33. Plaisir au clair de lune
Clothilde
J’aide Marguerite à débarrasser la table et remets une bûche dans la cheminée en observant Einar et Runolf, occupés à discuter dans leur langue devant un verre de vin de pomme. C’est un peu étrange de voir d’autres personnes vivre chez nous, agir comme s’ils étaient chez eux, occuper l’espace dans lequel j’ai évolué durant toute ma vie.
Dehors, le soleil est déjà couché et la soirée a été plutôt agréable. J’ai eu l’impression de dîner avec des amis, comme si nous n’étions pas envahis par les Vikings, comme si la vie était tout à fait normale. C’était plutôt agréable, quand bien même Runolf a toujours beaucoup de difficultés à communiquer avec nous. Cela peut se révéler drôle malgré tout, entre Einar et lui qui ne comprennent pas tout, les quiproquos ont de quoi nous faire rire.
Je récupère mon châle et le passe sur mes épaules en me rapprochant de la cheminée. Les nuits sont encore fraîches et les courants d’air sont habituels dans la maison que mon grand-père a construite. A cet instant, je jalouse silencieusement Marguerite qui s’installe sur les genoux de Runolf pour qu’ils se tiennent chaud. Une partie de moi aimerait faire de même avec Einar. Je suis certaine que sa carrure large, ses longs bras et ses grandes mains me permettraient aisément de me réchauffer, peut-être plus sûrement que la marche qui nous attend pour rentrer au château. Malheureusement, la timidité, ou la gêne, m’étreint et je n’ose pas faire le premier pas.
Je n’ai de toute façon pas trop le temps d’y réfléchir puisqu’il se lève pour aller charger l’âne afin que nous puissions ramener le lait au château. Runolf se lève pour l’aider et j’en profite pour étreindre Marguerite et la saluer.
— Encore toutes mes félicitations. Je verrai avec Einar pour revenir à la ferme histoire que tu travailles un peu moins, tout de même.
— Il va falloir, je ne peux pas tout assurer toute seule, surtout dans mon état. Mais je suis trop heureuse, Clothilde, il est si gentil avec moi.
— Il semble vraiment tenir à toi, ça me fait plaisir pour vous. Si tout ça te convient, c’est parfait. Je suis heureuse pour toi.
Sortir de la maison me pince le cœur. C’est mon chez-moi et je ne peux y rester, la situation est vraiment étrange à vivre, mais je n’ai pas le choix. Je rejoins les Vikings et surprends Runolf en l’embrassant sur la joue.
— Fais attention à elle. Viking ou pas, si tu lui fais du mal, je te noie dans le lait. Einar, tu peux traduire s’il n’a pas tout compris ?
— Je crois qu’il a compris, mais je vais lui faire une traduction encore pire, rigole-t-il avant d’enchaîner dans sa langue.
Runolf lève les yeux au ciel et acquiesce, un sourire au coin des lèvres. Il nous salue en faisant demi-tour pour rejoindre Marguerite tandis que j’embrasse la ferme de ma famille du regard durant quelques secondes. J’emboîte le pas à la Montagne qui a miraculeusement réussi à dompter notre âne qui avance dès la première sollicitation.
— Est-ce que tu crois que je pourrais revenir travailler à la ferme ? Je ne voudrais pas que Marguerite s’épuise…
— Pourquoi pas… mais ça voudrait dire que l’on se verrait moins, soupire Einar, résigné. Une meilleure solution serait de faire revenir ta famille, non ?
— Peut-être… mais ça voudrait dire être loin d’eux malgré tout. Je… je ne sais pas. Pourquoi ne viendrais-tu pas à la ferme, toi aussi ? Tu avais l’air d’aimer ça.
— C’est vrai que j’aime bien, je suis un fermier, mais il faut que je reste tant que mon frère n’est pas assez en forme pour reprendre sa place.
— Pourquoi est-ce à toi de le seconder ? Une histoire de nom ? De lien familial ? Comment ça se passe, chez vous, le commandement ?
— Parce que c’est mon frère, c’est tout. Rien de plus, juste le fait que j’ai promis à notre mère de m’occuper de lui et c’est ce que je fais.
