Prologue : L’attaque surprise

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Einar

Je range mes outils dans le petit cabanon que mon père a construit au milieu de nos champs et regarde le travail que j’ai accompli aujourd’hui. Le climat ici, près de Kalmar, n’est pas toujours favorable mais quand on se donne comme je l’ai fait aujourd’hui, la terre nous rend toujours nos efforts et j’espère que les récoltes seront au rendez-vous. Je souris en voyant Haldor, un de mes meilleurs amis, complètement exténué à mes côtés. A deux, le travail était plus agréable et demain, ce sera à mon tour de l’aider. Nous avons toujours fonctionné comme ça et cela nous convient, même si ma mère trouve que je passe trop de temps avec ce vaurien dont les parents n’ont pas le même statut social que nous.

— Eh bien, déjà fatigué ? me moqué-je alors que j’aurais pu continuer encore un moment.

— La journée a été longue et la nuit mouvementée, mon frère, je manque de sommeil.

— Tu manques d’entraînement ! Regarde, tu vois, avec un corps comme le mien, une journée de travail comme celle-ci, on ne la sent même pas !

Je dénude mes bras pour lui montrer mes muscles alors qu’il lève les yeux au ciel. Il n’a pas grand-chose à m’envier, mais c’est vrai que je fatigue beaucoup moins vite que beaucoup de mes amis et connaissances.

— Oui, on sait, Einar le viking a été gâté par les Dieux, rit-il en s’essuyant le front.

Je ris et nous retournons tous les deux vers le village. Je l’abandonne à sa maison et entre dans l’habitation voisine de la sienne. Je souris en constatant que Marguerite a déjà préparé le baquet d’où sort une eau fumante qu’elle a dû faire chauffer sur le feu qui brûle dans la cheminée à côté de laquelle il est installé. Cette femme est une sainte. Cela fait une vingtaine d’années qu’elle vit avec nous, depuis que mon père l’a ramenée de Normandie où il l’a capturée et, malgré les épreuves et son statut de prisonnière, elle a toujours fait contre mauvaise fortune bon cœur. Je la soupçonne d’y trouver son compte, surtout du fait que les instincts maternels de ma mère sont limités. Marguerite a toujours été celle vers qui nous nous sommes tournés, mon jeune frère Bjorn et moi, lorsque nous avions un chagrin, une question. Et comme elle nous a appris sa langue, ce que ma mère s’est toujours refusée à faire, nous pouvions parler dans le plus grand des secrets, sans que personne ne nous comprenne.

— Marguerite, je suis rentré ! crié-je en commençant déjà à ôter mes vêtements. J’espère que l’eau chaude, c’est pour moi ?

Elle me crie de loin que c’est bon et je m’enfonce avec plaisir dans l’eau avant d’attraper une brosse pour me frotter le dos. Nous avons une des plus grandes maisons du village, mais ça reste compliqué d’avoir un peu d’intimité. Je partage encore pour l’instant une chambre avec mon frère, alors que ma mère et Marguerite sont dans une autre pièce. A part ça, nous n’avons que cette pièce commune, autour du feu central, que nous utilisons pour nos ablutions mais aussi pour faire la cuisine et manger. Je sais gré à Marguerite de me laisser un peu d’intimité et je profite pour me détendre.

Je crois que je m’assoupis un peu car c’est un cri strident qui me réveille. Suivi de beaucoup d’autres beaucoup plus gutturaux. Marguerite débarque dans la pièce, affolée.

— Que se passe-t-il ? Tu as vu quelque chose ? la questionné-je.

Je me suis déjà relevé et j’ai attrapé mes braies que j’enfile en cherchant du regard où j’ai laissé mes armes.

— Einar, tu es là, soupire-t-elle. Sais-tu où se trouve ton frère ? Nous sommes attaqués ! Un groupe est arrivé par la terre, ils ont mis le feu à l’une des maisons à l’Est du village !

— Je n’ai aucune idée d’où est Bjorn. Sûrement en train de trousser la soeur d’Haldor. Mais il a dû entendre les cris. Ne bouge surtout pas, d’accord ? Sauf si la situation dégénère. File te mettre à l’abri si c’est le cas.

J’ai récupéré mon épée et mon bouclier, ouvre la porte, sans me préoccuper de la bise un peu fraîche ce soir. Je vois tout de suite la lumière des flammes à l’autre bout du village, et une troupe d’une dizaine d’étrangers armés, l’épée en main, se dirige vers nous. Torse nu et sans protections autres que ce que j’ai en main, je m’élance pour faire face à cet assaut. Je ne suis pas seul et nous nous précipitons tous pour faire face à ces rustres qui se permettent d’attendre la nuit tombée pour s’en prendre à nous. Haldor fonce derrière moi en criant et je suis heureux de le savoir à mes côtés. Un peu plus loin, j’aperçois mon frère qui est aussi en train de courir vers l’ennemi. Tous les hommes du village sont là et nous arrivons rapidement à la hauteur de nos assaillants.

