Chapitre 23

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Nicolas marchait frénétiquement de long en large dans son petit appartement, les mains moites, les pensées brouillées, la panique au ventre. Il avait posté ce texte sous l’effet de l’alcool et de l’épuisement, sans réfléchir. Maintenant, son écran d’ordinateur affichait une avalanche de commentaires, des notifications qui clignotaient sans fin, des partages sur des réseaux sociaux qu’il ne fréquentait même pas.

Son téléphone, posé sur la table, diffusait encore la voix hargneuse de Sophie qui continuait à l’engueuler. Il n’avait même pas pris la peine de raccrocher. Elle hurlait au sujet de ce qu’il avait écrit. Mais lui n’écoutait déjà plus. Son esprit était ailleurs, embrouillé par le torrent d’émotions.

Il s´arrêta de temps en temps devant l’écran de son ordinateur, où des centaines de notifications s’accumulaient. Ce texte, ce maudit texte qu’il avait posté sur un site littéraire, était devenu viral. Ses pensées tourbillonnaient. Il faut que je retire ce texte. Tout de suite. Mais... attends. Ses yeux se posèrent sur un chiffre en haut de la page : le compteur de vues, qui grimpait en flèche. Et avec ça, un autre chiffre : celui des revenus générés. Du fric. Beaucoup de fric.

— Merde, c’est pas vrai... murmura-t-il, réalisant l’ampleur de la situation.

Il avait besoin de cet argent. Depuis des mois, il vivait sur le fil, remboursant des dettes qu'Astrid avait laissé après s'être barrée avec Éric, les saisies sur son salaire d'éducateur qui lui donnait de la peine à finir les fins du mois. Ce texte, cette notoriété soudaine, c’était une aubaine inattendue. Mais... à quel prix ? Sa fille. Alice allait forcément le savoir. Sa mère surveillait tout, et quand elle apprendrait ce qu’il avait écrit, ça pourrait mal tourner. Il ne voulait pas que sa fille, même encore trop jeune, soit mêlée à ça.

Bien qu'Alice avait 15 ans maintenant, elle était en âge de comprendre. Ça rendait les choses bien plus compliquées. S’il laissait ce texte en ligne, comment allait-elle réagir ? Elle risquait d’apprendre par sa mère qu’il avait exposé des détails de leur passé, et rien que d’y penser, Nicolas sentit une bouffée d’angoisse monter.

Le dilemme lui serrait la gorge. S’assoir sur tout cet argent pour sauver les apparences ? Ou profiter de la vague qui, à ce rythme, pourrait peut-être lui changer la vie ?

Il s’effondra sur son canapé, la tête entre les mains :

— Qu’est-ce que je fais, bordel...

Il devait parler à quelqu’un, et vite. Sans trop réfléchir, il attrapa son téléphone et appela Salva.

Le téléphone sonna plusieurs fois avant que son ami ne décroche d’une voix encore endormie :

— Salva, c’est moi. Sa voix tremblait, à peine contrôlée. C’est la merde, putain...

— Quoi encore ? T’as cassé la machine à café ou quoi ?

— Non, c’est sérieux. Écoute, je... J’ai posté un texte. Sur un site, un truc de blogs... Ça fait le buzz. Des centaines de vues, des tonnes de commentaires, et... ça fait du fric, Salva.

Un silence. Puis un éclat de rire étouffé de l’autre côté du fil.

— Sérieux ? Tu veux que je te félicite ou que je pleure avec toi ?

Nicolas serra son téléphone, comme s’il cherchait des mots pour expliquer le chaos.

— J’ai posté un truc… un texte sur un site, et c’est en train de faire un buzz de malade. Mais là, Sophie l’a vu. Elle est en train de péter un câble, elle m’a pourri au téléphone, et j’ai peur qu’Alice tombe dessus.

— Sophie ? C’est qui déjà ? La mère de ta fille, c'est ça ? demanda Salva, l’air un peu confus.

Un soupir plus grave résonna cette fois.

— Ok, attends. T’as posté quoi, au juste ?

— Un texte... sur elle. Sur nous. Rien de bien méchant, mais c’est perso. Et les gens s’emballent. Y a de tout, des insultes, des messages de soutien... et du pognon.

— Ok, je vois… et Alice, elle sait ?

— Pas encore, mais ça va pas tarder. Elle est assez grande pour comprendre, Salva. Si elle lit ce truc… je sais pas comment je vais lui expliquer ça.

— Écoute, je comprends. T’as écrit un truc, ça prend de l’ampleur, t’as peur pour ta gamine. Mais faut être rationnel. Tu veux du fric, non ? Si ça marche, pourquoi tout effacer maintenant ? Et pense les projets qu'on pourrait faire avec, et ce que ça peut lui apporter plus tard ! Soit égoïste pour une fois dans ta putain de vie.

Nicolas serra les dents, partagé entre la peur de décevoir Alice et l’opportunité que représentait ce texte.

— Je sais pas, Salva. J’ai peur de foutre en l’air ma relation avec elle. Elle compte plus que tout.

— Écoute, Nico. Sophie va gueuler quoi que tu fasses, c’est son truc. Mais Alice… tu peux gérer ça. Parle-lui, explique-lui pourquoi t’as écrit ce texte. Si t’as fait quelque chose qui marche, ça vaut peut-être le coup de voir comment tu peux l’assumer sans tout balancer à la poubelle.

Nicolas soupira, encore indécis.

— T’as toujours le choix, mec. Mais pense à toi aussi, pour une fois.

Nicolas raccrocha, mais la pression ne redescendait pas. Salva avait peut-être raison, mais le dilemme persistait. Supprimer tout et abandonner cette opportunité ? Ou affronter sa fille, au risque de blesser, en lui racontant que ce n'est que de la fiction avec quelques anecdoctes pour accentuer un coté mélo-dramatique ?

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