78. L’invitée et la jalouse

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Einar

Je supervise les préparatifs pour le retour dans notre village. Je m’assure surtout que l’ancien Jarl, ce Gorg qui a failli finir la gorge tranchée, n’est pas en train d’essayer de nous fausser compagnie. Celui qui le remplace semble vouloir avant tout la paix et je l’ai assuré que dès mon arrivée, je verrai avec Bjorn pour leur faire parvenir des provisions afin qu’ils ne manquent de rien. J’ai confiance dans le bon sens de mon frère et je sais que je peux prendre cette promesse sans trop m’inquiéter sur le fait qu’il l’honorera. Clothilde est à mes côtés et je suis fier de la façon dont elle se comporte. Elle est tellement pleine de ressources, d’une force intérieure incroyable, et sa beauté a cette capacité un peu folle de toujours me surprendre et m’attirer, quel que soit ce qu’elle fait. Comme là, alors qu’elle est simplement en train de discuter avec Cnut et qu’elle m’adresse ce si beau sourire auquel je réponds avec chaleur.

— Excusez-moi, me fait une petite voix derrière moi qui me pousse à détourner mon attention de ma chérie. Est-ce que votre offre tient toujours ?

Je tombe sur la femme de l’éclaireur que j’ai tué, son bébé dans les bras, et un gros sac sur le dos. Elle semble fragile, au bord des pleurs, vulnérable dans sa tristesse mais déterminée.

— Tu t’es décidée à te joindre à nous, alors ? lui demandé-je en me rapprochant d’elle.

— Oui. Je ne viens pas d’ici, ce n’est pas vraiment chez moi, alors… Je n’étais ici que pour mon époux, mon père m’a vendue à lui, je préfère mettre tout ceci derrière moi.

— Je vais tenir ma promesse, alors. Je suis responsable de la mort de ton mari, je vais m’assurer que tu ne manques de rien. Donne-moi ton sac, je vais le porter, tu as ton bébé dont il faut que tu t’occupes. Quel est ton nom ? Et le bébé ? demandé-je en l’aidant à se débarrasser du sac tandis que Clothilde nous rejoint.

— Iona. Et lui, c’est Gustaf. Merci de m’emmener avec vous, soupire-t-elle en posant sa main sur mon avant-bras, un léger sourire aux lèvres. Mon oncle se fiche bien de ce qui m’arrive, c’est agréable de voir que certaines personnes tiennent compte des gens.

— C’est Clothilde qu’il faut remercier, indiqué-je en lui rendant son sourire. N’est-ce pas, ma Belle ?

— Il semblerait, oui, lance-t-elle avant de poursuivre dans sa langue à voix basse, j’espère ne pas finir par le regretter.

Je me demande ce qu’elle veut dire par là mais n’ai pas le temps de m’interroger plus que ça car c’est l’heure de partir si on veut pouvoir arriver chez nous sans trop tarder. Je lance le signal du départ et nous repartons après avoir salué Cnut et les quelques hommes qui restent sur place pour aider aux travaux du village et s’assurer que ceux qui restent vont filer droit. Je me retrouve rapidement sur le chemin étroit entre Clothilde qui me suit et Iona qui porte son bébé à mes côtés. J’en apprends ainsi un peu plus sur la blonde qui a fait le choix de venir avec nous. Elle n’hésite pas à se dévoiler et à me raconter comment après des débuts difficiles, elle en est arrivée à apprécier son compagnon. Elle me confie qu’elle aime les hommes comme moi, grands et virils, et j’essaie de ne pas réagir, même si je suis sûr que Clothilde entend tout ce qu’on dit. Je m’arrête d’ailleurs à un moment afin de lui permettre de se positionner à mes côtés, et lui souris alors qu’elle semble vouloir garder ses distances.

— Ça va ? lui demandé-je. Tu n’es pas trop fatiguée ? Tu tiens le coup ? Tu veux que je porte un de tes sacs ?

— C’est bon, je peux me débrouiller, marmonne-t-elle, un peu essoufflée.

