91. Premiers câlins en famille

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Clothilde

Voir Einar en larmes me remue bien plus que je ne veux bien l’admettre. C’est sans doute la fatigue, l’arrivée des jumeaux, ce trop-plein d’émotions des derniers jours doit forcément y jouer, toujours est-il que cela me bouleverse sans doute davantage que la nouvelle qui vient de nous tomber dessus. Marguerite est la mère d’Einar… C’est tout bonnement incroyable ! Et pas si étonnant lorsqu’on les observe tous les deux. Durant les mois que j’ai passés ici, difficile de ne pas remarquer qu’elle faisait davantage figure de mère que Tyra. Mon Viking est très attaché à elle et c’est vers elle qu’il se tournait dès qu’il avait besoin de soutien ou de conseils.

Je me sens réellement de trop à cet instant. Tous deux s’étreignent, dans leur bulle, et les larmes d’Einar peinent à se tarir. Je crois qu’il ne lui en veut pas, mais comment en être certaine ? J’avoue que je ne sais pas trop comment il prend les choses, quand bien même il ne semble pas en colère.

Ivar et Liina ont une grand-mère. Nul doute qu’elle aurait dans tous les cas joué ce rôle pour eux, mais les liens du sang sont là et ce n’est pas rien. Sans compter qu’ils ont plus de sang normand que prévu. Je n’ose imaginer comme c’est difficilement compréhensible pour lui quand j’ai moi-même du mal à réaliser les choses.

Einar finit par relâcher Marguerite qui nous laisse pour aller préparer de quoi nous redonner des forces. Mon Viking reste planté au beau milieu de la chambre, perdu dans ses pensées, et finit par s’asseoir au pied du lit en soupirant. Je me lève doucement après avoir vérifié que les jumeaux sont bien calés et m’installe à ses côtés en glissant ma main dans la sienne.

— Comment tu te sens ?

— Je ne sais pas, me répond-il honnêtement. Je viens de perdre ma mère et d’en trouver une nouvelle. Je suis perdu, en fait.

— Tu ne t’es jamais douté de rien ? C’est fou, toute cette histoire…

— Non, jamais. Marguerite n’était qu’une esclave. Bon, c’est vrai qu’elle avait un statut un peu particulier, mais rien d’extraordinaire non plus. C’est fou que ma mère ait accepté d’avoir sa rivale à ses côtés pendant toutes ces années… Enfin, non, c’était pas ma mère, finalement… Que c’est compliqué !

— Elle a été ta mère durant toute ta vie, c’est… normal de l’appeler ainsi. Ne te pose pas trop de questions, profite simplement. Ça ne change pas grand-chose, finalement. Marguerite a toujours eu une place particulière dans ta vie après tout.

— Oui, ma mère de cœur. Et je comprends pourquoi Tyra a toujours cherché à favoriser Bjorn. C’était son fils unique, au final.

— Je crois que c’est plus complexe que ça malgré tout… Tyra n’était pas parfaite, mais elle t’a aussi considéré comme son fils, elle ne t’a pas rejeté et, même sur son lit de mort, elle a voulu s’assurer que tu serais soutenu et aimé, soufflé-je en passant mes bras autour de sa taille pour l’enlacer. Je n’arrive pas à croire que du sang normand coule dans tes veines…

— Tu crois que c’est pour ça que tu m’as attirée dès que je t’ai vue ? C’est le sang qui parlait ?

— Qui sait ? souris-je. Ou alors, c’est pour ça que tu as hésité à partir… Peut-être qu’une partie de toi se sentait chez elle.

— C’est vrai que j’ai hésité, mais c’est parce que je pensais que tu allais rester là-bas, tu sais. Moi, quand je suis avec toi, je suis chez moi.

— Ne me dis pas des trucs comme ça ou je vais encore me mettre à pleurer, ris-je en caressant tendrement sa joue.

Einar et moi sursautons quand un petit cri déchire le calme de cet instant. Nous nous tournons comme un seul homme vers les jumeaux et ma grimace doit refléter la sienne en constatant qu’ils se sont tous deux réveillés. Je n’ai même pas le temps de me lever que Nuage passe sous la tenture en aboyant et saute sur le lit. J’ai un instant de panique et tente de le retenir sans y parvenir tandis qu’Einar siffle de manière autoritaire pour l’arrêter, mais notre louveteau s’allonge aux pieds des petits et les renifle avant de poser son museau entre eux. Je jette un œil à Einar, debout et prêt à intervenir. Aucun de nous n’a oublié qu’il s’agit d’un animal sauvage, quand bien même nous le dressons, mais il nous surprend totalement lorsqu’il se met à lécher délicatement les petits pieds d’Ivar qui cesse de pleurer.

— Je crois que nous avons trouvé une nounou, soufflé-je alors qu’il fait de même avec Liina avec une douceur qui me surprend tant il est foufou d’ordinaire.

— Oui, ce petit loup est surprenant. Il agit comme si nous étions sa meute. C’est… beau et surprenant.

Je me réinstalle près des jumeaux et Einar en fait de même, de l’autre côté du lit. C’est une sacrée famille que nous avons là, et cette bouffée d’amour qui me submerge commence à m’être familière même si elle me bouleverse encore.

— Pourquoi est-ce que tu n’envisagerais pas de rentrer en Normandie ? Après tout, tu as des racines là-bas, Marguerite a peut-être encore de la famille et… je ne sais pas, peut-être qu’elle aimerait rentrer chez elle après toutes ces années ici.

