Chapitre 4

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Salvatore, ou Salva comme tout le monde l'appelait, avait toujours vécu à cent à l'heure. À 43 ans, il jonglait entre des petits boulots pour garder la tête hors de l'eau. Des gigs par-ci, des jobs d'appoint par-là, toujours avec cette énergie débordante qui semblait ne jamais s'épuiser. Mais derrière ce masque de bonne humeur, il luttait. Il avait une maison, une belle petite maison dans la périphérie, mais ces derniers temps, il peinait à payer ses factures.

Il se souvenait encore du jour où il avait signé les papiers pour cette maison. À l'époque, tout lui semblait possible. Il avait des projets en tête, des rêves à revendre. il avait toujours été comme ça : le gars aux mille idées, qui voit grand même quand les circonstances ne suivent pas. Sa maison représentait une sorte de fierté, le signe qu'il pouvait réussir quelque chose, qu'il pouvait avoir un pied-à-terre, même si son quotidien n'avait rien de stable.

Le problème, c'est que les projets fous et l'optimisme contagieux ne payaient pas les factures. Les arriérés s'accumulaient, et les courriers des créanciers commençaient à remplir sa boîte aux lettres. Salva n'en parlait jamais, ou presque. Pourquoi plomber l'ambiance avec des histoires de dettes alors qu'il avait mieux à proposer ?

Lorsqu'il n'était pas en train de courir après un boulot temporaire, il passait des heures à réfléchir à des moyens de renflouer ses caisses. Son dernier coup de génie : TikTok. Il en était persuadé, c'était l'avenir. Les vidéos courtes, les sketchs improvisés, ça cartonnait partout, et Salva avait l'impression que c'était sa chance.

Avec son groupe de musique, il avait goûté à une petite forme de succès. Quelques concerts locaux, des apparitions dans des festivals, mais jamais le grand boom qu'il espérait. Pourtant, il n'avait jamais abandonné cette idée qu'un jour, il finirait par percer, d'une manière ou d'une autre. Et si ce n'était pas avec la musique, ce serait peut-être avec la vidéo. Chaque projet non abouti n'était qu'un tremplin pour le suivant, un cycle éternel d'enthousiasme et de désillusions.

Mais ce que peu de gens savaient, c'est que derrière ses airs de gros nounours, Salva était aussi un homme à femmes. Il aimait séduire, jonglant entre des aventures, des histoires éphémères sans lendemain, et des flirts légers. Il se disait détaché, préférant ne jamais s'investir vraiment, toujours sur le départ avant que les choses ne deviennent sérieuses. Pourtant, ce n'était qu'une façade. Sous ses blagues et son attitude nonchalante, Salva portait une certaine peine, un poids qu'il n'osait jamais vraiment partager. Peut-être que dans ce tourbillon de fêtes, de projets et d'aventures, il cherchait simplement à combler un vide, à échapper à la solitude qui finissait toujours par le rattraper une fois les lumières éteintes.

Les gens autour de lui l'admiraient pour son attitude détachée, sa capacité à ne jamais se laisser abattre, mais peu se doutaient que chaque séparation, chaque échec amoureux, laissait une cicatrice plus profonde qu'il ne l'admettait. C'était un romantique déguisé en homme libre. Il se persuadait que la prochaine relation n'aurait pas d'importance, que la prochaine idée sauverait tout, mais au fond de lui, il savait que ces détours servaient juste à masquer sa propre peine.

Un jour, il avait noté quelques idées de vidéos dans un carnet usé. TikTok. La nouvelle frontière à conquérir. Avec son sens inné du spectacle, il était convaincu que ça marcherait. Il suffisait de bien s'y prendre, d'être régulier, et surtout de ne jamais abandonner.

Et puis, il avait besoin de ça, besoin de réussir, pas juste pour la gloire éphémère ou les quelques likes qui flatteraient son ego. Non, cette fois, c'était pour garder son toit, pour prouver que malgré toutes ses galères, il pouvait rebondir et s'en sortir.

Salva écrasa sa cigarette, ferma son carnet et se mit en route. La tête pleine de nouveaux rêves, il souriait. Peu importait si personne d'autre n'y croyait autant que lui, Salva savait qu'il finirait par trouver la lumière au bout du tunnel.

Toujours porté par son enthousiasme débordant, il sentit une montée d'énergie le traverser. Il avait besoin de sortir, de se changer les idées, de retrouver cette atmosphère qui l'inspirait tant : les bars, les discussions légères, la musique de fond qui vibrait contre les murs. Alors, sans même réfléchir, il enfila une veste, prit son carnet et se dirigea vers un bar qu'il fréquentait souvent.

Ce n'était pas n'importe quel bar. Le genre de lieu où l'on pouvait tout oublier le temps d'une soirée, où les conversations s'éparpillaient dans le brouhaha des rires, où les âmes esseulées cherchaient un instant de répit dans l'agitation. En entrant, Salva fit son show. Comme à son habitude, il ne passa pas inaperçu. L'homme de 43 ans aimait capter les regards dès qu'il franchissait la porte d'un lieu public. Il se disait souvent qu'il pouvait faire entrer une scène en lui-même, avec son charisme naturel et sa prestance presque exubérante.

Il poussa la porte du bar avec assurance, faisant tinter la clochette accrochée à l'entrée. Quelques têtes se tournèrent brièvement, avant de reprendre leur conversation. Mais pas toutes. Certains, déjà intrigués par cette silhouette grande et imposante, se mirent à l'observer d'un peu plus près. Salva adorait ça. Il leva la tête, et lança un large sourire à personne en particulier, comme pour annoncer : "Je suis là, préparez-vous."

Il s'avança vers le comptoir, salue d'un geste familier le barman, qui hocha la tête en retour, avant de poser son carnet sur le bar et de commander son traditionnel whisky. Sa voix résonna un peu plus fort qu'elle ne le devait, ce qui fit se retourner encore quelques clients. Le barman, habitué, eut un sourire complice.

Salva scanna rapidement la pièce, ses yeux s'arrêtant sur les visages familiers et ceux qu'il voyait pour la première fois. Puis son regard croisa une silhouette qu'il connaissait bien. Là, à quelques mètres, une figure discrète sirotait un verre, le regard dans le vague, semblant être en pleine réflexion. Sans un mot, Salva sourit intérieurement. Leurs chemins se croisaient souvent, mais ce soir, il laissait la scène en suspens, laissant planer le doute, comme si leur rencontre faisait partie du décor, sans qu'il ait besoin de prononcer un mot pour l'instant.

Salva ne tarda pas à s'installer à une table. Il se faisait remarquer, certes, mais toujours avec un certain contrôle. Après tout, il aimait jouer ce rôle : l'homme charismatique, exubérant à sa façon, mais jamais lourd. Ce soir, il sentait que quelque chose pouvait se passer, comme souvent quand il se laissait porter par son instinct.

Dans ce bar, il savait que tout pouvait arriver. Il se cala confortablement sur la banquette, son whisky à portée de main, en observant l'agitation autour de lui. C'était son terrain de jeu favori.

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