— Mais non, tu as l’air de fatiguer, là, dis-je en lui prenant un peu de force un des sacs que j’ajoute à la pile que je porte dans le petit traîneau que je tire. Tu sais que tu es belle ? dis-je en posant ma main sur sa hanche mais elle s’écarte immédiatement, à ma grande surprise.

— Apparemment pas suffisamment pour que tu te préoccupes de moi ces dernières heures, trop occupé à faire la cour à une autre. Sûr que quand on engrosse une femme, elle devient bien moins attrayante qu’une jolie blonde au physique parfait, qui ne souffle pas comme un boeuf dès qu’on marche pendant plusieurs kilomètres, qui n’a pas le visage fatigué et faim tout le temps.

Je m’arrête net et l’empêche de continuer à avancer en la tirant par le bras. Je n’en reviens pas qu’elle soit en train de me faire une crise de jalousie alors que je n’ai fait que parler avec Iona.

— Ne dis pas de bêtises, voyons. C’est toi que j’aime, Clothilde, ce n’est pas parce que je parle avec une autre que tout à coup, je ne ressens plus rien pour toi…

— Vu comme tu la dévores des yeux, permets-moi d’avoir un doute, quand même, soupire-t-elle. Elle t’a même fait rire. Personne ne te fait rire à part Nuage et… moi, parfois. Tu la connais à peine et tu as déjà rangé ton masque de gros dur de Viking.

— Ne dis pas n’importe quoi, ma chérie. Et puis, tu sais bien que je ne suis pas un gros dur, comme tu dis. Je ne fais que m’assurer qu’elle sera bien accueillie dans notre village. D’ailleurs, il va sûrement falloir qu’elle s’installe chez nous… Je ne vois pas d’autre solution.

— Quoi ? Mais… pourquoi est-ce qu’elle ne s’installerait pas à la Halle ? Ou… chez ta mère ? Ta chambre y est libre ! C’est quoi, la suite des événements ? Elle prend ma place dans notre lit et j’atterris chez ta mère, tant qu’on y est ?

— Mais non ! C’est toi que je veux dans mon lit ! Mais on ne peut pas débarquer avec elle et le bébé comme ça et l’imposer à quelqu’un ! Et puis, c’était ton idée de l’accueillir chez nous, on ne va pas la laisser à la rue. Je me sens responsable d’elle et du bébé. Si c’était toi à sa place, je voudrais que les gens qui s’occupent de toi fassent tout leur possible pour que tout se passe bien…

Je n’en reviens pas de ce qu’elle me dit et suis surpris de cette crise de jalousie. A quel moment ai-je pu lui donner l’impression qu’elle n’était pas la personne la plus importante pour moi ? Pourquoi se met-elle à douter ainsi de notre relation et de l’amour que je lui porte ?

— Je… tu as sans doute raison. Mais tu lui plais, et ça me donne envie de lâcher Nuage sur elle pour qu’il en fasse son repas, grimace-t-elle sans oser croiser mon regard.

— Que je lui plaise ou pas, cela n’a pas d’importance, tu sais ? affirmé-je en prenant son menton entre mes doigts. C’est toi que j’aime et je veux que tu arrêtes de douter. Ce soir, c’est toi qui seras dans mon lit et je te promets de ne pas me retenir, même si on en arrive à réveiller le bébé. Cela te va comme programme, ma petite jalouse ?

— Arrête de te moquer de moi, marmonne-t-elle sans pouvoir masquer le sourire qui naît sur ses lèvres. C’est difficile de ne pas douter, tu sais ? Regarde-toi… Toutes les femmes t’observent avec envie et plus le temps passe, plus je grossis.

— Et moi, même si mon regard se porte sur d’autres, il revient toujours sur toi. Arrête de te faire de fausses idées et réfléchis plutôt à où on va installer Iona avant de lui trouver une solution. D’accord ?

— Dans l’abri avec les animaux ? me demande-t-elle doucement avant d’éclater de rire. Je plaisante, ne fais pas cette tête ! Je ne suis pas un monstre non plus.

J’adore la voir retrouver le sourire comme ça et je me penche pour l’embrasser avec toute la passion et l’amour qu’elle m’inspire.

