Chapitre 20

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Marc n’était plus vraiment là, absent de ses actes, flottant entre conscience et inconscience, perdu dans un brouillard épais qui semblait s’étendre autour de lui. Ses pensées étaient floues, embrouillées, comme si tout ce qui s’était passé n’avait été qu’un rêve étrange. Pourtant, il savait que quelque chose d’important s’était produit, mais il ne parvenait pas à saisir quoi exactement.

Il avait repris conscience à l’hôpital. Son premier souvenir était confus, mais une chose était claire : la voix de l’infirmier du SAMU résonnait encore dans sa tête. « Il n’y a que deux choix, soit vous vennez avec nous, soit la police vient vous chercher. » Couché sur le canapé-lit du salon, il se rappelait cette phrase comme une menace suspendue au-dessus de lui. Il n’avait pas ouvert les yeux à ce moment-là, pas besoin. L’idée de voir des policiers débarquer, de les entendre frapper à la porte, de sentir leur présence imposante dans l’appartement, tout cela l’avait glacé. Il avait pensé à sa fille, Alice, qui dormait paisiblement dans la chambre. Même si elle n’avait qu’un an, l’idée qu’elle puisse être témoin de tout cela lui serrait le cœur.

Sans protester, il avait décidé de suivre l’infirmier. Il se souvenait vaguement d’avoir senti son corps se lever, ses jambes suivre un mouvement automatique, mais rien de plus. Ses yeux n’avaient même pas cherché à s’ouvrir.

Et puis, son second souvenir. Une lumière pâle filtrait par la fenêtre lorsqu’il reprit conscience dans une petite chambre de l’hôpital. Il était dans une salle de dégrisement. Le silence pesait lourd autour de lui. Il s’était redressé lentement, prenant conscience de son environnement. Le froid de la pièce, l’odeur d’antiseptique, le bruit régulier d’un moniteur au loin. Il s’était dit qu’il n’avait rien à faire là. Qu’est-ce qu’il faisait ici, après tout ? Il n’était pas ivre, il n’avait pas besoin d’aide. Un moment de lucidité s’empara de lui : il devait partir, maintenant.

Il attrapa sa veste, soigneusement posée sur une chaise près de la porte. Un sentiment de normalité s’installa en lui. Il allait juste partir, comme si de rien n’était. Dans sa tête, il se convainquait que tout cela n’avait été qu’un malentendu, une absurdité. Il sourit légèrement, un sourire forcé, comme pour s’imprégner de ce rôle qu’il s’imposait : celui du type qui n’avait jamais été admis ici. Il franchit la porte de la chambre d’un pas tranquille, sans précipitation. Aucun membre du personnel ne le retint. Il croisa quelques regards, mais personne ne sembla remarquer quoi que ce soit d’étrange.

Il marcha dans les couloirs de l’hôpital, son sourire toujours accroché à ses lèvres, comme une arme. Il jouait la comédie, persuadé qu’il trompait tout le monde. À l’intérieur, pourtant, il savait que quelque chose n’allait pas. Mais il ne voulait pas y penser. Pas maintenant. Tout ce qui comptait, c’était de sortir. Sortir et faire comme si cette nuit n’avait jamais existé.

Lorsqu’il passa enfin les portes de l’hôpital, l’air froid du matin le saisit. Il se sentait encore engourdi, ses pensées oscillant entre le réel et un sentiment de flou. Mais il continua à avancer, se disant qu’une fois rentré chez lui, tout rentrerait dans l’ordre. Tout irait bien.

Marc marchait dans la rue, sans vraiment la voir. Chaque pas qu’il faisait semblait détaché de sa volonté, comme si son corps avançait par lui-même, sans attendre d’ordres de son esprit. Il ne comprenait pas comment il faisait pour se déplacer, comment ses jambes trouvaient encore la force de le porter. Ses yeux regardaient droit devant, mais son esprit était ailleurs, enfermé dans un nuage de pensées confuses.

Parfois, des éclairs de lucidité le frappaient. C’était à chaque fois qu’une voiture de gendarmerie, une ambulance, ou une voiture de police passait à côté de lui. Pendant ces instants, son cœur s’emballait, et il sentait la réalité le rattraper brutalement. Il se crispait, son regard accroché aux gyrophares dans l’attente d’une éventuelle confrontation. Mais dès que le véhicule s’éloignait, tout retombait dans ce brouillard étrange, et il continuait à marcher, comme un somnambule, sans vraiment savoir où il allait.

Il n’avait pas conscience du chemin qu’il empruntait. Ses pieds foulaient le bitume, évitant les obstacles avec une précision mécanique. Chaque rue semblait familière, mais floue à la fois. Il n’avait même pas conscience qu’il connaissait la route pour rentrer. C’était instinctif. Son corps, seul, se souvenait du trajet. Lui, il était juste là, une sorte de spectateur de ses propres mouvements, absent de son propre corps.

Les moments de lucidité revenaient, brièvement, comme des flashs lumineux dans une nuit noire. Le regard d’un passant, une rue qu’il reconnaissait vaguement, un feu de signalisation au loin… Mais avant qu’il ne puisse saisir pleinement ces moments, ils disparaissaient, et il se retrouvait de nouveau dans ce vide. Il marchait, encore et encore, sans savoir combien de temps cela durerait, sans vraiment savoir pourquoi.

Il sentait ses pensées dériver vers Sophie, vers Alice, vers cet appartement qu’il rejoignait machinalement. Mais il n’y avait pas de clarté dans ces pensées. Juste des fragments de souvenirs, des morceaux épars de leur vie, comme des bouts de verre brisés qu’il essayait d’assembler sans succès.

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