaient des expériences proches, que ce qui nous semblait « intime et personnel » était partagé par la terre entière.

Toutes et tous nous passons par les illusions de l’enfance et de l’adolescence. Nous sommes nombreux à découvrir le feu de paille de la passion, l’émerveillement face à l’arrivée de la vie et aussi, inutile de le cacher, la fatigue, l’ennui, les désillusions.

Nous nous retrouvons avec un corps vieillissant et le cruel souvenir des ardeurs et folies de la jeunesse.

Bien sûr, il y a de nombreuses vies qui ne suivent pas ce schéma, femmes et hommes se révoltent et ne veulent jamais, comme le chantait Brel, être « le suivant ».

Ajoutons que si toutes les histoires en général, et les histoires d’amour en particulier, se ressemblent, chaque histoire est mon histoire et chaque madeleine est croquée différemment.

Pour ma part la légère différence c’est la philosophie.

Elle m’accompagne depuis l’adolescence et j’ai trop souvent l’impression de ne pas lui avoir donné tout le temps, l’amour, le travail qu’elle méritait.

Vivre en philosophe, c’est vivre en se regardant vivre, c’est chercher un sens à tout ce qui peut croiser son chemin.

Cela permet de ne pas vieillir idiot, de ne pas se jeter dans des bras rassis et xénophobes, tout en restant lucide : dans ce monde, en dehors de l’amour de l’argent, du pouvoir et du sexe, il n’y a pas grande chose.

Mais cette lucidité a son revers, elle prive des consolations frelatées de la religion et de la politique, sans parler de la drogue ou du sexe.

Alors j’ai fait un choix, qui me semble toujours opportun : aimer cette vie telle qu’elle se présente, ici et maintenant, au jour le jour, sans rien attendre, craindre, espérer, imposer. J’ajoute aussi la remercier pour tout ce qu’elle m’a donné, plutôt que me perdre dans mes regrets, remords, aigreurs et désillusions.

Jusqu’à une date récente, mon bilan se serait conclu ainsi, mais je ne suis plus vraiment le même homme car j’ai trouvé ce que j’avais recherché ma vie entière.

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