54. L’Assemblée de tous les dangers

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Einar

Je me réveille et n’ouvre pas tout de suite les yeux. Je profite de la sensation fort agréable et désormais habituelle du corps de Clothilde lové contre le mien. Frileuse, surtout chez ma mère avec tous les courants d’air qui trouvent leur chemin dans cette grande maison, elle porte une chemise de nuit en lin mais n’en reste pas moins désirable. Surtout que je reste un peu frustré après chacune de nos étreintes. Depuis cette première fois dans l’habitation que je nous construis, elle ne m’a plus jamais laissé jouir en elle. Et je ne l’ai pas forcée à m’accepter, craignant de la braquer si je me montre trop autoritaire. Donc, à chaque fois que nous nous laissons emporter par le désir, même lorsque je la domine et la soumets à mes assauts fougueux qu’elle semble adorer, elle parvient à trouver la clairvoyance de me repousser avant que j’atteigne le moment fatidique. Jouir sur ses fesses ou sur son ventre n’est pas désagréable et j’adore toutes nos étreintes qui nous amènent à la jouissance depuis près de trois semaines désormais, mais je préfèrerais de beaucoup connaître cette union divine que nous avons découvert lors de nos premières fois.

Ce matin, je réalise que c’est la sensation de ses caresses sur mon bas-ventre qui m’a réveillé. Cette femme est vraiment incroyable. Elle fait preuve d’une sensualité que je n’ai jamais connue jusque-là. Elle semble ne jamais être rassasiée de nos corps qui s’unissent et ses légers mouvements si proches de ma virilité me font durcir instantanément. En me tournant suffisamment sur le côté pour bien me positionner derrière elle, je retrousse un peu sa chemise de nuit alors qu’elle lève légèrement la jambe pour me faciliter l’accès à son intimité que je pénètre avec gourmandise. J’empaume un de ses seins et dépose mes lèvres sur sa nuque alors que nous reprenons cette danse qui nous met toujours en joie. Nous nous aimons avec une douceur qui contraste avec ce que nous avons connu hier et je suis à deux doigts de me perdre en elle quand elle parvient à se dégager et que je me répands dans son dos. C’était tellement bon que je ne suis même pas si frustré que ça.

Je prends le temps de récupérer ma chemise qui traîne au sol pour essuyer sa peau et me réinstalle dans son dos avec un sourire satisfait collé au visage.

— Bonjour, ma Belle. Bien dormi ? susurré-je à son oreille alors qu’elle resserre mes bras autour d’elle.

— Tu m’a tenu bien chaud, la nuit a été bonne, soupire-t-elle paresseusement. Et pour toi ?

— Parfaite, cette nuit, comme toutes les autres depuis que tu les partages avec moi. Mais il va falloir se lever. Le Jarl nous attend ce matin, pour l’assemblée mensuelle. Tous les villageois y seront et nous ne pouvons pas nous permettre de la manquer ou même d’arriver en retard.

— Vraiment ? On est tellement bien, là… grimace-t-elle avant de poser ses lèvres sur les miennes tendrement.

J’ai immédiatement envie de reprendre nos ébats mais je me fais violence et me lève avant d’aller chercher mes affaires dans la petite armoire qui se situe à côté de ma couche. Aujourd’hui, je sors les habits d’apparat, ceux qui me mettent si bien en valeur. Clothilde me regarde avec gourmandise et je lui souris alors que j’enfile une tunique longue aux couleurs vives qui a le mérite d’être assez chaude pour que l’Assemblée ne soit pas trop désagréable. Excité de la voir se lever à son tour, si gracieuse et si jolie, je suis obligé de réajuster les braies sombres que j’enfile sous ma tunique. C’est possible d’être aussi fou d’une femme ?

