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              Dans une grande pièce obscure, une grande table en bois éclairée par un double tube néon et encombrée de drogues et d’alcool, encadrée de silhouettes assises protégées de gorilles en costumes trois pièces équipés de fusils mitrailleurs. Au bout de la table, un homme à la peau grasse, les cheveux plaqués sur son front dégarni et le souffle court, dont la corpulence manquait de faire exploser le veston du costume trois pièces prit la parole d’une voix lente à l’accent italien prononcé.

                — Buonasera mes amis. Merci de vous être libérez aussi vite pour régler ce problème commun…

                Un homme noir prit appui des coudes sur la table pour se pencher en avant, avant de s’exprimer.

— Ce problème, vous l’avez pourtant utilisé comme solution contre nous quelques jours auparavant, non ?

                L’hôte des lieux sourit.

— Vous ne nous avez pas vraiment laissé le choix. Mais si nous ne faisons pas front commun maintenant, il n’y aura bientôt plus personne pour affronter cet homme…

                Un homme asiatique reposa une bouteille de saké sur la table avant d’ajouter.

— Cet homme est un tel fléau, et en même temps si pratique, qu’il serait merveilleux de pouvoir l’embaucher pour qu’il se tue lui-même… Il me semble que les Roumains ont envoyé tous leurs hommes, et regardez leur siège aujourd’hui. Il est vide. Même Vasile y est passé, ce qui signifie que cet homme s’est défait d’une centaine de tueurs sanguinaires.

— Ce qui n’est pas fait pour nous déplaire…

                A l’autre bout de la table, à l’opposé de l’hôte italien, se tenait un homme en uniforme de police.

— Ils étaient devenus trop gourmands, et durs à tenir, vous le savez tout comme moi. Ils empiétaient sur les plates-bandes de tout le monde. Personnellement, je ne me plains pas de ses actions. Ils réduits vos rangs sans toucher aux miens.

                Un homme typé hispanique le coupa.

— Et si nous lui donnions la liste des ripoux de chez vous, pensez-vous que l’uniforme les sauvera encore ? Nous saluons tous sa morale. Pas d’innocents, pas d’enfants, pas d’uniformes. Mais nous connaissons tous la première règle de conduite qu’il applique : Rien ne protègera les coupables. Je vous rappelle à tous ce qu’il est arrivé au dernier ministre de l’environnement ?

                La table se fit silencieuse alors que les faits leur revenaient. Le ministre concerné avait été impliqué dans une affaire de mœurs mêlant des enfants en très bas âges à d’autres personnalités influentes. Et toutes avaient été reconnues coupables, sauf le ministre, protégé par son poste. Mais malgré les quarante gardes du corps détachés à sa protection jours et nuits, il avait été retrouvé mort soixante-douze heures plus tard, la gorge et le sexe tranchés. Le Préfet de Police fit subitement une moue écœurée mais se mura dans le silence, et l’hispanique reprit.

— J’ai un cousin du Cartel qui m’a proposé de nous prêter ses meilleurs tueurs. Si toutes nos maisons mères pouvaient en faire autant, nous aurions une chance d’y arriver.

                La double porte battante de la salle s’ouvrit à la volée et un homme en uniforme militaire pénétra avec calme alors que les armes se braquaient toutes sur lui.

— Vous n’auriez pas plus de chance d’y arriver que maintenant.

                Un homme d’allure magrébine en survêtement le coupa.

— T’es qui toi, batard ?

                Le militaire le regarda en haussant les sourcils.

— Moi ? Celui qui va vous apporter des réponses sur l’homme que vous cherchez à éliminer mais que vous n’atteindrez jamais.

                Il s’avança lentement malgré la menace des armes, et l’Italien fit un signe de la main. Les gorilles rangèrent immédiatement leurs outils de dissuasion.

— Qu’est-ce qui nous dis que vous ne venez pas nous piéger ?

                Le militaire ouvrit lentement sa veste pour montrer qu’il ne portait ni arme ni micro, mais en profita pour libérer un dossier qu’il jeta sur la table.

— Parce que je vous apporte son histoire, pour commencer.

                Arrivé en bout de table, il tapota l’épaule du Préfet.

— Je pense que vous pouvez aller vous assoir à la place des Roumains. Vous ne méritez plus de siéger en face du Padre.

— Mais !

                Le militaire le saisit par le col pour l’obliger à se lever, et colla son visage contre celui de son interlocuteur.

— Je déteste me répéter.

                Rejetant le policier, il réajusta sa tenue, retira son képi qu’il posa sur la table, ferma sa vareuse et s’assit, droit et professionnel.

— Je me présente. Je suis le Général d’Armée François Firmin, premier conseillé auprès du Président de la République. Et c’est mon patron qui m’envoie.

                Le Padre venait de se faire apporter le dossier et le feuilletait tranquillement, tandis que le Général dévisageait chaque personne présente tout en se servant un bourbon.

— Padre, je vois que vous n’avez que du beau linge ici…

                Reposant lentement le dossier pour le faire glisser vers son voisin, celui-ci répondit.

— Et vous du beau linge dans vos rangs.

                Le Général soupira.

— Si seulement… Son équipe a mal tourné… Lors d’un raid en forêt Amazonienne, ils ont choisi de retourner leur veste et de faciliter l’acheminement entre nos deux pays. Fidèle à ses convictions, le Sergent-Chef Avien a essayé de les neutralisé avant de recevoir quatre balles dans le torse et d’être laissé pour mort. Son équipe toute entière a été désavouée, lui inclus, et quand il est revenu à lui, dans un village indigène, il a voulu remédier au problème. Il a exécuté lui-même les vingt-cinq autres membres de son commando, et est revenu en France faire son rapport.

                Le Général bu son scotch avant de reprendre en haussant les sourcils.

— J’adore quand il est vieilli en fut. Bref, à peine arrivé sur le territoire, il a été mis aux arrêts. Après enquête, il a été libéré, et j’ai tout fait pour le faire réhabiliter, mais il a refusé.

— Pourquoi ça ?

— Sa première règle, Padre. Son commando avait suivi les ordres de quelqu’un plus haut placé, et il voulait le retrouver.

                L’asiatique se mit à rire.

— Et c’est vous ?

— Oh non… C’est le Président.

                Tous autour de la table se figèrent alors que le Général se servait un nouveau verre.

— Voyez-vous, avant de se lancer dans la politique, le Lieutenant-Colonel Mascrato était en charge des opérations spéciales en Amérique Latine. Ce qui lui a permis de monter sa petite affaire, et d’ainsi graisser la patte aux bonnes personnes pour atteindre le poste qu’il a aujourd’hui.

                Le Padre se pencha autant que son ventre le lui permettait.

— Et dans ce cas, pourquoi protéger un pourri plutôt que celui que vous avez essayé de réhabiliter ?

— Parce que j’ai bien peur que le simple fait d’avoir appris ceci fasse de moi une victime de sa première règle… En sommes, j’ai autant à perdre que vous : La vie. Alors avons-nous une chance de travailler de concert ?

                Les hommes à table échangèrent de nombreux regards avant de porter leur attention sur l’hôte des lieux qui opina du chef.

— Nous écoutons votre proposition.

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