06. Derniers instants en Terre Viking
Einar
Je m’arrête un instant devant le drakkar sur lequel je vais embarquer tout à l’heure. Les charpentiers ont fignolé les dernières réparations et il est prêt à nous accueillir, même si je redoute un peu le moment où nous allons nous retrouver au milieu des flots impétueux de la mer. Chaque traversée est une aventure dans laquelle nous partons avec autant de courage que possible et sans jamais savoir si nous reviendrons vivants. Je ne m’attarde pas car la cérémonie du départ a déjà été lancée, j’entends les cris et les chants un peu plus loin. Olaf est à la manœuvre, mais il n’est pas seul car d’autres Jarls se sont joints à lui, dont celui du village qui nous a attaqués récemment. Les conflits et les alliances se font et se défont au gré des circonstances, mais il n’y a rien de mieux que la perspective de ramener de l’or et des esclaves pour réunifier les pires ennemis.
Je m’approche doucement du cercle qui s’est constitué autour de nos Jarls et un cri retentit. Olaf impose le silence à tout le monde grâce à sa voix forte et puissante. Je m’installe près d’Haldor et regarde la cérémonie qui se déroule sous nos yeux. Bjorn s’est porté volontaire pour assister et il ramène un bouc qu’il parvient à maintenir dans ses bras musclés pour le déposer devant notre chef qui adresse à l’assistance un regard féroce.
— C’est parti pour le bain de sang, murmuré-je à Haldor qui opine de la tête. J’espère que cela satisfera les Dieux et qu’ils nous permettront de vaincre et revenir sans souci.
— Camarades ! C’est le grand jour ! Celui où notre village repart voguer sur les eaux et montrer sa puissance, son courage et sa détermination, sa combativité et sa puissance ! Qu’Odin bénisse notre voyage et que ce sacrifice fait à Thor nous protège des tempêtes et du déferlement de la nature, qu’il nous garantisse une traversée prometteuse et victorieuse. Mes amis, profitez de ces derniers moments ensemble, mangez, buvez, dansez, baisez, et n’oubliez pas que les Dieux vous protègent, qu’ils ont des plans pour chacun d’entre nous. J’espère tous vous retrouver ici pour fêter votre retour !
Le Jarl conclut sa harangue par un coup net et précis sur la jugulaire du bouc qui continue à marcher quelques pas avant de s’effondrer, sa gorge giclant du sang au rythme de ce cœur qui s’éteint. Je me joins aux vivats autant pour m’intégrer au groupe que pour me donner du courage. Le départ est prévu pour demain matin et personne ne dormira vraiment cette nuit qui commence par cette folle cérémonie. Bjorn, dans son rôle d’assistant, récolte le sang des animaux qui sont sacrifiés avant de passer auprès de chacun d’entre nous et de tracer des runes millénaires de son doigt ensanglanté sur nos visages. J’ai beau savoir que ce n’est que du liquide issu de ces pauvres bêtes que nous avons sacrifiées, j’en frissonne néanmoins en me disant que bientôt, ce sera sûrement le sang de nos ennemis qui coulera ainsi le long de mes joues.
— Eh, Haldor, regarde le gars là-bas. C’est pas le type qu’on a épargné lors de l’attaque du village ?
Il suit mon regard des yeux et observe un instant le petit trapu qui s’est joint à nous et qui va faire partie de notre équipée.
— Si, soupire-t-il. Le gars a autant de courage qu’un rat… Il a préféré fuir plutôt que de se battre, ça promet pour notre excursion.
— A sa place, tu aurais fait pareil. Je crois qu’il n’a pas eu le choix de venir, vu sa tête. Après une expédition ratée comme la leur, il faut qu’il se rachète une conduite. Son honneur est en jeu, pauvre homme. Je vais aller retrouver Rhadia pour célébrer ce départ, à demain sur le port.
— Tu ne profites pas un peu de la fête avant ça ? ricane-t-il. À demain, mon frère, amuse-toi bien.
Je lui fais un clin d'œil complice et me dirige vers la demeure de ma régulière qui va me permettre d’oublier entre ses bras l’angoisse de l’expédition à venir. Je suis surpris de voir devant sa fenêtre la sœur d’Haldor qui semble captivée par ce qu’elle voit. Intrigué, je m’approche de la jolie blonde un peu menue et me penche au-dessus d’elle. La scène que je découvre me consterne autant qu’elle m’excite, dans un mélange un peu étonnant de frustration en constatant que mon frère m’a devancé pour profiter d’elle cette nuit et d’excitation en les découvrant en pleine action. Rhadia est en effet à quatre pattes, son arrière-train magnifique offert à notre vue et Bjorn est en train de s’occuper d’elle avec une furie digne du combattant qu’il est. Son membre viril entre et sort avec vigueur alors que sa partenaire pousse des couinements qui témoignent du plaisir qu’elle prend à se faire ainsi dominer. Et dire que c’est moi qui pourrais être en ce moment en train de m’occuper d’elle.
