108. La Terre promise ?

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Einar

Le jour n’est pas encore levé et je profite de cet instant de tranquillité avant une journée qui s’annonce décisive. C’est en effet aujourd’hui que se tient la grande Assemblée où nous allons plaider notre cause pour pouvoir nous installer ici, en Normandie. Et si les gens du coin refusent, j’ai peur que ça ne mène à un bain de sang, les Vikings dont j’ai la responsabilité n’ayant pas d’autre choix que de rester ici. Loin de toutes ces considérations angoissantes, j’observe Clothilde qui dort à mes côtés. Je vois tout de suite l’avantage du climat normand sur celui de mon pays. Il fait bon et mon épouse est aussi nue que moi. Les premiers rayons du jour me laissent l’observer et le désir qui nous a emportés hier soir renaît de manière tout à fait naturelle. Il faut dire qu’elle est magnifique. Que j’aime son visage apaisé et souriant, même dans son sommeil, il me donne envie de l’embrasser sans jamais m’arrêter. Et que dire de ce corps aux formes voluptueuses et que je ne peux m’empêcher de caresser. Sa peau est douce et j’essaie de ne pas la réveiller malgré l’envie que j’ai de me perdre à nouveau en elle.

Lorsque ma main se referme sur son sein et que je me colle dans son dos, le doute que j’avais se transforme en certitude. Clothilde est réveillée et j’ai le plaisir de sentir ses doigts se refermer sur mon sexe qui s’est dressé contre ses fesses. En silence, nous nous caressons mutuellement et tentons d’étouffer les premiers gémissements que ce câlin matinal provoque chez nous. Si hier soir, j’avoue que je me suis montré fier et conquérant, la soumettant à mon étreinte et la dominant de toute ma puissance, ce matin est beaucoup plus tendre. Je couvre sa nuque de petits bisous et insiste notamment sur l’endroit où j’ai laissé une petite marque hier soir. Ses tétons toujours aussi réactifs à mon toucher se durcissent et c’est elle qui se positionne pour que je puisse m’enfoncer en elle. Je la sens s’ouvrir alors que je la pénètre doucement et que nous ne faisons à nouveau plus qu’un.

Je soulève un peu une de ses jambes et commence à accélérer légèrement le rythme. Je crois que le désir d’avoir un autre enfant, ici, en Normandie, qu’elle a exprimé hier, m’excite plus que de raison. C’est comme si je voulais célébrer notre arrivée ici par cette nouvelle vie que nous sommes peut-être en train de créer. Dans cette étreinte, je suis le premier à céder à l’orgasme, jouissant en murmurant son prénom doucement à son oreille. Elle ne tarde pas à me rejoindre dans une jouissance que je ressens si intensément que je suis obligé de fermer les yeux. Quel début de journée prometteur, espérons que la suite soit aussi intense et agréable.

Lorsqu’enfin, nous nous désengageons, Clothilde se retourne et m’embrasse avec douceur. J’adore sentir sa chaleur contre moi et je sais que quel que soit l’endroit où nous irons, si elle est là, je serai heureux.

— Je t’aime, Clothilde et je suis tellement heureux que les Dieux aient organisé notre rencontre. Nous voici revenus là où tout a commencé. Espérons que ce soit pour un nouveau départ qui nous permette à tous de vivre tranquillement.

— Nous allons être heureux ici, j’en suis convaincue. Et j’ai hâte de voir nos enfants grandir et s’épanouir ici. Merci, Einar, pour tout ça, sourit-elle doucement. Je t’aime tant…

Je résiste à l’envie qui me prend de recommencer nos ébats et me fais violence pour ne pas sauter sur Clothilde qui me regarde avec gourmandise devant mon corps nu alors que je me lève. Je m’habille et l’observe un instant faire de même, avec une grâce naturelle que je trouve tout simplement magnifique. Le sourire qu’elle m’adresse alors que je me penche sur nos enfants endormis à même le sol, sur une petite couche aménagée, me donne une énergie folle pour affronter cette journée. Pour eux, il faut que je réussisse. J’embrasse les deux petits avant de faire de même avec Clothilde, puis sors afin d’organiser l’Assemblée.

Bientôt, alors que je suis encore en train de veiller aux derniers préparatifs et notamment à l’installation des espaces dans cette clairière où nous allons nous réunir, la délégation des Vikings déjà installés sur place arrive. Ils ne sont pas très nombreux mais j’ai le plaisir de voir Runolf se pointer, avec sa compagne, la jeune Marguerite et un petit garçon trop mignon.

— Eh bien, quel plaisir de vous revoir ! dis-je en l’étreignant. Tu vois, tu me manquais, je suis revenu juste pour toi, l’Ami. Je compte sur toi pour nous soutenir et nous laisser une chance de montrer que nous ne sommes pas là pour faire la guerre.

— C’est une réelle surprise de te voir ici, mais elle est très agréable ! Comment vas-tu, mon ami ?

— Stressé par rapport à cette journée, mais heureux. Ce moment va être décisif pour nous… Si les Normands ne nous acceptent pas, ça risque de vite dégénérer. Il va falloir que vous nous apportiez votre soutien.

