Les parapluies
Il était encore tôt mais il n'y avait presque plus de lumière à cause de la pluie qui tombait à grosses gouttes. Samuel, qui avait déjà atteint la porte d'entrée, jeta un regard sur sa sœur qui finit tout juste de grimper les escaliers. Sans plus attendre, il toqua. Quelques secondes plus tard, un jeune homme de son âge au teint bien sombre ouvrit la porte.
— Salut, Sam. Salut, Sara, compléta t-il en voyant l'adolescente. Content d'vous voir...
Quand ils entrèrent dans l'appartement, Sara se demanda si celui qui était en face de lui était bien Vino, le meilleur ami de son frère. Lui qui était toujours souriant et habillé de couleurs criardes n'avait plus l'air que de l'ombre de lui-même tant ses cheveux, d'ordinaires longs et bouclés, étaient sales et désordonnés.
— Bon... Qu'est-ce qui se passe, vieux ? demanda Samuel. Tu n'as pas l'air dans ton assiette depuis quelques jours. Et à ce que je vois, ça empire.
— Pas dans mon assiette... En effet. Il se passe que ma mère est malade. Elle est à l'hosto. Une méga-rougeole.
— Merde...
— Ça , tu peux l'dire, souligna Vino alors que l'orage se mettait à gronder au dehors.
Samuel soupira et jeta un coup d'œil à sa sœur, qui ne semblait pas trop comprendre. Il faudra qu'il lui explique un jour le rapport presque fusionnel qu'il entretient avec sa mère et son enfance difficile, mais pas maintenant. Sara, captant son regard, parla à son tour :
— Tu veux qu'on fasse quelque chose pour toi ?
— Non, merci. Je fais comme je peux. Quoi que si vous pouviez retrouver l'enflure qui a cru bon de refiler la rougeole à ma mère pour que je puisse m'occuper de son cas et lui faire prendre conscience de son comportement, c'est pas d'refus. J'te ferai une vaccination de masse, moi... Et une peine de prison si tu refuses.
— Comment ça ? demanda Sara.
— Ben... Ma mère ne pouvait pas être vaccinée contre la rougeole, en fait. Un déficit immunitaire qui l'en a empêché. La couverture vaccinale, tu connais ?
Devant l'air un peu désemparé de la jeune fille, Samuel prit le relais :
— Pour t'expliquer le topo, imagine une journée particulièrement pluvieuse, comme aujourd'hui. Sauf que la pluie qui tombe est particulièrement acide et peut te faire très mal si tu n'as pas de protections adaptées. Heureusement, les gens ont tous un parapluie avec eux.
— Je vois où tu veux en venir. La pluie représente les maladies, c'est ça ? Les parapluies, c'est les vaccins. Et donc ?
— C'est ça. Le problème, c'est que le parapluie de certains est défectueux, ou troué. Le seul moyen qu'ils ont pour se protéger est donc de s'abriter sous le parapluie de quelqu'un d'autre. Hors, s'il y a trop peu de gens qui ont un parapluie, parce qu'ils pensent dans leur égoïsme que leur corps sera suffisamment résistant ou que la pluie est un mensonge des reptiliens pour mieux asservir la planète, la personne dont le parapluie est troué ne pourra pas s'abriter. Et si la pluie acide l'attaque...
— Ok, je vois le problème.
— La mise en danger de la vie d’autrui, conclut Vino d'un air sombre, c’est comme le racisme : c’est pas une opinion, c’est un délit.
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