Le lendemain matin, direction l’école avec Ninja dans ma poche. Lorsque j’aperçois Théo, je m’empresse de lui raconter ma rencontre avec le chmouche. Bien évidemment, il ne me croit pas :

— Qu’est-ce que tu me racontes encore, dit Théo en rigolant.

— Si, si je t’assure ! dis-je avec les yeux grands ouverts.

J’abandonne l’idée de le convaincre assez rapidement ; il pense que tout est faux. Tant pis pour lui. Moi qui pensais qu’entre meilleurs amis on se faisait confiance.

La maîtresse vient chercher l’ensemble de la classe rangée dans la cour de récréation. Cependant, Jordan interrompt le brouhaha des élèves entre eux et crie principalement à l’attention de madame Madelaine :

— Bastien, il a un stylo magique ! Il va tricher pour le contrôle de mathématiques !

Tous les élèvent braquent leur regard sur moi, tandis que la maîtresse roule ses yeux vers le haut. Elle fixe Jordan d’un air exaspéré, les mains sur les hanches et lui affirme :

— Mais enfin Jordan, un stylo magique ça n’existe pas. Si c’était le cas, tu penses bien que je le saurais.

Mon visage rougit de malaise et de timidité. Je déteste être le centre d’attention. Madame Madelaine, comprenant ma gêne, continue :

— Par contre Jordan, merci de m’avoir rappelé le contrôle. Je l’avais complètement oublié !

Tous les regards changent instantanément de cible et se dirigent sur Jordan, qui devient écarlate à son tour. Quelques grognements désapprobateurs sortent des bouches de mes camarades.

La maîtresse frappe dans ses mains et nous dit :

— Bon, nous n’allons pas rester dans la cour toute la matinée, nous avons un test à faire ! Suivez-moi et soyez silencieux dans les couloirs.

Après avoir monté les deux étages de l’école dans un léger bruit de fond non maîtrisé par madame Madelaine, Théo vient me parler.

— Désolé d’avoir balancé ton secret à Jordan, il m’avait pourtant dit qu’il se tairait. En fait, je te crois. Ça m’a juste surpris sur le coup.

— Ce n’est pas grave, je te pardonne.

À peine sommes-nous rentrés en classe que je vois la brute de l’école, Tony, taper dans ses poings avec un sourire malsain en regardant Jordan.

Je me mets à sa place un instant et je comprends.

Je pense que si mon camarade me disait qu’il pouvait voler, je ne le croirais pas une seule seconde.

Lorsque madame Madelaine écrit l’énoncé du contrôle au tableau, je sors mon stylo et regarde Jordan, un rang derrière moi. Il est terrorisé par Tony qui lui envoie des gestes menaçants.

Mais enfin, il n’a pas fait exprès de rappeler à la maîtresse qu’il y avait contrôle ! D’un certain point de vue, il s’agit même d’une bonne action.

Décidé, je sors Ninja de mon stylo et je lui chuchote :

— Salut copain, pour mon deuxième vœu, je voudrais que tu reportes le contrôle à la semaine prochaine.

Il s’exécute immédiatement et, cinq secondes plus tard, madame Madelaine efface le tableau en nous fixant joyeusement :

— Bon aller, quand je vois vos têtes, je me dis que je vais vous laisser une semaine de plus pour réviser. Nous allons tout de même nous exercer sur les divisions et les multiplications. Sortez votre livre de mathématiques page trente-six.

Jordan souffle en s’essuyant le front. Un sourire irradie son visage. Je suis en quelque sorte le héros anonyme de la classe !

Ma joie est de courte durée. Pourquoi ?

J’entends un faible grognement qui provient de ma droite ; Tony me dévisage d’une envie meurtrière.

Mince, il m’a vu !