— Aie la foi, je suis certain que tout va bien se passer. Vous aurez le soutien du groupe Viking et vous avez ramené une Normande sur ses terres, ça compte, même si j’ai ouïe dire que tu l’avais ramenée mariée et accompagnée d’enfants, rit-il.

— Comment résister aux charmes des Normandes ? Ce n’est pas toi qui vas me contredire !

Nous rions et je suis content de passer ce petit moment avec lui avant l’arrivée des Normands qui débarquent, armés jusqu’aux dents et en nombre important. Ils doivent avoir peur d’une embuscade ou qu’on leur joue un mauvais tour, mais, pour calmer les choses, je me suis assuré que tous les miens viendraient sans leurs épées. Il a fallu que je me batte pour ça et j’ai dû lâcher sur le fait de laisser un groupe des nôtres prêt à intervenir en cas de grabuge, mais j’ai obtenu gain de cause et c’est en affichant nos intentions pacifistes que nous nous installons, dos à la plage où notre campement provisoire se trouve. Nos frères Vikings sont sur le côté tandis que les Normands se déploient sur tout l’espace qui nous fait face. On a l’impression de devoir affronter une véritable muraille de soldats. Je comprends qu’ils ne soient pas rassurés vu ce qu’il s’est passé lors de notre dernier passage, mais je me dis que ce déploiement de force n’est vraiment pas nécessaire et je me demande si j’ai pris la bonne décision en venant sans mon épée.

Clothilde, qui a confié les enfants à une femme restée au campement, et ma mère m’ont rejoint. Avec deux autres guerriers, nous nous avançons au milieu de la clairière où vont se dérouler les pourparlers. Je constate que Runolf s’est installé près des miens pour assurer la traduction des débats tandis que le chef local vient se joindre à nous. La délégation normande est importante et, à mon grand déplaisir, je constate que Thibault, l’ancien prétendant de Clothilde, est présent. Ce n’est pas une bonne nouvelle, ça, mais je prie les Dieux qu’il soit passé à autre chose et n’utilise pas ses griefs personnels pour pourrir les échanges.

— Merci de nous accorder cette Assemblée, commencé-je en poussant ma voix pour me faire entendre de tous. Nous sommes venus en paix ! Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas armés et nous nous plierons aux décisions de cette Assemblée. Nous sommes venus ici non pas pour faire la guerre et je m’excuse si nos intentions lors de notre dernier passage n’étaient pas aussi pacifiques, mais mon peuple a besoin de vous. Nous aurions pu venir les armes à la main et imposer notre présence mais nous avons fait le choix de venir en amis. Je sais que votre région est riche qui a beaucoup d’espaces encore à occuper, et je suis convaincu que nous pouvons vivre en harmonie et nous enrichir de la présence de chacun. Comme vous pouvez le constater, personnellement, j’ai été conquis par une Normande et je crois qu’il est possible de vivre en paix. Je vous demande donc de nous accepter et de nous laisser nous installer. Avec nos guerriers à vos côtés, plus personne ne pourra jamais vous envahir ou se permettre de vous attaquer.

Je me rassois près de Clothilde qui serre mon bras en guise d’encouragement et je suis soulagé de voir que ce n’est pas Thibault qui se lève pour les Normands. Je ne connais pas l’homme mais il a l’air d’être de la noblesse, vu la richesse de ses vêtements.

— Nous n’avons pas été envahis depuis des années, hormis lors de votre passage. Nous n’avons pas besoin de guerriers, simplement de paix et de sécurité, et il nous semble difficile de se sentir en sécurité en présence de ceux qui nous ont envahis il y a peu. Pourquoi devrions-nous vous laisser rester ici ? C’est comme inviter le loup dans la bergerie. Vous avez semé le chaos lorsque vous êtes venus, l’hiver a été rude pour nous par votre faute.

Voyant que personne ne souhaite prendre la parole, je me lève à nouveau et essaie de plaider notre cause.

— L’hiver a été rude pour tout le monde, j’en ai bien conscience. Si nous l’avions voulu, nous aurions débarqué avec l’intention de tout détruire ici. Et je ne sais pas si nous aurions emporté la victoire, mais ce que je sais, c’est qu’il y aurait eu des pertes des deux côtés. Des morts, des blessés, de la misère. Vous ne pouvez pas nier le fait que vous avez besoin de bras, de renforts pour relancer l’économie de la région. Parmi mes hommes, il y a des forgerons, des charpentiers, des fermiers. Certes, ils savent manier des armes, mais ce sont avant tout des hommes et des femmes comme vous qui ne souhaitent qu’une chose : assurer un avenir à leurs enfants. Ils ont envie de s’intégrer ici, ne rejetez pas cette opportunité que nous vous apportons, je vous en conjure.

— L’hiver n’aurait pas été rude pour nous si vous ne nous aviez pas volé, soupire le Normand. Et nous avons nous aussi des hommes de qualité, qu’est-ce qui vous fait dire que nous ne pouvons pas nous débrouiller seuls, au juste ? Nous n’avons pas eu besoin de vous jusqu’à présent.

