Chapitre 47

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Clara attira l’attention de l’un des écrivains, un homme d’une cinquantaine d’années au visage marqué et aux lunettes épaisses. Il se tourna vers eux avec un sourire intrigué, attendant la présentation.

— Nicolas, je te présente Édouard Lanvin, un romancier que j’admire beaucoup. Édouard, voici Nicolas. Il est en train de travailler sur un projet d’écriture assez personnel.

Édouard lui tendit la main et sourit d’un air bienveillant.

— Enchanté, Nicolas. Clara m’a parlé de vous. Alors, qu’écrivez-vous ?

Nicolas, un peu intimidé, prit une grande inspiration avant de répondre.

— En fait, j’écris un récit inspiré de ma vie et de certaines expériences que j’ai traversées. Disons… une histoire de relations humaines, des désillusions et de… disons, un mélange d’humour et de mélancolie.

— Un style introspectif, alors ? reprit Édouard en plissant les yeux avec curiosité. Et pourquoi ce sujet-là en particulier ?

Nicolas hésita un instant, cherchant à expliquer la raison derrière son écriture.

— Je crois que… c’est une sorte de catharsis. Écrire m’aide à mettre de l’ordre dans mes pensées, à comprendre certaines choses que je n’ai peut-être pas digérées. C’est aussi pour parler de la résilience, de la lutte contre soi-même, contre nos erreurs… et de cette impression de stagner parfois, même quand on veut avancer.

Un autre écrivain dans le groupe, une femme élégante et charismatique du nom de Marianne, s’approcha, visiblement intriguée.

— C’est intéressant, dit-elle en inclinant la tête. Vous avez une approche réaliste et assez brute. Laissez-moi deviner : ce sont les relations qui vous fascinent, le jeu des contradictions, les attentes déçues ?

Nicolas sourit, reconnaissant en Marianne quelqu’un qui comprenait le fond de sa démarche.

— Oui, exactement. J’écris aussi pour essayer de trouver des réponses, mais peut-être que je ne les trouverai jamais. Parfois, j’ai l’impression d’écrire juste pour poser des questions.

Édouard hocha la tête, approuvant cette sincérité.

— Il y a une forme d’honnêteté dans ce que vous dites, répondit-il. Beaucoup écrivent pour transmettre des certitudes, mais parfois les œuvres les plus marquantes sont celles qui acceptent l’incertitude, la complexité de l’humain.

Marianne prit une gorgée de champagne avant de répondre, les yeux pétillants.

— Vous devriez peut-être laisser votre plume se libérer encore plus, Nicolas. Explorez sans vous censurer, laissez le doute, le malaise, tout ce qui fait que nous sommes imparfaits… C’est cela qui rend un texte puissant.

Nicolas acquiesça, se sentant compris et encouragé.

— C’est ce que j’essaie de faire, confia-t-il. Clara m’a donné le courage d’assumer ce projet. Mais je dois avouer que c’est terrifiant.

Édouard sourit avec un regard compatissant.

— La peur est bonne conseillère, dit-il. Elle nous garde honnêtes. Ne cherchez pas à faire quelque chose de parfait. Cherchez simplement à être vrai. Nous avons bien assez de perfection de surface. Ce qu’il faut, ce sont des voix qui osent se montrer telles qu’elles sont.

Clara posa une main sur le bras de Nicolas, lui offrant un sourire de soutien.

— Et je pense que tu en es capable, Nicolas.

Alors que la conversation avançait, Marianne posa son verre et fixa Nicolas avec un sourire malicieux.

— Et, dis-moi, Nicolas… Tu as quelque chose à nous faire lire ? Quelques pages, un extrait peut-être ?

Nicolas sentit un mélange d’excitation et d’appréhension l’envahir. Il n’avait pas prévu de partager son travail si tôt, et encore moins devant un public aussi averti.

— Euh… oui, j’ai quelques passages. Rien de vraiment finalisé, juste des brouillons, mais…

Édouard hocha la tête, encourageant.

— Ce n’est pas la perfection que nous cherchons. Au contraire, on veut voir les ébauches, l’esprit brut derrière l’idée. Ce sont souvent les mots les plus spontanés qui révèlent le mieux la voix d’un auteur.

Clara lui jeta un regard complice, comme pour lui dire qu’il pouvait leur faire confiance. Après un instant d’hésitation, Nicolas sortit son téléphone et ouvrit un fichier contenant quelques pages de son texte. Il tendit l’appareil à Marianne, qui s’empara du téléphone et commença à lire avec une attention presque religieuse.

Le silence s’installa autour d’eux, seulement ponctué par le murmure des conversations environnantes et la musique en fond. Nicolas observait Marianne et Édouard, guettant leurs réactions. Les minutes s’étirèrent, et il sentait son cœur battre de plus en plus fort.