Einar ne me répond pas immédiatement. Il prend délicatement Liina dans ses bras sous le regard attentif de Nuage que je gratifie d’une caresse. J’ai peur d’avoir dépassé les limites avec cette idée, mais elle m’est passée par la tête et je ne me voyais pas ne pas la formuler alors que j’entrevois la possibilité de moi aussi retrouver ma famille.

— Tu te vois faire le voyage avec ces deux petits dans les bras ? Ce serait une folie de risquer leur vie ainsi. Et il faudrait qu’on trouve des Vikings pour nous accompagner mais qui ne partent pas en voyage pour aller tout piller. Impossible, non ?

Je soupire et détourne le regard. Impossible, je ne sais pas, mais il n’a pas tort, ça paraît compliqué. Suis-je prête à mettre nos enfants en danger pour rentrer chez moi à tout prix ? Je ne crois pas… Même si retrouver ma famille serait merveilleux, les voir grandir entourés des miens, offrir à Marguerite un retour sur ses terres…

— Je ne te cache pas que c’est difficile d’être loin des miens, Einar, encore plus aujourd’hui, murmuré-je en entendant ma voix trembler. Je ne te reproche rien, je te dis juste les choses telles que je les ressens, mais je suis fatiguée, sans doute à fleur de peau, ça ira mieux dans quelques jours… Tu as raison, on ne peut pas prendre ce risque.

— Je comprends, ma Chérie. Tu sais, on ne peut jamais prédire ce que les Dieux ont prévu pour nous. Tout peut encore arriver.

Je récupère Ivar qui s’impatiente, seul sur le lit, et me cale contre le flanc de mon Viking qui passe son bras libre autour de mes épaules. Nuage nous observe avant de se redresser pour venir s’installer entre nos jambes. Il pose sa tête sur la cuisse d’Einar et nous sourions tous les deux devant le tableau que nous affichons. Une vraie petite famille.

— Est-ce que ça va aller ? Je veux dire… Est-ce que tu en veux à Tyra ou Marguerite ?

— Non, je pourrais en vouloir à mon père qui a créé cette situation, mais elles n’y sont pour rien.

— Marguerite va être une grand-mère exceptionnelle. Elle a déjà été parfaite avec moi pendant ces longues heures de travail…

— Oui, ma… mère est un puits d’amour sans fond.

— Et tu as hérité de sa tendresse et de sa bienveillance, entre autres choses. Mais je te promets de garder tout ça pour moi afin que tout le monde continue de te prendre pour un gros dur, un Viking pur et dur, plaisanté-je.

— Mais je suis un Viking pur et dur ! proteste-t-il avant de m’embrasser, tout sourire.

— Ce n’est pas un défaut d’être aussi bienveillant et tendre, je te promets, ris-je alors que nous sommes interrompus par Iona et Bjorn qui entrent dans la chambre.

La Viking approche, son fils dans les bras, son regard alternant entre Liina et Ivar. Elle s’installe du côté d’Einar et caresse la petite main de notre fille, sortie de la couverture, un sourire émue aux lèvres.

— Ils sont magnifiques ! Les Dieux vous ont gâtés.

— C’est quand même nous qui avons travaillé dur pour les concevoir, ris-je alors qu’Einar caresse tendrement la tête chevelue de sa fille.

— Je confirme ce que tu disais, Clothilde, difficile de le prendre pour un gros dur, mon frère, là. On dirait que tu as pris des cours de délicatesse !

Je grimace, peu certaine qu’Einar apprécie que son frère m’ait entendue, mais il lève simplement les yeux au ciel alors que son épouse soupire.

— C’est bien mieux pour des enfants, non ? Vous pouvez jouer les gros durs, avec ces petits êtres dans les bras, vous devenez tous les mêmes hommes au cœur tendre. Einar, prends ton fils, je vais aider Clothilde à se laver et il faut qu’elle mange pour reprendre des forces et nourrir tes enfants.

Je jette un œil à mon Viking, qui masque comme il peut son stress de se retrouver avec les deux bébés dans les bras, et me redresse pour déposer Ivar contre lui. Je dépose un baiser sur leurs petites têtes avant de faire de même sur la joue d’Einar en lui offrant un sourire rassurant.

— Je suis à côté si besoin, mais tes bras sont confortables, j’en sais quelque chose, chuchoté-je, alors ça devrait bien se passer.

— Mais oui, et puis Bjorn te donnera un coup de main si besoin ! lance Iona en déposant son fils dans les bras du Jarl. On vous laisse entre hommes !

Elle m’aide à me lever et m’accompagne à l’extérieur de la chambre. Marguerite est en train de dresser la table et nous sourit en montrant du doigt un seau d’eau en train de chauffer sur le feu. Je me retrouve rapidement embarquée derrière une autre tenture où je profite d’un petit moment de solitude pour me nettoyer de ces dernières heures éprouvantes. Iona vient même me frotter le dos et tente de me rassurer en me voyant grimacer face à mon corps meurtri. Si les choses n’ont pas très bien commencé entre elle et moi, je pense pouvoir dire que nous sommes à présent devenues amies et, malgré la présence d’Einar et la complicité avec Marguerite, j’avoue apprécier ces liens qui se sont créés avec la jeune mère. J’en ai bien besoin, surtout maintenant que je suis moi-même maman.

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