82. Mariages bénis des Dieux
Einar
Je regarde Bjorn à mes côtés et il semble beaucoup moins radieux que moi, même s’il s’est apprêté avec soin. Les cheveux blonds de mon frère sont un peu moins longs que les miens mais nous les avons coiffés de manière identique dans de longues nattes parsemées de nœuds multicolores. Nos barbes sont taillées et nous avons revêtu de magnifiques tuniques dont les couleurs se répondent. Le rouge et le noir de la mienne contrastent en effet magnifiquement avec le bleu et or de la sienne. Ce sont ces couleurs qui se retrouveront dans les éléments des robes de nos futures épouses, et j’ai hâte de voir le résultat sur Clothilde.
— Je ne sais pas comment tu fais pour rester aussi calme. C’est quand même le grand jour ! Quand je pense que tu n’as même jamais vu Iona, c’est fou.
— Je n’ai pas le choix, dans tous les cas. Mais si notre mère pense que je vais devenir un saint en me mariant, elle rêve. Ma vie me plaît telle qu’elle est.
— Essaie de faire bonne figure quand même, je te rappelle que moi aussi, je me marie et que je veux que tout soit parfait !
— Je te signale que tu as choisi de te marier, tu ne peux pas me reprocher de faire la gueule. Surtout que c’est à cause de ta future épouse que je suis dans ce pétrin.
— Fais un effort pour moi, s’il te plaît. Et ça nous fera de bons souvenirs, d’accord ? demandé-je en lui tendant la main.
— Je vais essayer, soupire-t-il en serrant ma main. Tu es sûr de toi ?
— Je n’ai jamais été aussi sûr de toute ma vie. Clothilde, c’est la femme la plus merveilleuse que j’aie jamais rencontrée, tu sais ? Allons-y, mon frère, il ne faut pas qu’on soit en retard.
— Hum.. Tu me nargues ? Je te rappelle que tu me l’as volée, ricane-t-il en me suivant.
Et j’ai vraiment bien fait car cela me permet d’être là, aujourd’hui, en ce beau jour de printemps, prêt à épouser cette femme merveilleuse. Nous prenons le petit chemin qui mène à la clairière où notre mère a préparé la cérémonie et nous passons un moment à saluer tous les présents avant de nous installer à l’avant, à l’endroit où se situe Lorik, le vieil homme qui va officier pendant la cérémonie. Il ne manque que nos fiancées, ma mère et Marguerite qui vont les accompagner. Ma mère n’a pas lésiné sur les décorations. Il y a de la couleur partout et un groupe de musiciens divertit l’assemblée. Je constate qu’un tonneau d’hydromel a déjà été ouvert et que certains de nos amis n’ont pas attendu pour commencer à s’enivrer. Cela promet pour la fête qui va se dérouler juste après la cérémonie.
Tout à coup, les musiciens font un grand vacarme puis s’arrêtent de jouer. L’un se met à jouer un petit air de flûte qui me fait penser au chant des oiseaux et les deux futures épouses arrivent en souriant, l’une à côté de l’autre. Je n’ai d’yeux que pour Clothilde qui est resplendissante. Elle s’avance en faisant attention à ne pas trébucher et nos regards se trouvent et ne se lâchent plus. Ses yeux verts sont remplis d’émotions et je les trouve en parfaite harmonie avec le cadre forestier de notre mariage. Sa robe d’un blanc incertain semble épouser ses courbes et son ventre, ce qui la rend encore plus belle à mes yeux. Je suis sorti de ma rêverie par Bjorn qui émet un sifflement appréciateur et se penche vers moi pour me glisser un petit mot sur sa future épouse.
— OK, ta future femme a peut-être eu une bonne idée. Elle est jolie, je sens que je vais bien m’amuser.
J’essaie de ne pas prêter attention à ses propos un peu graveleux et souris en grand quand Clothilde s’approche et prend place à mes côtés. Je crois qu’elle est aussi émue que moi et nous attendons quelques instants afin que tout le monde prenne place derrière nous. J’avoue que j’écoute de manière distraite les propos de notre officiant, ne parvenant qu’avec difficulté à réaliser que je suis en train de vivre le plus beau jour de ma vie. Ce qui me ramène à la réalité par contre, ce sont les cris de la truie que Cnut amène pour le sacrifice. Clothilde qui n’est pas habituée se serre contre moi et nous assistons en silence au spectacle de Lorik qui lui tranche la gorge. L’animal va être rôti et nous servira pour un des repas qui vont agrémenter la fête.
— Clothilde, Iona, le moment est enfin arrivé. Je vais vous remettre la clé de vos maisons, celles que vous partagerez chacune avec un des deux frères ici présents. Surtout, n’oubliez pas votre mission désormais. Freya est témoin de ce mariage, vous devrez protéger votre maison, apporter votre énergie à vos nouvelles familles et surtout, tout faire pour rendre vos maris heureux. Soyez-le aussi, c’est le meilleur moyen pour y arriver.
J’observe le vieil homme leur remettre la clé. Il nous fait joindre nos mains puis se tourne vers l’assemblée.
— Les Dieux bénissent ces deux unions que je vous demande de célébrer. Ils sont jeunes, ils sont beaux, l’un est votre Jarl, l’autre son frère, nous avons deux nouvelles familles dans le village, c’est un jour de joie. Comme vous le constatez, pas besoin de leur demander d’apporter fertilité et bonheur, tout est déjà lancé. Je vous demande donc de vous lever et d’applaudir ces deux couples qui nous montrent la voie pour atteindre la félicité, je parle de l’Amour bien sûr !
