Chapitre 6

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Quelques jours plus tard, Nicolas se décida à affronter Astride. Pas trop le choix, il voulait voir un peu le fils qu'ils avaient eu en commun. Comme à chaque fois, il allait chercher son fils a son acien appartement, faisant mine de sourire alors qu'il était finalement en colère de la voir. L’ambiance était pesante dès le départ, les mots semblaient traîner dans l’air sans savoir par où commencer.

— Il faudrait qu’on parle de notre fils, commença Astride, comme pour briser la glace. Je le garde plus souvent que toi, ce n’est pas juste.

Nicolas fronça les sourcils.
— Je le prends dès que je peux. Je fais ce que je peux.

— Peut-être, mais c’est moi qui suis avec lui la majorité du temps, répliqua-t- elle. J’assume plus de choses, ça n’a jamais été équitable.

Nicolas soupira. Ce genre de conversation semblait sans fin. Astride avait une façon de détourner les discussions pour le faire culpabiliser.

— Je suis tout aussi impliqué dans son education, et je fais de mon mieux. Il adore être avec moi, et personne ne peut le nier.

Elle le regarda sans répondre, ses yeux fatigués se détournant de lui un instant. Lui ne la regardait meme pas lorsqu'il lui parlait. Il restait factuel dans ses réponses sans jamais lui dire tu.

Le silence se fit plus lourd. Astride baissa les yeux.
— T’as peut-être raison, murmura-t-elle finalement.
Elle releva la tête, ses yeux brillants de reproches retenus.

— C’est bien beau ce que tu dis, Nicolas, mais tu n’as jamais été là pour mes deux filles et mon fils non plus. Pourquoi je devrais croire que tu feras mieux avec lui ?

Les mots frappèrent Nicolas de plein fouet. Il sentit son estomac se nouer, mais il ne répondit pas tout de suite. Le visage d’Astride était dur, marqué par des années de non-dits et de ressentiments. Cette accusation, il l’avait vue venir, mais ça ne rendait pas les choses plus faciles.

— C’est pas vrai... murmura-t-il.
Astride croisa les bras, son regard devenant encore plus froid.

— Tu dis ça maintenant, mais où étais-tu quand elles avaient besoin de toi ? Quand il fallait que tu sois présent, quand il fallait un père. T’as jamais été là, Nicolas. Pourquoi ça changerait aujourd’hui ?

Le poids de ses paroles pesait sur lui comme une chape de plomb. Il baissa la tête, triturant nerveusement le bord de sa veste en cuir.

— Je suis fatiguée, Nico. Fatiguée de devoir tout porter seule. Si tu veux être là pour lui, il va falloir que tu le prouves. Parce que moi, je ne vais pas rester à attendre que tu me dise au compte goutte quand tu vas venir le prendre.

— Pour info, mes horaires d'hebergement sont compliqués, dit Nicolas en la regardant droit dans les yeux et en sachant pertinemment qu ́elle le savait puisque qu'elle faisait le même genre de taf et que c'est elle, il y a deux ans, qui lui a dit de faire cette reconversion professionnelle.

Astride resta silencieuse un moment, laissant la tension s’installer. Puis elle reprit, plus calmement, mais toujours accusatrice :

— Et les trois autres ? Mes enfants ? T’as jamais rien fait pour eux non plus. Tu te fais passer pour le père modèle, mais tu n’as jamais pris tes responsabilités avec eux. Ils n’ont jamais compté pour toi.

Nicolas serra la mâchoire, sentant une vague de frustration monter en lui. Il prit une profonde inspiration avant de répondre, essayant de garder son calme.

— C’est faux, Astrid. Je n’étais peut-être pas leur père biologique, mais j’étais là pour eux. Souviens-toi, quand ta fille s’est cassé le tibia... qui l’a emmenée aux urgences ? C’était moi. Je l’ai aussi accompagnée à la formation pour sa communion, c’était moi encore. J’ai quitté mon travail plusieurs fois pour eux, pour des urgences, quand toi, tu n’étais pas là. Et ton fils ? Je l’ai accompagné à tellement de fêtes, je l’ai même récupéré complètement bourré plus d’une fois, sans jamais rien dire. Je les ai amenés où ils voulaient, fait tout ce que je pouvais pour eux.

Astride le regarda sans rien dire, mais Nicolas sentit qu’elle n’était pas convaincue. Il poursuivit, son ton devenant plus direct, presque désespéré :

— J’ai donné de mon temps, Astrid, et tout ce que j’ai eu en retour, c’était de l’interdiction de les élever. À chaque fois que ça n’allait pas, je n’avais même pas le droit de les punir ou de leur dire quoi que ce soit, parce que quelqu'un était là pour me dire que c’était moi le problème. Et les enfants ? Ils me parlaient mal, ils me manquaient de respect, et je devais toujours l’accepter, parce qu ́on finissait toujours par dire que c’était de ma faute.

Astride soupira, mais Nicolas sentait qu’il fallait continuer, que c’était sa chance de mettre les choses au clair, de se défendre pour une fois.

— J’ai joué le rôle d’un père. Peut-être pas parfait, mais j’ai fait ce que je pouvais. Je me suis efforcé de m’occuper d’eux quand leur vrai père n’était jamais là, qui n’a jamais pris ses responsabilités. Mais moi... j’étais là. Peut- être que ça ne compte pas, mais pour moi, ça compte. Je ne pouvais pas tout faire, Isa, surtout si on ne me laissais pas vraiment être un père pour eux.

Astride ne répondit pas tout de suite. Elle semblait réfléchir, ses yeux fuyant le regard de Nicolas, comme si elle pesait ses mots. Finalement, elle murmura :

— Peut-être que tu as raison, mais ça ne change rien au fait qu’ils ne t’ont jamais vraiment vu comme leur père.

— Parce que je n’ai jamais eu une vraie chance, putain de merde, répliqua Nicolas, amer.

Un silence tendu s’installa à nouveau entre eux. Nicolas savait qu’il avait touché un point sensible, mais il n’était pas sûr que cela changerait quoi que ce soit. Il avait fait de son mieux, avec les moyens qu’il avait, et pour lui, c’était tout ce qui comptait.

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