Chapitre 2
Poursuivant sur sa lancée, il prend une voix de bourgeois exagéré et répond :
"Enchanté!"
Amusé et heureux de le voir se lâcher avec moi, je l'imite en me levant pour le saluer très bas :
"Moi de même! "
Ça va faire une heure et demi qu'on est là, et je m'ennuie pas le moins du monde! La télé en fond couvre les voix des autres clients. J'ai l'impression que tout disparaît autour de nous. On rit et on parle de tout et de rien. Ça fait un bien fou! Là, ça fait un moment qu'on pouffe de rire à cause d'un vieux monsieur assis derrière moi. Il mange une salade et sa grosse barbe est pleine de crudités en tout genre! Bruce pouffe :
"-Tu pense qu'il va s'en rendre compte à un moment ou il va sortir comme ça?
-Hahaa je sais pas! Mais je suis sûr que le caissière osera jamais lui faire remarquer!
-Ah! Attends il se lève, on va voir!"
On glousse comme des gosses et on observe le vieux monsieur se lever. Mais une fille entre dans le snack au même moment. Une petite blonde super maigre. A son bras un homme plutôt costaud. Et quand je regarde mon nouvel ami, qui a perdu son si beau sourire je devine tout de suite qui elle est. Il me demande avec un regard à la fois suppliant et nerveux :
"-On peut y aller s'il te plaît?
-Bien sûr... "
Je le comprends. C'est dur de voir son ex avec un autre. Surtout qu'ils ont l'air de s'être séparés d'une manière brusque. On se lève et on commence à se diriger vers la sortie, mais une grosse voix le fait se stopper :
"-Hé! C'est pas ton ex ça? "
La blonde lance un rapide regard vers Bruce en marmonant un truc du genre : "Ouais, on s'en fiche.". Mais son nouveau petit ami semble, lui, ne pas vouloir lâcher le morceau :
"Eh ben? On dit plus bonjour, Bruce? "
Bruce reprend sa marche et passe près d'eux sans un mot. Le nouveau petit copain lui attrape le bras et dis en se moquant:
"-Oh, Bruce! C'est moi, Goefrey! Tu te rappelle pas?
-Je me rappelle très bien de toi.
-Je sais, je te taquines!
-Tu peux lâcher mon bras maintenant.
-Dis lui au moins bonjour, tu lui dois bien ça!"
Bruce se retient d'exploser pendant que son ex dit d'un ton méprisant :
"-Lâche ce crétin chéri, reviens là, c'est à notre tour de commander.
-Oui mon amour! "
Son ton a été plus appuyé cette fois. Quel con. Il torture Bruce et il le sait très bien. Je m'approche de mon ami et lui dit :
"-Bruce. Viens, on s'en va.
-Oui..."
Mais le dit Geofrey, rajoute en riant fort :
"Alors c'est ton nouveau petit ami? Tu es gay en vrai? Tu m'étonnes que ça n'est pas marché avec Lina!"
A bout, Bruce lui attrape le col et le plaque contre le mur le plus proche en criant :
"Putain mais tu vas la fermer ?! "
Je m'affole en lui tenant le t-shirt :
"Bruce! Calme toi! Viens, on s'en va."
Il se stop enfin et se détourne de Geofrey pour me suivre. Mais l'abrutis continue :
"Ouais, écoute ton copain!"
La jeune femme s'avance et renchérit :
"Allez, disparaît et laisse mon fiancée tranquille!"
Je tire Bruce vers la sortit et va savoir pourquoi on commence à courir. Enfin, disons plutôt qu'il fuit et que moi je lui cours derrière. Je peux pas m'en empêcher! Je ne veux pas le laisser seul, je sais très bien ce que c'est de ne plus rien avoir. Alors je cours comme un dératé et lui cri :
"Bruce! Attends moi! "
Mais il fait la sourde oreille. Il veut juste s'éloigner de tout ça le plus vite possible. En même temps, ils ont étaient horrible avec lui. Après un long moment, il ralentit et s'arrête enfin. Je soupire en essayant de retrouver mon souffle :
"-Oh mon dieu! Je suis épuisé! Comment tu fais pour courir si longtemps??