Je hoche la tête en silence et lève les yeux pour observer le ciel, vierge de tout nuage et éclairé par la Lune.
— On peut faire un léger détour ? lui demandé-je en lui indiquant un petit chemin. Il y a un coin au bord de la rivière qui est magnifique, la nuit. Il m’arrivait de m’y rendre une fois que tout le monde était couché, juste pour… je ne sais pas, réfléchir ou arrêter de le faire, au contraire.
— Oui, si tu veux, on n’est pas pressés de toute façon. Et une femme magnifique dans un coin magnifique, ça ne se refuse pas.
Le chemin est étroit mais pas très long pour rejoindre la rive. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis installée ici pour observer le reflet de la Lune sur l’eau, l’étendue de verdure de l’autre côté de la rivière et l’ombre des collines au fond de ce tableau, comme si elles pouvaient nous engloutir si elles le décidaient, mais nous laissaient vivre et admirer la beauté de cette nature qui nous nourrit et nous émerveille. Je me déchausse à peine arrivée et marche jusqu’à avoir les pieds dans l’eau fraîche.
— Je sais que ce n’est sans doute pas grand-chose pour un voyageur comme toi, mais ici, je me sens tellement bien et tellement petite à la fois… C’est grisant et déstabilisant.
— Tout est superbe, ici, me répond-il sans vraiment regarder le paysage, trop occupé à m’observer.
Je lui souris en le rejoignant et m’assieds sur l’herbe, face à la rivière, tandis qu’il m’imite.
— Ton pays ne te manque pas ?
— Un peu, mais moins que je ne le croyais. Tu me permets de penser à autre chose.
Nous restons silencieux quelques instants et il se perd finalement dans l’observation du paysage. Quand son regard se pose à nouveau sur moi, je ne réfléchis plus et me retrouve à califourchon sur ses cuisses, prenant garde, malgré mon empressement, à sa blessure pouvant être encore quelque peu douloureuse.
— Donc, grâce à moi, tu supportes mieux de ne pas être chez toi ? souris-je.
— Tu as une façon d’occuper tout mon esprit qui me plaît beaucoup, en effet ! répond-il alors que ses mains se posent sur mes hanches.
— Je crois que ça me plaît aussi, même si ça ne devrait pas…
Je pose mes lèvres sur les siennes et apprécie leur douce chaleur. Einar prend rapidement le contrôle de ce baiser sans pour autant devenir brusque ou sauvage, il semble apprécier autant que moi l’instant. C’est pourtant moi qui me montre la plus entreprenante, glissant mes mains sous sa chemise pour caresser sa peau tandis que ses doigts s’enfoncent dans mes hanches. Il me rapproche de lui et mordille ma lèvre inférieure, ses beaux yeux bleus assombris par son désir évident pour moi plongés dans les miens. Éclairé par la Lune qui crée un jeu d’ombres et de lumières sur son visage, il n’a jamais été aussi beau qu’à cet instant.
— J’ai envie de… Je… bafouillé-je en posant ma main contre sa virilité sans plus oser croiser son regard.
— Oh, moi aussi, j’en ai envie, gronde-t-il en me faisant pivoter sous lui pour me surplomber de toute sa carrure.
Il est encore plus impressionnant dans cette position, et je me rends compte à cet instant qu’il pourrait sans aucun doute me tuer d’un seul geste, s’il le souhaitait. Pour autant, je ne suis pas vraiment effrayée, le regard qu’il porte sur moi n’a rien de menaçant, il est juste intimidant de par sa taille, son attitude masculine et virile, sans parler de la protubérance que je peux sentir contre ma cuisse.
Einar capture à nouveau ma bouche et je sens sa main remonter ma robe pour se poser sur ma cuisse. Un délicieux frisson parcourt mon corps tout entier à ce contact. Je suis excitée. Mon Dieu, pardonnez-moi parce que je rêve de pêcher autant que j’appréhende de passer à l’acte.
Mes mains se promènent sur son torse, dans son dos, et j’essaie de me concentrer sur ses réactions à mon contact, quand bien même ses propres caresses me déconcentrent et me font réagir comme jamais auparavant. Tout est tellement plus agréable et intense avec lui qu’avec Thibault, c’est terriblement perturbant. J’ai l’impression que, contrairement à l’homme à qui je suis promise, le Viking ne cherche pas simplement à assouvir son besoin et qu’il veut aussi me faire passer un bon moment.