Je m’installe devant la glace que j’ai posée sur la petite table près de mon lit et commence à peigner les cheveux de ma natte afin de les lisser pour pouvoir les attacher ensuite. Je n’ai pas le temps de terminer que Clothilde s’installe derrière moi et s’empare du peigne pour terminer ce que j’ai commencé. Elle y met une douceur incroyable et je sens ses seins frôler mon crâne rasé sur les côtés. Comme à son habitude, elle trace les différents tatouages que j’arbore et je lui souris avant de lui laisser la place. Nous inversons alors les rôles et c’est moi qui m’occupe de sa jolie chevelure brune. J’aime lui caresser la nuque, les épaules et jouer avec ses cheveux. Si elle n’avait pas déjà lacé sa robe, je ne sais pas si j’aurais résisté à la tentation de lui faire à nouveau l’amour.

Nous rejoignons ma mère et mon frère qui ne manquent pas de dévisager Clothilde. Il faut dire qu’elle a enfilé une robe longue d’un vert profond qui la met en valeur. La petite ceinture qu’elle a improvisée autour de sa taille ne fait que rehausser ses magnifiques courbes et elle a tressé ses cheveux avec mon aide pour se faire une coiffure que les femmes Vikings ne dénigreraient pas.

— Eh bien, tu l’emmènes avec nous ? persifle ma mère. Heureusement que tout le monde n’emmène pas ses esclaves, sinon il n’y aurait plus de place pour nous.

— Oui, elle vient, c’est important qu’elle apprenne nos coutumes et se familiarise avec la vie ici.

Ce que je ne dis pas, c’est qu’il est aussi important que tout le monde se rende compte qu’elle est avec moi, qu’elle m’appartient et que la toucher ou l’embêter, c’est prendre le risque de s’attirer mes foudres.

— Tu veux surtout montrer son joli cul et rendre tous les autres jaloux, je suis sûre. Bref, allons-y.

Je lance un regard désolé à Clothilde qui nous emboite le pas en manifestant toute sa froideur envers ma mère et mon frère. Je crois que même attachée, frappée et torturée, elle garderait toute sa fierté. Celui qui la fera plier n’est pas encore né. Enfin, j’essaie, mais elle ne se soumet que lorsqu’elle le veut bien.

Nous arrivons au bâtiment central où va se passer l’Assemblée. Le Jarl est installé au centre de la pièce, alors que tous les bancs en bois sont organisés en cercles concentriques, tout autour. Du fait de notre position sociale, surtout depuis le retour du dernier raid et de l’influence qu’exerce toujours ma mère, nous avons le privilège de nous asseoir au premier rang, ce que nous faisons après avoir salué les autres personnes présentes. Personne ne sait pourquoi notre chef a convoqué cette assemblée. Même ma mère qui fait partie du Conseil n’en a aucune idée, mais tout le monde est là.

— Bonjour à tous ! déclame d’une voix forte le Jarl, faisant taire tout le monde. Je suis heureux de tous vous voir ici, maintenant que notre village est de nouveau au complet. Même si nous déplorons la perte de certains de nos frères, je tiens une nouvelle fois à féliciter nos combattants pour le butin qu’ils ont rapporté de leur voyage et qui nous permettra de passer l’hiver sans encombre. Je suis fier d’avoir proposé et préparé cette expédition que nous avions déjà faite il y a de cela plusieurs années. Ces terres sont fertiles et leurs habitants bien trop sûrs de leur tranquillité pour nous résister !

Je jette un œil à Clothilde, assise à mes côtés et constate qu’elle comprend assez dans ce qui est dit pour se raidir et lancer un regard froid à notre Jarl. Je passe ma main dans son dos pour la réconforter et me penche sur elle alors que les villageois présents crient et se félicitent des propos de notre leader.

— Tu le sais, que tu ne peux pas me résister, chuchoté-je avec un clin d'œil pour détendre un peu l’atmosphère.

— Tu as attendu la dernière nuit pour coucher avec moi, Einar, me répond-elle sur le même ton, si ce n’est pas te résister, je me demande bien de quoi il s’agit.

J’ai presque envie de lui tirer la langue et la remettre un peu à sa place, mais Olaf reprend la parole. Il semble avoir apprécié ce petit moment de ferveur en sa faveur, mais son ton se fait plus froid.