— Je t’aime, mon petit monstre adoré. Allez, viens, reprenons la route car on a encore du chemin à faire avant de retrouver notre chez nous. Par contre, je pense qu’on n’aura pas le temps de récupérer Nuage ce soir. Tu crois que tu vas survivre une soirée de plus sans lui ?

— Vraiment ? Eh bien… je devrais pouvoir tenir, même s’il me manque. Tu pourras être le seul à me tenir chaud cette nuit sans que j’aie froid ?

— Si tu veux, on pourrait demander à Iona, la taquiné-je, mais je doute que ça te plaise !

— Même pas en rêve, Viking ! Ne compte pas sur moi pour réaliser un quelconque fantasme de plan à trois. A moins qu’on le fasse dans les deux sens et que tu invites Cnut à venir partager une nuit avec nous ?

— Même pas en rêve ! ris-je en répétant ce qu’elle vient de dire.

Nous reprenons notre chemin et rattrapons rapidement le reste du groupe. Je constate qu’en effet, je plais bien à Iona qui fait tout pour se mettre à ma hauteur et multiplier les contacts physiques avec moi. Je garde au mieux mes distances et fais face au regard exaspéré de Clothilde que je rassure comme je peux en multipliant les contacts visuels avec elle. Quand enfin nous arrivons au village, nous laissons le reste du groupe retourner en son centre avec le prisonnier tandis que nous rentrons chez nous.

— Iona, je vais installer une tenture ici, dans le coin, dis-je alors que j’ai réfléchi en route à ce que j’allais proposer pour que tout se passe bien. Et demain, on verra où tu pourras aller, d’accord ? Clothilde, la réprimandé-je alors qu’elle s’est déjà saisi du grand chaudron pour préparer un repas, tu es fatiguée, laisse-moi gérer, voyons.

— Tu sais cuisiner ? me demande-t-elle avec étonnement. Je vais m’asseoir pour préparer le repas, ne t’inquiète pas pour ça, je vais bien.

— Bien sûr, même si ce ne sera jamais aussi bon que ce que tu peux faire.

Iona semble déçue de se voir confinée dans un coin, mais cela ne me dérange pas plus que ça. Je finis d’installer la tenture et ramène ses affaires près des peaux que je dépose à même le sol pour lui faire un endroit où dormir, avant d’aller rejoindre Clothilde qui s’est effectivement mise à la préparation d’un ragoût. Je vais fouiller dans une de mes caisses avant de m’approcher de ma belle brune que je vais sûrement surprendre.

— Tiens, voilà un petit cadeau pour toi, dis-je en passant mes bras autour d’elle pour déposer contre son cou le collier que j’ai récupéré. Pour te prouver que c’est bien toi que j’aime et que personne ne se mettra entre nous. Il a appartenu à ma grand-mère et j’allais te l’offrir le jour de notre mariage, mais je me dis qu’aujourd’hui, c’est bien aussi.

— Einar… Mon Dieu, il est magnifique, murmure-t-elle en caressant le bijou. Je ne sais pas quoi dire, ça me touche, je… je suis désolée d’avoir réagi de la sorte, tu sais ? Je t’aime et j’ai tellement peur de te perdre… Tu es tout ce que j’ai, ici.

J’admire un instant les reflets dorés du bijou que j’ai attaché sur la nuque de celle qui va devenir ma femme avant de me perdre un instant dans le décolleté où le collier plonge avant de me reprendre.

— Moi aussi, je t’aime. Tu es la femme de ma vie, si tu ne le savais pas encore. Et j’ai hâte de réveiller tout le monde, cette nuit, ajouté-je en la serrant contre moi.

— La femme de ta vie… Oh Einar ! s’exclame Clothilde en me sautant au cou pour m’embrasser avec passion.

Je suis content de voir que j’ai réussi à la convaincre qu’il n’y a qu’elle qui m’intéresse, qu’elle est la seule à faire accélérer les battements de mon cœur. Sans oublier ce désir insensé que je ressens dès que je la retrouve, dès que nos corps se touchent ou simplement dès que je pense à elle. Franchement, elle est folle si elle en arrive à croire qu’une autre pourrait prendre sa place. Je ne veux qu’elle, encore elle, toujours elle.

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