Le cuculle rouge
— Je trouve l’intervention du loup particulièrement intéressante. On ne l’a pas assez écouté et il apporte des éléments troublants.
— Allez ! Encore une fois, le criminel est une victime…
— Sortez des lieux communs ! Quand il dit que la jeune fille l'a aguiché, il faut écouter.
— Oui, c’est la faute de la femme si elle se fait violer !
— Il ne s’agit pas de ça ! Reconnaissez que cette fille et son accoutrement, ce cuculle rouge…
— Chaperon, on dit chaperon…
— Justement, c’est son signe de reconnaissance ! Tout le monde savait qu’elle faisait commerce de son corps quand elle le portait !
— Et alors ? C’est une raison pour la forcer ?
— Vous savez bien que le loup ne s’est rendu coupable que dans le feu de l’action…
— Allez-y, expliquez-moi…
— D’abord, il faut se remettre dans le contexte, la crise de la bobinette et les cours qui chérèrent si vite…
— Comme par hasard, le père de la jeune fille est ruiné…
— Il pourrait être sauvé si sa belle-mère, qui est immensément riche, acceptait de l’aider.
— Mais elle hait son gendre…
— Qui lui envoie le loup pour négocier…
— Pour négocier ou la trucider ?
— Pour négocier, tous les témoignages concordent.
— Mais il tombe sur la jeune fille et perd les pédales.
— Elle intervient pour le compte de sa mère, séparée du père, et qui refuse de voir sa fortune potentielle aller à son bon à rien d’ex-mari.
— Le loup aurait été manipulé ! Quelle belle invention !
— Il avait obtenu l’accord de la grand-mère, puisqu’elle avait commencé à signer quand la traînée…
— Vous voyez, vous êtes partisan !
— Quand la « jeune fille » est arrivée. Je suis d’accord : on ne sait pas bien ce qui s’est passé dans l’appartement. Elle a dû jouer de son charme pour que le loup change de camp.
— Bien sûr, « son charme », dites carrément son cul !
— Mais c’est un compte pour enfant !
— J’ai entendu le « mpte »…
— Ce n’est qu’une histoire de gros sous, effectivement !
— Et la fin ?
— Le père arrive en sauveur, met tout sur le dos du loup, qui était son homme de main, « sauve » sa fille, libère la grand-mère qui, un peu brinquebalante de la tête, accepte de l’aider. Et la mère se réconcilie avec la fortune, donc son mari !
— Tout est bien qui finit bien !
— Sauf les vingt ans de taule pour le loup !
— C’est un immigré sans papier, on s’en fout un peu !
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