Je n’hésite pas une seconde et m’avance vers celui qui semble être le chef. Souvent, dans ce type de raid, si on coupe la tête, après, c’est la débandade, mais un colosse se dresse devant moi et me coupe la route. Il a un marteau dans une main et un couteau dans l’autre ainsi qu’une armure qui, même si elle est faite de bric et de broc, a le mérite d’exister. Je me fige sur place et c’est comme si le reste des attaquants n’existait plus. Du coin, de l'œil, j’enregistre néanmoins tout ce qu’il se passe, notamment le fait que nous sommes plus nombreux que ceux qui nous attaquent, mais personne ne se joint à moi pour affronter le monstre qui me fait face. J’invoque la protection de Thor et cherche à le surprendre en m’élançant vers lui pour essayer de le frapper au visage. Malheureusement, il devait s’attendre à une telle manœuvre car il se contente de parer mon attaque et tente en retour de m’asséner un violent coup de marteau que je pare avec difficulté. Il a une telle force brute que j’entends mon bouclier craquer et me demande s’il va tenir le choc. Heureusement pour moi, les Dieux entendent mon appel et il ne se brise pas.

Enervé par ce sentiment de supériorité qu’il arbore fièrement sur son visage, je profite de l’avantage de ne pas être encombré par une armure pour bondir autour de lui. Du bout de mon épée, je le pique à plusieurs reprises pour lui montrer ses faiblesses techniques. Mes coups sont déviés par son armure mais les cliquetis qu’on entend l’énervent au plus haut point. Il ne doit pas avoir l’habitude qu’on lui résiste de la sorte. J’essaie de le déconcentrer en faisant quelques arabesques avec mon arme et, dès que j’aperçois qu’il baisse un peu la garde, je m’élance vers lui et utilise l’ouverture qu’il m’offre pour enfoncer la pointe de mon épée au fond de sa gorge. Il s’effondre à mes pieds alors que je ne parviens pas à désengager mon arme de son corps. J’entends un cri rauque et rageur et réalise après quelques secondes que c’est moi qui le pousse. Dans l’adrénaline du moment, je ne m’en étais même pas rendu compte.

J’ai l’impression que mon coup victorieux galvanise mes camarades et rapidement, c’est la débandade chez nos ennemis qui rebroussent chemin. Nous nous élançons à leur poursuite et je saute sur petit brun trapu qui a l’air complètement terrifié. Je l’immobilise au sol et lui mets un coup de poing au visage pour le calmer. Nous avons remporté cette bataille qui n’aura finalement duré que quelques minutes mais qui aurait pu faire tellement de dégâts au sein du village. Je me demande pourquoi ils ont osé s’en prendre à nous alors que nous ramenons tous nos prisonniers au centre du village.

Olaf, notre Jarl (prononcé “yarl”. Désigne un chef de clan), a la mine sombre et nous l’entourons tandis qu’il s’approche de nos attaquants qui ont tous la tête basse, ligotés au milieu de la place. Olaf est lui aussi un valeureux combattant et clairement, il a été une cible des attaques car il a plusieurs estafilades en sang sur son torse, mais il n’a pas l’air de s’en préoccuper. Je le regarde échanger avec les prisonniers qui refusent tous de parler. S’ils ne répondent pas, il invoque Odin et les exécute sans aucune pitié, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le petit trapu que j’ai maîtrisé. Celui-ci, en sanglots, explique qu’ils viennent d’un petit village à l’intérieur des terres où il n’y a plus rien à manger. Il dit qu’ils étaient désespérés et implore la clémence de notre chef. Olaf nous consulte du regard un par un et je constate que les avis sont partagés. Certains de mes camarades font non de la tête, d’autres acquiescent pour lui laisser la vie sauve. Je fais partie de ces derniers, me disant qu’assez de sang a déjà été versé. Finalement, c’est le oui qui l’emporte et notre Jarl défait les liens du prisonnier et lui ordonne de déguerpir sans plus jamais revenir. Le gars ne se fait pas prier et il s’enfuit alors que nous nous mettons tous à pousser des cris de victoire et à applaudir. Les femmes du village se joignent à nous et nous communions tous ensemble pour célébrer le fait d’être encore en vie. Comme d’habitude, après chaque victoire, ces moments servent à remercier les Dieux de nous avoir favorisés et je ressens une immense fierté d’avoir participé à la défense de notre village.

Quelques hommes s’occupent de nettoyer la place tandis que je retourne chez moi avec Bjorn. Mon frère n’a même pas une égratignure et cela me rassure. A chaque combat, j’ai toujours peur qu’il lui arrive quelque chose et nous nous étreignons avant qu’il ne retourne finir ce qu’il avait commencé avec la sœur d’Haldor. De mon côté, j’ai le plaisir de découvrir que Rhadia m’attend devant ma porte. La jolie blonde aux formes généreuses se jette dans mes bras et je l’entraîne à ma suite vers ma chambre pour une nuit qui, si elle ne sera pas reposante, aura au moins le mérite de me faire oublier cette sanglante bataille à laquelle je viens de participer. La douceur du corps d’une femme, il n’y a rien de mieux pour oublier tous ses maux.

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