Chapitre 18

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Nicolas, devant son écran, le whisky à portée de main, une cigarette se consumant lentement dans le cendrier, continuait à plonger dans cette histoire Marc et Sophie qu’il connaissait par cœur. Ses doigts reprirent leur danse sur le clavier, donnant vie à des souvenirs amers.

"Un jour, Sophie était revenue du médecin avec une ordonnance en main.

— On m’a prescrit des antidépresseurs, avait-elle dit, comme une évidence.

Marc l’avait regardée, surpris.

— Pourquoi ?

Elle s’était assise lourdement sur le canapé.

— C’est pour éviter de céder sous la pression du boulot. Et puis avec l’argent qui manque… Elle avait haussé les épaules, comme si tout cela n’était qu’un fardeau inévitable. Je fais ce que je peux.

Marc savait bien que la situation financière n’était pas brillante. Il venait de perdre sa boîte, la société dans laquelle il avait mis tout son cœur et son temps. Il cherchait un nouveau boulot, mais en attendant, il avait du temps. Il avait proposé de s’occuper plus de leur fille, Alice. Mais Sophie avait une autre idée.

— On va fixer des règles pour Alice, avait-elle déclaré un soir.

— Quelles règles ? avait demandé Marc, perplexe.

— Elle ira chez une nounou, même quand je suis de soir.

Marc fronça les sourcils.

— Mais je pourrais m’en occuper…

— Non. Il est hors de question qu’elle soit avec toi après 19h. Tu rentres trop tard de toute façon, et j’ai besoin de stabilité pour elle.

Marc avait senti un pincement au cœur. C’était comme si, petit à petit, on lui retirait son rôle de père. Sophie, elle, semblait impassible, comme si tout cela n’était qu’une simple formalité.

Les semaines passaient, et la situation ne faisait qu’empirer. Marc n’avait toujours pas retrouvé de travail, et les finances se faisaient de plus en plus serrées. Un soir, alors qu’ils dînaient en silence, il avait osé faire une proposition.

— Écoute, Sophie… Je pourrais rester à la maison un temps, m’occuper d’Alice, le temps de retrouver un boulot. Ça nous ferait économiser sur la nounou, et on s’en sortirait mieux.

Sophie avait levé les yeux de son assiette, le regard glacé.

— Je ne vais pas enlever le pain de la bouche de quelqu’un qui en a besoin, Marc.

Marc avait senti un frisson lui parcourir l’échine. C’était une phrase qu’elle avait souvent répétée. Mais ce soir-là, elle résonnait différemment, plus durement.

— C’est notre pain qu’on retire, Sophie, avait-il murmuré, presque pour lui-même.

Mais Sophie n’avait rien dit. Elle continuait à manger en silence, les yeux rivés sur son assiette. Pour elle, le regard des autres comptait plus que tout. Elle ne voulait pas que les gens sachent qu’elle vivait avec quelqu’un au chômage. Même si c’était temporaire. Marc voyait bien, à chaque repas de famille ou entre amis, la façon dont elle esquivait habilement les questions sur sa situation.

— Qu’est-ce que ça peut leur faire ? avait-il demandé un soir, fatigué de ce jeu d’apparences.

Sophie avait simplement répondu, avec une froideur tranchante :

— Ça me fait honte, Marc."

Nicolas s’arrêta un instant, le souffle court. Chaque mot qu’il écrivait semblait faire écho à sa propre histoire, à ce qu’il avait ressenti, à cette douleur sourde qu’il avait longtemps réprimée. Il écrasa la cigarette dans le cendrier, laissa le silence retomber dans la pièce.

Le whisky, le tabac, et les souvenirs formaient un mélange toxique.

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