-Tu n'aurais pas dû me suivre.
-Quoi? Pourquoi?
-Parce que je veux être seul!
-Mais Bruce, on p-...
-DÉGAGE! LAISSE-MOI TRANQUILLE! "
Et il disparaît au coin de la rue. Je me retrouve seul. Au milieu du trottoir, les bras balants. Après quelques minutes je décide de rentrer chez moi. Il a sûrement besoin de temps pour se calmer. Mais du coup, je n'ai aucun moyen de le recontacter... Dommage. Je commençais à l'apprécier.
Je me suis endormis en me disant que je ne le revérais malheureusement jamais. Mais le lendemain, j'entends des jeunes devant un bar très fréquenté, parler d'une bagarre qui a eu lieu hier soir. Un truc mémorable. Un démon aux yeux noirs s'est battus seul contre quatre mecs. Il était hors de lui et en a envoyé un à l'hôpital. Je fronce les sourcils et ralenti. Et si ils parlaient de Bruce? Je tourne les talons et leur demande animé par ma curiosité :
"Excusez moi de vous déranger, mais j'ai entendu votre conversation. Est ce que vous savez si ce mec s'appelait Bruce?"
Le plus âgé me répond que oui et qu'il est apparemment en garde à vu. C'était bien lui alors... Je les remercie et m'éloigne.
C'est incroyable ce que peut déclencher une fille chez un garçon.
Le connaissant il ne va pas chercher a sortir de taule. Bon... Je veux bien payer son amende. Il pourra me rembourser plus tard. Et puis, peut être que ça l'aidera d'avoir quelqu'un qui le soutient.
Je me rend alors au commissariat le plus proche. J'entre et me dirige vers l'accueil. Un homme d'une trentaine d'années me salue. Je fais de même et commence à lui parler de mon ami :
"-Bonjour. Je viens payer l'amende de Bruce, le jeune homme qui s'est battu dans un bar hier soir. Il me l'a demandé.
-Ah oui, le fou furieux là. D'accord, alors il a une amende de 750 $."
Je tique à son appellation. C'est pas vraiment respectueux pour un officier de police non ? Mais je ne dis rien et remplie mon chèque pour lui tendre :
"-Voici.
-Merci, vous pouvez l'attendre là."
Il me désigne vaguement un des fauteuils près de l'accueil. Je reste cependant debout. Le stress sûrement. Je sais pas trop comment il va réagir. Ça risque de pas lui plaire que je l'aide non?
Le voilà.
Je découvre alors le visage abîmé de Bruce : sa joue droite est couverte d'un gros pansement, son arcade sourcilière saigne légèrement et sous sa lèvre inférieur un pansement fin couvre une petite fente encore rouge. Je n'ose pas regarde l'état de ses mains... Elles doivent être pas mal amochées. Je lui fais signe. Son visage balaie lentement le grand hall. Il me repère, et vient vers moi. Les mains dans les poches, la tête baissée, ses cheveux couvrant un peu son visage honteux. Il arrive à ma hauteur et lève enfin un peu la tête. Mais son regard me fuit. Il dit d'une petite voix :
"-Salut.
-Salut. Comment tu va?
-Bien...et toi?
-Mieux."
Il me regarde alors droit dans les yeux. Quoi? Je m’inquiétai mine de rien. Un petit sourire se dessine doucement au coin de sa bouche. Il demande un peu plus à l'aise :
"-C'est toi qui a payé?
-Oui.
-Je te rembourserais. Merci, Erwan, vraiment.
-De rien.
-On peut y aller? J'aimerais retrouver ma guitare.
-Bien sûr."
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