— Je vous ai réuni car il semblerait que certains ici cherchent à remettre en cause mon autorité et à créer de la dissension entre nous. Nous sommes une communauté et nous ne survivrons à cet hiver que si nous sommes et restons unis. Je tiens par conséquent à rappeler à nos valeureux combattants quelle est leur place au sein de notre groupe. J’ai pu constater que certains se sont servis avant le partage des biens et ont choisi de jolies récompenses, grince-t-il en lançant un regard appuyé dans notre direction avant de sortir un rire moqueur qui ne dure que quelques secondes. Certains feraient d’ailleurs bien de s’occuper de leurs esclaves au lieu de jouer aux chefs. Bjorn, tu m’expliques ce que fout la tienne avec ton frère ? Aurais-tu perdu la main ou oublié comment on fait ? Comment peux-tu jouer au Jarl avec les autres quand tu n’es même pas capable de tenir ta fille ? C’est ton frère qui te l’a volée ou elle qui s’est barrée, dis-moi ?

Tout de suite, l’ambiance est devenue glaciale et le silence s’est fait dans le hall. Les regards de tous se tournent vers Bjorn qui semble complètement pris par surprise par l’attaque directe d’Olaf. J’essaie de poser ma main sur son bras pour le calmer mais c’est peine perdue. Il se dresse et lève la main, prenant ainsi la parole comme le prévoient nos coutumes.

— Toi qui nous parles d’unité, tu oses m’attaquer directement ? Toi qui dis que nous sommes une communauté, comment se fait-il que tu critiques ceux qui se sont battus pour toi ? Pendant que tu étais ici, bien en sécurité, qui s’est battu pour assurer à notre peuple la victoire ? Qui a été blessé pour permettre de ramener les provisions nécessaires à la survie des nôtres ? Je t’ai toujours respecté, Olaf, et je suis désolé de voir que tu te sentes ainsi menacé par ma simple présence. Quant à l’esclave, ce qu’il se passe entre mon frère et moi ne vous concerne pas. Réponds-moi, Olaf, as-tu peur de moi ? Qu’ai-je fait pour mériter ta colère ?

Vu la façon dont mon frère parle, autoritaire et sans aucune appréhension, je crois que tout le monde peut comprendre pourquoi le Jarl pourrait avoir peur. Je me demande ce qu’il va lui répondre.

— Je n’ai peur de personne, gronde-t-il en se levant. Je ne supporte pas les ingrats dans ton genre qui s’attribuent tous les mérites, c’est différent. Crois-tu que je n’ai pas eu écho de tes échanges avec certains des nôtres ? Je sais ce que tu cherches à faire, Bjorn, mais il est hors de question que tu mettes en péril notre communauté ! Voici des années que je suis le Jarl et que je fais tout mon possible pour nous assurer une vie décente et fructueuse, je refuse que ton égo foute en l’air tout ce pour quoi je me bats ! Tu veux commander ? Quitte le groupe, trouve-toi des hommes et construis ton village !

— Je suis né ici, mon père a été Jarl, je te rappelle. Tu n’as pris la place que parce qu’il a été tué par le traître que cette communauté t’a aidé à chasser. Si l’un de nous deux doit partir, gronde Bjorn en pointant un doigt accusateur vers Olaf, c’est toi. Alors, oui, je veux commander. Je veux reprendre la place qui était celle de ma famille par le passé. Et moi, j’ai démontré au combat ce que je valais. Si cette campagne a été un succès, c’est en grande partie grâce à mon frère et moi.

Je sens que cette Assemblée risque de dégénérer avec ces deux hommes qui s’opposent ainsi frontalement et je pense que ma mère s’en rend compte aussi car c’est à son tour de se lever et de prendre la parole, forçant ainsi mon frère à se rasseoir, ce qu’il fait, frustré de ne pouvoir continuer sa contre-offensive. Clothilde s’est saisie de ma main et la serre fort, consciente que les choses peuvent mal tourner.

