Phénomène.
Non loin du hameau et de la maison de mes gardiens, se trouvait un amas de ferraille, incroyable à cet endroit de campagne absolue...Une casse auto où s'empilent des carcasses plus ou moins rouillées, comme les vestiges de quelque cité antique posés là, oubliés du temps.
Terrain de jeu incontournable pour l'enfant que j'étais, mais aussi, refuge et poste d'observation.
Les sièges vermoulus sentent le moisi et l'abandon. J'escalade fièrement l'empilement que font ces squelettes de métal impressionnant.
Le tas trône sur un terrain en friche. Les champs autour créent un espace vierge, circonscrit de barbelés rouillés. Nous les franchissons allègrement, en quête d'aventure et d'exploration.
Je m'immisce en tremblant, de peur d'être surpris, dans l'ossature inerte, espionnant tout mouvement alentour.
J'ai peu à peu élargi mon champ d'investigation, établissant un périmètre qui ainsi, m'appartenait.
Une appropriation utile et confidentielle, un lieu de retraite indépendant, préparant sans doute quelque évasion prochaine.
Un espace de relégation, d'époque révolue, altération incongrue et énigmatique. Trucage grossier où l'univers nous présente en toute cohérence, la corrosion et la dégradation. Processus invisible et apparent, en son terme, jusqu'à disparition totale.
L'enfant que j'étais ne voyait qu'une opportunité ludique, dont il pourrait tirer aussitôt profit. Il ne pensa pas plus, en toute innocence, à la vieillesse ou à la mort.
Ni à son père laminé, amoindri, dégradé.
La vie l'intéresse davantage . Celle de la mare annexe notamment, lieu de transformation et de magie, ou d'alchimie inquiétante. Il a récemment surpris quelques couleuvres, au cou orné d'un collier jaune, à l'oeil rond, qui fendent la surface en zig-zag.
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