Heureusement pour moi, Elsa qui a senti ma présence derrière elle se retourne et, sans un mot, me prend la main pour m’attirer à elle. Je la suis en silence jusqu’à sa demeure où nous pénétrons main dans la main. En entrant, nous entendons les halètements d’Haldor qui est lui aussi en pleine action même si nous ne pouvons le voir et je suis Elsa jusqu’à sa chambre. D’un geste empressé, elle ôte sa robe et se jette sur moi, nue et excitée si j’en crois ses tétons qui se dressent et l’humidité qui se dessine sur sa toison blonde. Je la soulève dans mes bras puissants, surpris de sa légèreté, et l’allonge sur sa couche où je la rejoins après m’être débarrassé de mes vêtements. Je la pénètre avec une impatience décuplée par les gémissements qu’elle pousse et rapidement, je me retrouve à bouger en rythme au plus profond de son intimité si serrée. Dans cette union, aucun sentiment, aucune tendresse. C’est la satisfaction bestiale de deux adultes qui laissent parler leurs désirs et j’avoue que cela me convient tout à fait. Quand je sens le point de non retour arriver, je me retire au dernier moment et me répands dans un râle sur son ventre nu. Je sais que c’est un peu lui manquer de respect de ne pas jouir en elle, mais je ne sais rien d’elle. Peut-être est-elle dans sa période fertile et elle souhaite mettre au monde un enfant ? Je n’en ai de mon côté pas du tout envie et lorsque nous reprenons nos ébats un peu plus tard et qu’elle vient me chevaucher, elle a compris le message et c’est entre ses doigts que je connais un nouvel orgasme.
Nous finissons par nous assoupir et j’ai l’impression d’avoir à peine fermé les yeux quand le son de la cloche du village retentit pour nous rassembler sur les drakkars. Je me lève et me rhabille sans hâte sous les yeux gourmands de ma conquête du soir. Lorsque je reviens dans la pièce principale, je tombe sur Haldor qui a déjà récupéré ses armes et son matériel.
— Bonjour, l’ami. Ne fais pas cette tête-là, c’est ta sœur qui m’a entraîné ici pendant que Bjorn se tapait Rhadia. Je te promets, j’ai été presque sage.
— Hum… T’aurais pu te trouver une autre femme, quand même, marmonne-t-il.
— Si on rentre vivants, qui sait, j’en ferai peut-être ma régulière ? rigolé-je. Je crois qu’elle ne serait pas contre, en plus. Mais bon, seulement si tu es d’accord, hein ?
— Hors de question ! Ma soeur mérite le mariage, pas un plan baise, grogne-t-il en s’approchant de moi. Je te coupe les couilles si tu te sers d’elle uniquement pour te les vider, c’est clair ?
— Bien sûr, ne t’inquiète pas. J’espère que j’ai réussi à lui faire passer l’envie de se taper mon frère, en tout cas. Je peux te dire que j’y ai mis du cœur, me moqué-je alors que je sens que ça l’énerve que je parle ainsi de sa sœur. Je te laisse en discuter avec elle, si tu veux, je récupère mes affaires et on se rejoint sur le drakkar.
— Surveille tes arrières dans les jours à venir, il se pourrait que j’aie envie de te balancer par-dessus bord !
Je ris et file à la maison où Marguerite et ma mère m’attendent patiemment. Je les serre fort dans mes bras avant de me saisir de mes armes et mon petit sac, puis je les quitte rapidement avant d’être pris par l’émotion. Un homme qui pleure parce qu’il quitte ses deux mères, ça ne fait pas très viril. Je me dirige vers le port où la foule est rassemblée, puis monte sur le bateau dont je vais être responsable. C’est une lourde responsabilité mais avec les talents de nos navigateurs, je vais surtout être amené à gérer les stocks et les exercices physiques pour entretenir la forme et le moral de mes camarades.
Mon navigateur d’ailleurs, je le retrouve près du gouvernail et je pense que les Dieux s’amusent avec moi car il ne s’agit bien entendu de nul autre que le petit trapu dont le destin semble irrémédiablement lié au mien. Ennemis il y a peu, nous allons devoir collaborer pour mener ce navire à bon port. Etrangement, cela ne me dérange pas du tout.
— Eh bien, j’espère que tu ne vas pas fuir ventre à terre, rigolé-je en lui tendant la main pour lui signifier que par ce trait d’humour, je scelle notre partenariat. Je suis Einar.
— Moi c’est Runolf. Et… désolé pour l’autre jour, je ne faisais qu’obéir aux ordres.
— Oui, je sais, c’est du passé, on est dans la même galère, désormais.
Je fais signe aux hommes de monter et le départ est donné avant même que je prenne le temps de m’asseoir. Je profite de ma position pour laisser les autres ramer. Nous arrivons rapidement en pleine mer et la houle est forte. Comme à chaque fois que je me retrouve ainsi ballotté au milieu des vagues, je sens une profonde nausée envahir mon estomac. Je m’accroche au bord du navire et ne peux retenir un haut-le-cœur qui fait rire les quelques hommes qui ont été témoins de ma faiblesse. Je rage et je me retourne vers eux.
— Le prochain qui rit, je le jette par-dessus bord. Compris ? m’écrié-je, faisant se fermer immédiatement les visages moqueurs.
Je sens que le voyage va être long même si grâce aux rames et à la voile, cela ne devrait pas prendre plus de quelques jours. Nous sommes partis pour notre raid sur la Normandie et désormais, seuls les Dieux peuvent nous protéger. Advienne que pourra.
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