Ma respiration se coupe et je me fige brusquement en sentant sa main se poser contre mon intimité. Tout ceci est bien réel, je suis en train de me rapprocher d’un homme qui a envahi mon village, qui participe à nous voler… Je suis sur le point de rompre le contrat que mon père a passé avec Thibault en m’offrant à un autre homme. J’en ai autant envie que ça m’effraie.
— Einar, soufflé-je. Je… On peut y aller doucement, s’il te plaît ? Je suis désolée, j’en ai envie, mais… c’est nouveau pour moi, tout ça.
— Comment ça, nouveau ? me demande-t-il, surpris, une de ses mains posée sur ma poitrine.
— Mon père m’a promise à un homme, et je n’ai jamais… Enfin, je suis censée rester vierge jusqu’au mariage, tu comprends ? Je n’ai jamais partagé ce genre de moment avec un homme, je… Mon Dieu, cette conversation est tellement gênante.
— Alors, ne parle plus, jolie Clothilde, m’interrompt-il avant de venir m’embrasser. Je te demande juste de me laisser faire, d’accord ?
J’acquiesce, incapable de dire un mot de plus face à son regard si intense que j’ai l’impression qu’il pénètre mon âme. Il m’embrasse à nouveau tout en reprenant ses caresses, puis sa bouche quitte la mienne pour se balader le long de ma mâchoire, dans mon cou… Il prend son temps comme s’il cherchait à me déguster, à profiter de chaque seconde. Je frissonne lorsqu’il délace le haut de ma robe. Sa bouche se retrouve entre mes seins, sa barbe frottant délicieusement sur ma peau sensible et un gémissement s’échappe d’entre mes lèvres. Et ceci n’est rien comparé à ce qui suit. Einar parvient à me donner encore plus envie de lui en cajolant ma poitrine, léchant mes tétons tendus dans sa direction.
Une certaine appréhension me gagne lorsqu’il glisse davantage encore sur mon corps. Ma robe relevée sur mes hanches, je sens son souffle sur ma cuisse quelques secondes avant que ses lèvres ne s’y posent. Et je peine à respirer correctement quand il remonte en direction de mon intimité.
— Attends ! m’affolé-je dans un mélange de gémissement et de peur. Tu fais quoi ?
— Fais-moi confiance, murmure-t-il. Je veux te faire découvrir le Valhalla de notre monde.
Je ne comprends pas plus ce qu’il m’explique, mais je ferme les yeux en relâchant mon souffle, lui accordant ma confiance. Mon corps tremble d’anticipation, mais ce n’est rien comparé à ce que je ressens lorsque sa bouche se pose sur mon intimité. Ses mains remontent jusqu’à ma poitrine et sa langue parcourt ma vulve en rythme avec les caresses qu’il m’inflige. C’est aussi délicieux qu’étrange. Sentir la bouche d’un homme à cet endroit est perturbant, mais je ne peux pas vraiment m’attarder sur ce constat tant les sensations qu’il me fait ressentir accaparent mes pensées. Je ne saurais dire durant combien de temps il allie ses caresses buccales à celles de ses mains, mais je sens le plaisir prendre naissance au creux de mes reins et grandir encore et encore jusqu’à ce que je sois incapable de contrôler mon corps qui se crispe et se tend presque douloureusement, ou ma voix alors que je pousse un cri qui déchire le silence de la nuit.
Je pourrais jurer voir des étoiles qui dansent autour de nous, ou ce sont mes yeux flous qui me font divaguer, le ciel au-dessus de ma tête. Toujours est-il que je crois ne m’être jamais sentie aussi légère alors que mon corps semble alourdi par le plaisir. J’ai un sourire niais sur le visage lorsque je croise le regard d’Einar qui s’allonge à mes côtés, et je me blottis contre lui sans vraiment réfléchir, cherchant à retrouver mes esprits. Je sombre pourtant dans le sommeil avant de m’être réellement rendu compte de ce que m’a fait découvrir cet homme qui m’enserre dans ses bras.
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