Clothilde qui a rougi à l’évocation à peine voilée de sa grossesse se colle contre moi et nous nous embrassons avec une passion à nouveau renouvelée.
— Je t’aime, mon épouse. Maintenant et pour l’éternité, j’en fais le serment devant les Dieux tout puissants, jamais je ne te quitterai.
— Je t’aime, mon beau Viking, et je suis honorée d’être ton épouse. Peu importent les Dieux qui bénissent ce mariage, je te promets de tout faire pour te rendre heureux et de t’être fidèle et loyale.
C’est notre dernier instant d’intimité avant que le flot des invités ne viennent à notre assaut et nous éloignent l’un de l’autre. Tout le monde veut nous féliciter et nous embrasser, nous donner une accolade ou bien simplement nous témoigner de leur joie de passer ce moment avec nous. Quand enfin, je parviens à rejoindre Clothilde, il me semble qu’il s’est passé des heures, mais le soleil est encore haut et il va seulement être l’heure de passer à table.
— Prête pour des heures de banquet ? demandé-je, épuisé rien qu’à l’idée de passer les prochaines journées à boire et manger.
— Eh bien, je ne suis pas contre m’asseoir, sourit-elle, tes enfants pèsent leur poids, cher époux. Pour le reste… j’ai peur de ne pas tenir le coup aussi bien que les Vikings.
— Vu ton état, on pourra s’absenter un peu quand tu es fatiguée. Mais l’orgie alimentaire commence. J’espère que tu as faim pour trois ou quatre !
— J’ai toujours faim, Chéri, rit-elle. De nourriture, assurément, mais là, tout de suite, j’ai aussi faim de tes baisers. Tu crois que c’est envisageable, en public, aujourd’hui ?
— Tout est envisageable, chère épouse. Plus rien n’est péché désormais !
— Parfait ! s’exclame-t-elle en agrippant ma nuque pour capturer ma bouche avec envie.
Malgré le bruit et l’animation de la fête, j’oublie tout à ce moment. Mon monde ne tourne qu’autour d’elle et qu’importe ce qu’il peut arriver, je suis heureux d’avoir fait de cette femme exceptionnelle mon épouse. Lorsqu’enfin nous nous détachons, nous allons prendre nos places à côté de Iona et Bjorn qui lui, semble beaucoup plus en joie qu’avant la cérémonie. Je ne sais pas si c’est parce qu’il est heureux d’être tombée sur une jolie femme ou bien si c’est parce qu’il profite qu’elle est occupée avec son bébé pour discuter avec Rhadia qui s’est approchée de lui. Elle aussi a fait un effort vestimentaire et c’est certain qu’elle ne dissimule pas grand-chose de ses charmes. Bjorn a d’ailleurs la main baladeuse.
— Bjorn, tu te trompes de fesses, là, me moqué-je alors que Rhadia me jette un regard où se mêlent colère et… désir ?
— Mes fesses vous seront toujours accessibles, les garçons, j’espère que vous ne l’oublierez pas, minaude-t-elle en me faisant un clin d'œil.
— Si tu crois que je peux me satisfaire d’une seule paire, tu te trompes, renchérit Bjorn qui continue à la caresser sans discrétion.
Je sens Clothilde se tendre à mes côtés et me retourne vers elle.
— Tu sais que je ne suis pas comme lui, hein ? Je n’ai aucune intention d’aller voir ailleurs, crois-moi. Tu es la plus belle de toutes les femmes et je n’aime et ne désire que toi.
— J’espère pour toi… Je veux bien être généreuse, mais je n’ai aucune envie de te partager et je n’hésiterai pas à lâcher Nuage sur toute femme qui osera te faire un peu trop la cour, me répond-elle très sérieusement.
— Et tu aurais raison ! Il va falloir qu’on le dresse de manière un peu plus agressive, par contre. Parce que là, si tu le lâches sur une femme, à part lui lécher le visage, il ne fera pas grand-chose, rigolé-je.
— Je ne suis pas sûre, figure-toi qu’il a grogné quand ta mère est venue avec Iona à la maison il y a trois jours, sourit-elle.
— Un vrai loup sauvage, hein ? En tout cas, il a un bon instinct. Et tu n’auras pas besoin de lui car je t’aime. Je te le répète, tu es la femme de ma vie et aujourd’hui, tu deviens mon épouse, ce qui fait que nous sommes unis ici et jusqu’au Valhalla.
— Il va falloir que Rhadia le comprenne alors, sinon elle sera le premier repas humain de notre petit loup. Tu vois ce que tu fais de moi ? s’esclaffe-t-elle.
— Ce que j’ai fait de toi ? Mais ma femme, voyons ! Tu as maintenant tous les droits sur moi aussi !
— Je t’aime tellement, Einar, souffle-t-elle en déposant des baisers le long de ma mâchoire, que l’épouse que je suis se sent prête à tout pour protéger notre union. Tout comme j’étais capable de tout pour protéger ma famille. Et ça me ferait presque peur…
— N’aie pas peur. Nous sommes deux pour l’éternité, désormais. Plus rien ne peut nous arriver.
Ce ne sont pas des paroles en l’air que je prononce. Maintenant qu’elle est entrée dans ma vie, que nous avons légitimé notre union devant les nôtres et devant les Dieux, nous allons former un ensemble que rien ni personne ne pourra remettre en cause. Je l’aime autant qu’elle m’aime et cet Amour sera la force qui permettra à nos enfants de grandir sans avoir peur du lendemain. Quel bonheur de pouvoir se marier à la personne qu’on aime le plus au monde !
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