Chapitre 26

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Le soir est tombé, et le bar local est déjà rempli d’habitués. Nicolas et Salva, accoudés au comptoir, sirotent leurs verres, plongés dans une conversation animée. Les verres de whisky se succèdent, et la chaleur familière de l'alcool aide à faire tomber les barrières.

— Alors, ces vidéos, t’as réfléchi à un concept ? On pourrait partir sur une série un peu satirique, tu vois, genre des mecs qui galèrent, comme nous, mais qui sont persuadés qu’ils vont percer, dit Salva en riant, en dessinant un geste large dans l'air. Ça ferait un carton.

— Ouais, c’est pas con, ça. Des types qui s’accrochent à leurs rêves d’ado, tout en étant complètement largués par la vie, répondit Nicolas en souriant, la tête déjà pleine d’idées. On pourrait en faire un truc drôle et amer à la fois.

Salva sort alors son téléphone, tapote quelques mots avant de le tendre à Nicolas.

— Regarde, j’ai écrit une ébauche, pour voir si ça te parle.

Nicolas lut rapidement les quelques lignes de scénario. C’était simple, efficace, et ça résonnait bien avec la confusion de leur propre vie.

— Ça se tient. Mais faut que ce soit encore plus tranchant, je pense. Plus cynique. T’sais, le genre de truc où les mecs se sabordent eux-mêmes. C’est là que c’est drôle, c'est ton job de faire ça.

Les deux amis s’enfoncent un peu plus dans la soirée, griffonnant sur des serviettes de bar, riant entre deux gorgées. À mesure que l’alcool coule, les idées fusent, se transforment, certaines finissent par s’effacer, d'autres restent. Nicolas, avec l’aide de Salva, sent sa créativité revenir, lentement mais sûrement.

— Franchement, on tient un truc là. Faudrait qu’on commence à filmer, un de ces quatre. T’imagines si ça marche ?

— Ouais, on pourrait en vivre ! On partirait de rien, et bim, on explose les réseaux. Le rêve.

Mais alors que la conversation bat son plein, leur attention est attirée par une table voisine. Trois types, légèrement éméchés, rient bruyamment en regardant leurs téléphones. L'un d'eux, le plus fort du groupe, fait un commentaire qui percute immédiatement Nicolas.

— Sérieux, ce Marc, c’est un bouffon, non ? Qui écrit un truc pareil ? 'Victime de la société'... Mon cul, ouais. C’est juste un mec qui a pas su garder sa nana.

Salva lève les yeux au ciel en entendant le rire des gars à côté, mais Nicolas reste figé. Son personnage, son texte, est en train d’être disséqué par des inconnus à quelques mètres de lui. L’envie de réagir monte en lui, mais il se retient, avalant une grande gorgée de whisky pour se donner du courage.

— Laisse tomber, Nic. Ces mecs-là, ils pigent rien. Marc, c’est... c’est plus complexe que ça. Ils ont lu en diagonale, voilà tout, dit Salva en baissant le ton, sentant la tension chez son ami.

Nicolas hésite, les yeux rivés sur son verre. Il pourrait se lever, aller leur dire ce qu’il pense, défendre son personnage. Mais au fond, il sait que ça ne changerait rien. Ce que Marc représente pour lui est beaucoup plus profond que ce que ces types peuvent comprendre. Il inspire longuement et reprend la parole, la voix plus calme, mais pleine de rancœur :

— Pourquoi se soucier de ces cons, franchement ? Ils se foutent de leurs propres femmes, les rabaissent en s’imposant par la force. Et après, ces mecs-là, ils rampent dès qu’ils tombent sur plus folles qu’eux.

Salva esquisse un sourire, approuvant du regard.

— Exactement. Ils s'en foutent de tout, sauf d’eux-mêmes, mec. C’est des frimeurs, rien de plus.

Nicolas serre son verre, pensif. Ces types n’ont aucune idée de ce qu’ils disent. Marc est loin d’être un personnage de victime facile à juger. Il représente bien plus : le poids des émotions, des échecs, et cette sensation d’être pris au piège dans un rôle qui vous échappe.

— Ouais, t’as raison. Ils cherchent juste à rigoler. Mais ça fait chier quand même, tu vois ? Marc, c’est un peu moi, mais pas vraiment. C’est tout ce que je ressens que je n’arrive pas à dire autrement.

Salva hoche la tête, l’air sérieux pour une fois, et change de sujet pour détendre l'atmosphère. Ils retournent à leurs projets de vidéos, mais une part de Nicolas reste distraite, encore prise dans la réflexion. Le texte, sa portée, les critiques... Tout ça le travaille, mais étrangement, ça ne l’incite pas à arrêter. Au contraire, cela alimente sa détermination à continuer.

— C’est fou, hein ? Juste quelques mots, et ça peut toucher autant de monde, lâcha Nicolas avec un sourire amer.
— C’est ça, l’impact. Mais faut que tu continues, mec. Si ça les fait réagir, c’est que t’as touché un nerf, répondit Salva, la main sur l’épaule de son ami.

Alors que la soirée se termine, Nicolas sent qu’un cap a été franchi. Au fond de lui, une nouvelle résolution grandit : Marc aura sa suite, et elle fera encore plus jazzer.

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