Chapitre 41
Puis il y avait le dernier grand clash avant qu´il ne s'en aille pour de bon. Il était à la maison avec leur fils, tandis que les deux filles d’Astride se disputaient violemment, comme à leur habitude, devant la belle-mère présente depuis plusieurs jours. Elle avait presque élue domicile pour faire ce qu'Astride n'avait pas le temps de faire, nettoyer la merde que produisait inlassablement ses enfants, dont lui avait décidé d'abandonner, puisqu'elle passait une grande partie de son temps libre chez Éric. De plus, elle faisait la « nounou » lorsque Nicolas travaillait aussi.
Ce jour là, les insultes entre ses petite-filles fusaient, volaient d’une pièce à l’autre, tandis que la « sorcière », fidèle à elle-même, ne faisait rien pour calmer la situation. Pire encore, elle les rabaissait avec des remarques du genre : « Vous êtes vraiment des incapables, vous ne foutez jamais rien ici ! », ce qui, au fond, n’était pas totalement faux, mais la manière restait destructrice.
La dispute montait d’un cran lorsque l’aînée jeta un objet à sa sœur, la situation devenait dangereuse. Nicolas, jusque-là concentré sur son fils, releva la tête. La scène devenait ingérable, et la grand-mère, toujours passive, ne levait pas le petit doigt. Sans plus attendre, il décida d’intervenir. Mais à peine avait-il ouvert la bouche que la plus grande des filles, déjà en larmes, lui lança :
— Qu’est-ce que tu veux ? T’as rien à dire !
Ce fut la goutte de trop. Nicolas sentit une colère sourde monter en lui, un mélange de frustration et de lassitude accumulée depuis des mois, voire des années. Il inspira profondément, tentant de contenir sa rage, surtout pour ne pas donner une mauvaise image à son fils, qui le regardait avec des yeux innocents. Il répondit calmement, mais avec une fermeté indéniable :
— Déjà, tu vas me parler autrement. Je ne suis pas ton pote, ok ? Que vous vous insultiez, passe encore, même si le petit entend. Ça peut se rattraper. Mais vous balancer des objets dessus, c’est hors de question.
Et puis, comme toujours, la « sorcière » fit son entrée. La grand-mère, avec son air supérieur et ses croyances en des pouvoirs mystiques qui ne convainquaient qu’elle, intervint avec une assurance exaspérante :
— Tu n’as rien à dire ici. C’est moi qui suis là pour leur éducation.
Nicolas ne put s’empêcher de lui lancer un regard incrédule. Il la regarda de haut en bas, cherchant où elle avait bien pu être ces dernières années dans ce rôle qu’elle prétendait assumer. Mais il préféra éviter la confrontation directe et lui répondit sur un ton neutre, presque trop calme :
— Vous ! Avant de me parler d’éducation, apprenez d’abord à éduquer vos propres enfants et vos petits-enfants. Vous critiquez sans cesse mon fils alors qu’il est bien mieux élevé que les trois autres réunis.
La belle-mère, outrée, tenta de prendre un ton apaisant, mais sa voix trahissait une colère mal dissimulée :
— Tu vas lui faire peur au petit, avec tes histoires !
Nicolas se tourna alors vers son fils, qui observait la scène sans bouger.
— Fiston ! Je te fais peur ?
L’enfant secoua la tête en souriant :
— Ben non, papa.
Nicolas sourit à son tour, satisfait de la réponse.
— Voilà, la vérité sort de la bouche des enfants.
Il savait que ce moment scellait une fracture irrémédiable entre lui et Astride, entre lui et cette famille qui n’avait jamais été la sienne. Mais au fond de lui, il ne regrettait rien. Il savait qu’il devait protéger son fils, même si cela signifiait affronter la « sorcière » et tout ce qu’elle représentait.
Quand Astride rentra, Nicolas prit ses affaires et quitta la maison sans un mot de plus. Il avait fait ce qu’il fallait pour protéger son fils, c’était tout ce qui comptait pour lui. Il espérait, naïvement peut-être, que l’incident serait clos, qu’on passerait à autre chose sans trop de drames.
Mais bien sûr, ce n’était jamais aussi simple. Une fois la porte derrière lui fermée, Nicolas devint, comme toujours, le méchant de l’histoire. Il n’eut pas à attendre longtemps avant de recevoir le coup de grâce. Un message d’Astride apparut sur son téléphone :
« Après ce qu’il vient de se passer, tu n’auras plus le petit jusqu’à ce qu’on passe devant le juge aux affaires familiales. »
Nicolas serra le volant en lisant le message. Il roulait depuis quelques minutes, mais ce texte venait de déclencher en lui une colère, une véritable colère cette fois-ci, un mélange de frustration, d’impuissance, et de lassitude qui le submergea d’un coup. Il accéléra d’un coup, puis ralentit.
— Putain… pensa-t-il à haute voix, les mâchoires serrées.
L’idée de perdre son fils, même temporairement, le bouleversait. Et tout ça à cause de cette famille dysfonctionnelle, à cause de ces tensions qui n’en finissaient jamais. Il savait qu’il avait raison, qu’il avait fait ce qu’il fallait, mais ça n’empêcherait pas Astride et sa mère de le faire passer pour un monstre aux yeux du monde.
Sans réfléchir plus longtemps, Nicolas fit demi-tour. Il retourna à l’appartement, la colère bouillonnant en lui, décidé à ne pas laisser les choses se terminer ainsi. C’était trop, il avait trop encaissé.
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