Enfin, Marianne leva les yeux, visiblement impressionnée.

— C’est vraiment puissant, Nicolas. Tu as cette capacité à rendre les failles humaines… terriblement proches. On s’y reconnaît, même quand c’est inconfortable.

Édouard hocha la tête, pensif.

— Je vois un potentiel certain ici, Nicolas. Un roman comme le tien trouverait sa place, surtout dans un monde littéraire où l’authenticité manque parfois. Ce projet mérite d’être soutenu.

Nicolas n’en revenait pas. Il s’était préparé à des critiques ou, pire, à une indifférence polie. Mais de voir ces écrivains, habitués aux grandes œuvres, réagir de cette façon… Cela le bouleversait.

Marianne reprit, son regard se faisant plus intense.

— J’ai un ami éditeur qui est toujours en quête de voix nouvelles et sincères. Il a un petit fonds dédié à aider des auteurs indépendants. Si ça te tente, je pourrais lui parler de toi et lui montrer quelques extraits.

Nicolas sentit un frisson de gratitude et d’étonnement.

— Vous… vous feriez ça pour moi ? demanda-t-il, la voix un peu rauque.

Édouard lui posa une main amicale sur l’épaule.

— C’est ce que nous faisons, entre passionnés. Si l’histoire de Marc et Sophie peut résonner aussi fort avec nous, imagine l’effet qu’elle pourrait avoir sur d’autres lecteurs. Mais avant cela, nous aimerions te soutenir dans cette aventure.

Il marqua une pause avant de continuer, l’air résolu.

— Pour être honnête, j’ai moi-même quelques moyens pour t’aider à te lancer, et Marianne et moi pourrions participer à un financement de départ. Cela te permettrait d’avoir un peu plus de temps, d’avancer sans la pression de devoir tout faire dans l’urgence.

Nicolas était abasourdi. Il n’avait jamais pensé qu’une soirée de vernissage pourrait déboucher sur une opportunité aussi incroyable. Il regarda Clara, qui lui sourit avec une douceur chaleureuse.

— Tu vois, Nicolas ? Quand je te dis que tu devrais croire un peu plus en toi…

Nicolas se sentit envahi par une émotion inattendue, une gratitude profonde. Pour la première fois depuis longtemps, il voyait un chemin se dessiner, une lueur d’espoir au milieu de ses doutes.

Alors que la soirée touche à sa fin, il ressent une étrange légèreté. Autour de lui, l’atmosphère semble à la fois familière et profondément stimulante. Les discussions s’essoufflent, la musique est devenue plus douce, et la galerie commence à se vider lentement, comme si chacun des invités emportait un peu de l’inspiration de la soirée avec lui.

Clara et Nicolas, un verre à la main, échangent un sourire complice près d’une grande toile abstraite. Elle s’approche de lui, visiblement émue.

— Je savais que cette soirée allait t’ouvrir de nouvelles portes, dit-elle doucement. Et je suis heureuse que tu aies trouvé la force de partager ton histoire.

Nicolas acquiesce, absorbé par un mélange de fierté et d’humilité.

— C’est toi qui m’as aidé à y croire, Clara. Merci de m’avoir poussé, d’avoir vu quelque chose en moi que je ne voyais plus.

Ils restent un moment en silence, leurs regards se croisent. Puis, sans un mot, Clara prend sa main et l’entraîne vers la sortie. Dehors, l’air est frais, et la ville est baignée d’un calme apaisant. Ils marchent côte à côte, leurs pas en harmonie, comme si les tensions de Nicolas s’étaient évaporées le temps d’une soirée.

Clara l’emmène vers un petit bar qu’elle aime, un endroit intimiste où quelques musiciens jouent du jazz. Installés dans un coin, ils continuent à discuter, de littérature, de projets, de rêves. Nicolas sent que la soirée est sur le point de se transformer en quelque chose de plus intime, plus personnel. Il a le sentiment de redécouvrir le plaisir de partager, de se confier sans crainte.

À un moment, alors que la musique ralentit, Clara pose sa main sur celle de Nicolas.

— Tu sais, Nicolas, je crois en toi. Pas seulement en ton écriture, mais en toi. Tu as une profondeur que peu de gens voient.

Nicolas la regarde, ému. Il hésite un instant, puis ose enfin exprimer ce qu’il ressent.

— Clara… je crois que tu es la première personne depuis longtemps à m’avoir permis de ressentir tout ça. Et ce soir, j’ai enfin l’impression de retrouver une partie de moi que j’avais perdue.

Ils se sourient, et sans qu’aucun mot de plus ne soit nécessaire, ils s’embrassent doucement, comme une promesse de renouveau.

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