Chapitre 13

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L’air frais de Forbach les accompagnait d'une brusque caresse, contrastant avec la chaleur étouffante de l’intérieur du bar qu'ils avaient quitté. Clara marchait avec cette aisance naturelle qui lui était propre, ses pas rapides trahissant l’excitation d’une nouvelle idée qu’elle n’avait pas encore dévoilée à Nicolas. Lui, légèrement en retrait, l’observait avec curiosité.

— Alors, c’est quoi ton plan pour la suite ? demanda-t-il en allumant une cigarette, le souffle encore marqué par l’alcool et le rire de la soirée.

Clara se tourna vers lui, un sourire énigmatique aux lèvres.

— On va où l’inspiration nous mène, répondit-elle, mystérieuse. Tu n’es pas encore prêt à rentrer, pas vrai ?

Nicolas haussa les épaules, tirant sur sa cigarette avant de répondre.

— Pas vraiment. Ce serait dommage de casser l’ambiance maintenant, dit-il en exhalant la fumée qui se mêla à l’air nocturne.

Ils marchèrent quelques minutes, silencieux, traversant des rues désertes bordées de bâtiments tristes, vestiges d’une ville à la frontière de deux mondes. Forbach, avec son caractère mélancolique et ses lumières vacillantes, semblait s’endormir, mais Clara, elle, était encore pleine d’énergie. Elle s’arrêta soudain devant un vieux bâtiment abandonné, ses yeux brillants de malice.

— Viens, j’ai un truc à te montrer, dit-elle en se dirigeant vers l’entrée délabrée, où des graffitis ornaient les murs fissurés.

— C’est sûr que c’est pas le genre d’endroit où je t’aurais imaginée, lança Nicolas, un peu surpris.

— Justement, tu me connais mal, rétorqua Clara avec un clin d’œil.

Ils pénétrèrent à l’intérieur du bâtiment. Le lieu, autrefois une petite salle de cinéma laissée à l’abandon, avait quelque chose de poétique. Le silence régnait, seulement troublé par le bruit de leurs pas sur le sol poussiéreux. Clara sortit de sa poche un briquet, allumant une petite lampe qu’elle avait prévue pour l’occasion.

— C’est ici que je venais souvent quand j’avais besoin de réfléchir, expliqua-t-elle en s’asseyant sur un ancien fauteuil renversé. C’était avant que je ne me perde un peu… avant tout ce qui m’est arrivé.

Nicolas la rejoignit, curieux de ce qui allait suivre. Clara s’ouvrait rarement aussi directement.

— Perdue comment ? Tu veux dire, avec ce type violent dont tu m’as parlé l’autre fois ? demanda Nicolas, sachant que Clara n’aimait pas trop revenir sur ce sujet.

Clara hocha la tête, fixant un point dans l’obscurité.

— Ouais… Lui et d’autres trucs. Je me suis laissée embarquer dans une spirale, tu sais, à essayer d’oublier ce que je voulais vraiment. Mais ce genre d’endroit me ramenait toujours à la réalité. À ce que je devais faire, ajouta-t-elle d’une voix douce.

— Et maintenant ? Tu sais où tu vas ? demanda Nicolas en croisant les bras, son ton presque doux, malgré son habituel cynisme.

Clara éclata d’un rire léger, presque mélancolique.

— Non, mais j’improvise. C’est peut-être ça le secret. Regarde-toi, toi aussi t’es dans une sorte de flottement. Tu ne sais même pas si tu veux vraiment écrire ce foutu livre ou juste fuir ta vie.

Nicolas la regarda, surpris par l’acuité de ses paroles. Elle le perçait à jour d’une manière qui le déstabilisait toujours.

— C’est peut-être ça qui nous rapproche, répondit-il en souriant. Deux âmes perdues dans une ville perdue.

Clara haussa les épaules.

— Peut-être. Ou peut-être qu’on se crée juste des excuses pour ne pas avancer. Comme dans Fight Club : “On est les enfants oubliés de l’histoire”. Tu te souviens de cette phrase ?

Nicolas acquiesça, amusé.

— Ouais, je m’en souviens. Mais Tyler Durden n’était pas vraiment un modèle de stabilité.

— C’est bien pour ça que je ne l’idolâtre pas, répliqua Clara en riant. Mais il avait au moins une chose : il savait ce qu’il refusait de devenir. Toi, tu sais ce que tu veux refuser ?

Nicolas réfléchit un instant, scrutant l’obscurité autour d’eux. Il écrasa sa cigarette contre le sol froid, pensif.

— Je refuse de finir comme ces gens qui se laissent porter par le courant sans jamais tenter quoi que ce soit. Même si c’est plus simple de prétendre que je m’en fous, avoua-t-il, sa voix presque murmurée.

Clara lui sourit, ce sourire plein de compréhension et de défis à la fois.

— Alors prouve-le. Écris ce livre. Même si c’est de la merde au début, même si t’as l’impression que personne ne va le lire. Fais-le pour toi.

Le silence retomba entre eux, non pas lourd, mais empreint d’une douce complicité. Nicolas sentit quelque chose changer en lui, un déclic subtil. Peut-être qu’il était enfin prêt à avancer.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu veux prouver ? demanda-t-il en se tournant vers elle.

Clara lui jeta un regard malicieux.

— Que même dans une ville aussi paumée que Forbach, on peut trouver un peu de magie.

Ils échangèrent un dernier regard complice avant que Clara se lève, prête à quitter l’endroit.

— Allez, rentrons. Demain est un autre jour, et je parie que tu vas enfin commencer ce fichu livre, dit-elle en lui tendant la main pour l’aider à se lever.

Nicolas, un sourire en coin, attrapa sa main et la suivit hors de la vieille salle abandonnée, une lueur de détermination nouvelle dans les yeux.

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