Un pantin à 11h50
11 h 50.
— Quoi ? Vous ici ? Mais le temps n'est-il pas en mouvement ?
— En es-tu sûr petit Pantin ?
— Oui.
11 h 50, je hoche la tête comme pour me conforter dans mon idée. Oui, le temps est en mouvement. Non, les aiguilles de ma montre ne sont pas arrêtées une fois de plus. Sauf que, lorsque je baisse les yeux vers mon poignet, mes yeux s'écarquillent de plus belle. Le temps, l'heure, le jour.
11 h 50.
— 11 h 50.
— Oui, Pantin. L'heure précise est bien 11 h 50.
— 1 095 jours après.
— Oui, Pantin. Cela fait trois ans que le temps s'est arrêté à cette même heure, ce même jour.
— Trois ans et pourtant, toujours la même heure.
— Oui, Pantin.
11 h 50, Pourquoi ? Pourquoi cette heure ? Que fait-elle là ? Pourquoi moi, suis-je encore dans un arrêt du temps ? Elle m'observe, debout face à moi. Je reste scotché sur mon siège. Je ne veux pas le quitter, sinon je retomberais dans cet enfer, cette boucle infernale où je suis seul. Enfin, presque...
11 h 50, elle est là. Depuis trois ans qu'elle hante mes jours et mes nuits, la voilà devant moi, face à moi, prête à me parler. Mais je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Je me sens impuissant devant son allure sûre et fière. Elle sait quel rôle elle doit jouer dans cet entre-deux. Elle m'observe attendant que je réagisse.
11 h 50.
— Viens avec moi, Marionnette.
— Pourquoi ? Je ne connais même pas votre nom.
— Je te l'ai déjà donné petit Pantin.
— Non, c'est faux.
— Tu n'as pas dû m'entendre, c'est tout.
— Alors quel est-il ?
— Rose.
11 h 50, Rose. Un nom si délicat pour une femme si stricte. Elle suit les ordres. Les mains sur les hanches, elle m'examine d'un regard dur. Je dois la suivre mais j'ignore encore pour quelle raison. Elle finit par me tendre la main. Cette même main qui m'avait guidé vers ma place lors du dernier arrêt.
11 h 50.
— Je suis la gardienne du temps, Pantin.
— D'accord, mais quel rapport avec moi ?
— Toi ? Je ne sais pas. Mais tes pensées, et ton désir de me voir à provoquer un nouvel arrêt, une pause non prévue dans la trame du temps. Une halte me propulsant vers toi, petite Marionnette.
11 h 50, j'ai provoqué cet arrêt. C'est ce que Rose m'explique. Elle me dit ça d'un air sérieux et sûr d'elle. J'attrape sa main, elle m'entraîne avec elle dans son sillage. Je la suis, cette fois les rues sont vides, le silence et le calme sont pesants mais le fait de ne pas voir ces statues humaines m'apaise un minimum. Elle nous dirige vers la centrale nucléaire, ce lieu qui, il y a trois ans a engendré une catastrophe.
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