A notre grande surprise, c’est Marguerite qui se lève. Ma mère semble vouloir prendre la parole et je me demande ce qu’elle va dire. J’ai peur qu’on ne lui coupe la parole parce que c’est une femme mais l’assurance dont elle fait preuve coupe court à toute tentative qui aurait pu exister de la faire taire.

— Tu es bien le fils de ton père, Jean. Prudent et raisonnable, il serait fier de toi s’il était toujours de ce monde. Car je suppose que si c’est toi qui mènes les discussions, c’est qu’il est mort, le pauvre.

Le Jean en question fait un signe d’assentiment et je vois bien qu’il essaie de savoir qui lui parle ainsi de son père. Marguerite ne se démonte pas et reprend.

— Je vois que tu ne me reconnais pas, c’est vrai que j’étais une jeune femme et que tu n’étais qu’un tout petit enfant quand je suis partie, mais sache que tu as en face de toi Marguerite de Falaise. Je suis ta tante, Jean, et l’homme à qui tu parles est ton cousin. Einar a certes un nom Viking, des habits de son pays, mais c’est mon fils. C’est moi qui l’ai élevé dans le respect des autres et de la parole donnée. Jean, je t’en conjure, écoute-le et fais-lui confiance. Je ne sais pas si ma famille a toujours des terres par ici ou si du fait de mon départ, elles ont été redistribuées aux nobles locaux, mais elles sont vastes et pourraient nous permettre de nous installer, à la fois près de vous mais sans vous mettre en danger. Ce ne seraient pas les premiers Vikings à s’installer ici, laisse leur une chance, Jean.

Tout le monde reste silencieux suite à cette intervention. Ma mère se réinstalle à nos côtés et je la dévisage en silence. Comme tous ceux présents ici, je ne sais pas comment réagir suite à son intervention. Marguerite de Falaise ? Elle est noble et elle n’a jamais rien dit ? Et elle connaît ce Jean à qui nous avons affaire ? Alors que le silence s’éternise, c’est cet imbécile de Thibault qui prend la parole.

— N’écoutez pas ces Vikings ! Ils viennent voler nos femmes et assassiner nos enfants ! Bientôt, ils se saisiront de toutes nos terres et nous serons comme des étrangers ici ! Renvoyons-les d’où ils viennent avant que notre région ne perde ses traditions ! Ils sont venus nous piller, on ne peut pas faire confiance à ces chiens de Vikings.

Ses propos provoquent des remous de tous les côtés et je sens la tension augmenter aussi bien parmi les miens que chez les Normands. S’il avait voulu mettre de l’huile sur le feu, il n’aurait pas fait autrement. Je suis prêt à bondir pour aller le confronter et le réduire à néant, même si c’est la dernière chose que je ferai dans cette vie, mais Clothilde me retient d’une main sur ma cuisse et c’est Jean qui reprend la parole. Il adresse un geste d’apaisement aux siens puis se tourne vers nous.

— Thibault, ce n’est pas parce que tu n’as pas su conserver ta promise qu’il faut tous nous considérer aussi impuissants que toi, se moque-t-il, provoquant les rires discrets de ses acolytes. Et je t’interdis de prononcer encore une insulte, nous sommes en pourparlers, ton attitude est affligeante et non respectueuse. Je t’avertis que si tu sors encore une ânerie, je te fais couper la langue et te confisque toutes tes terres pour les donner à ces VIkings qui, pour l’instant, n’ont démontré aucune velléité de combat. Quant à vous, j’ai entendu vos demandes et j’ai décidé de vous faire confiance. Einar, fils de Marguerite de Falaise, sache que je te tiendrai personnellement responsable de toute agression de la part d’un des tiens sur un des nôtres. Je compte sur toi pour que les choses se passent bien. Qu’il soit consigné et acté que je vous octroie les terres de Falaise qui me sont revenues suite à la disparition de Marguerite. Comme mes autres vassaux, il vous faudra payer la taille et faire les corvées, mais en retour, vous aurez le droit à ma protection. Ne prolongeons pas plus ces pourparlers, le reste n’est qu’organisation et détails que nous réglerons au fur et à mesure. Bienvenue chez nous, amis Vikings. Bienvenue chez vous et faisons la fête pour sceller cet accord et célébrer votre arrivée !

Je n’en reviens pas d’avoir réussi à ce que notre présence soit acceptée. Enfin, ce succès doit beaucoup à ma mère que j’étreins et serre fort dans mes bras, les larmes aux yeux. Clothilde nous rejoint et, tandis que les Hourrah et les cris de célébration fusent de part et d’autre, nous restons tous les trois, unis dans cette silencieuse étreinte où un trop plein d’émotions nous submerge. Pour elles, la boucle est bouclée et elles sont de retour chez elles. Et pour moi, je vais pouvoir faire de cette terre la mienne et y voir grandir mes enfants et ma famille dans une paix retrouvée et un bonheur dont je ne peux encore mesurer l’intensité mais que je devine exceptionnel. Aux côtés de la femme que j’aime, le Valhalla, c’est en Normandie que je vais le trouver.

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