— S’il vous plaît, messieurs, il ne sert à rien de monter le ton de la sorte. Chacun de nous ici veut le meilleur pour notre village et il n’est aucunement question de se dresser les uns contre les autres. Bjorn a pris goût au commandement, Olaf, il peut être compréhensible que le retour soit un peu difficile, tu ne crois pas ? Cela ne veut pas pour autant dire qu’il ne te respecte pas. Et il a développé une certaine maîtrise de l’autorité, vous devriez échanger tous les deux à ce sujet, je suis certaine que vous parviendriez à vous entendre.

Plusieurs autres mains se lèvent et d’autres membres de la communauté expriment leur opinion. Tous disent la même chose, leur respect à la fois pour la prospérité apportée par Olaf mais aussi l’admiration qu’ils ont pour Bjorn et ce qu’il a réalisé en Normandie. Le Jarl s’est rassis mais semble toujours furieux. Clothilde attire mon attention en tirant sur mon bras. Que peut-elle vouloir me dire ?

— Tu devrais asseoir l’autorité du Jarl pour le calmer, chuchote-t-elle. Et suggérer que le village serait encore plus fort avec un bras droit comme Bjorn. Ton Jarl a l’air d’avoir besoin d’être flatté. Rappelle son intelligence et la force de Bjorn. Un cerveau, des muscles, c’est comme ça que vous vous sentez les plus forts, non ?

On dirait qu’elle a tout compris. Je réfléchis un instant à ses propos et me dis que c’est vraiment une bonne idée. Je lève à mon tour la main et tous ceux qui attendaient leur tour baissent la leur pour me laisser m’exprimer.

— Olaf, avant tout, il y a une chose que je veux exprimer, c’est mon admiration pour ce que tu as réalisé depuis que tu as pris la place de Jarl dans notre communauté. Notre père serait fier de ce que tu as accompli et ni moi, ni Bjorn ne remettons en cause ton autorité et ton rôle. Tu as su écouter les conseils que tout le monde t’a prodigués et nous mener dans la paix et le bonheur.

Je me demande si je n’en fais pas un peu trop mais quand je vois son air ravi, je me dis que je suis sur la bonne voie. Je souris à Clothilde et continue sur la lancée de l’idée qu’elle m’a suggérée.

— Tu ne peux cependant nier que tu n’es plus de première jeunesse, que le temps a passé et qu’il va bientôt te falloir passer la main. Et qui d’autre que Bjorn pour te seconder pendant cette période ? Qui pourrait être plus compétent pour t’assister et se former à tes côtés que mon frère qui a su s’affirmer et démontrer tout son talent durant notre campagne normande ? Tu es intelligent, Olaf, et ton expérience pourrait apprendre beaucoup à Bjorn qui lui, pourra t’apporter sa force. Ce que je te propose, c’est d’allier les deux, ton cerveau et ses muscles, précisé-je en reprenant les mots de Clothilde. Nomme-le à tes côtés et prépare ta succession, c’est comme ça que la communauté grandira encore.

Je me rassois alors que le silence qui s’était fait pendant ma prise de parole laisse place à des chuchotements et discussions dans toute la salle. Ma mère lance un regard appréciateur à Clothilde avant de se tourner dans ma direction.

— Eh bien, ta protégée n’a pas qu’un joli cul, on dirait. Belle idée, vous venez sans doute de sauver le village d’une guerre de pouvoir. Bravo.

Je suis flatté de ce compliment de ma mère et rassuré de voir que tout le monde est désormais détendu alors qu’Olaf demande à reprendre la parole. Bien entendu, il approuve ma proposition et cette Assemblée qui semblait partie sous de mauvaises augures se termine par une franche accolade entre Bjorn et notre Jarl. Quant à moi, je me suis rassis près de Clothilde et je passe mon bras autour de ses épaules pour la serrer contre moi. Je suis fier de ce que nous venons de réaliser.

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