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Tout un mur de la pièce de la salle de réunion affichait des images, comme autant d’écrans de surveillance séparés. On pouvait y voir un touriste allemand prenant des photos, un homme d’affaire en costume marchant dans la rue avec son attaché-case, un jogger, un homme noir au téléphone, une femme qui marchait en se déhanchant, un sans-abri, un vendeur de journaux et enfin un homme en treillis qui escaladait un échafaudage avec un gros sac sur le dos. Les caméras changeaient au fur et à mesure des déplacements des protagonistes, mais tous finirent inévitablement par s’immobiliser à un moment ou à un autre, y compris l’homme en treillis, qui ouvrit son sac pour assembler un fusil de tir de précision et se mettre en position de tir.
Soudain, autour de chaque personnage, un homme tombe à terre, mortellement blessé par un tir inconnu, alors que les protagonistes se joignent au mouvement de foule pour disparaitre, malgré les caméras qui les poursuivent. Pour le tireur, à la place apparait à l’écran la une d’un journal annonçant la mort d’un trafiquant de drogue et d’êtres humains. Enfin, sur les écrans ne restent plus que quelques signes distinctifs des tueurs. Un appareil photo et un bob, un attaché-case, une tenue de joggeur, un visage noir, une perruque et une robe, une tenue de sans-abri, une pile de journaux et un fusil de précision.
Finalement, les images se coupèrent, et la lumière revint dans la salle, tandis que le Général récupérait la tablette et le petit vidéo projecteur qu’il avait posé sur la table.
— Voici donc notre homme. Il a été difficile d’avoir ces images de lui. Mais il est une date à laquelle il baisse toujours sa garde. Et toutes ces vidéos viennent de là.
Le Padre fronça les sourcils.
— Il y a une fois dans l’année où il est… Dérouté ?
— L’anniversaire de la trahison qu’il a subit. Et c’est bientôt.
L’asiatique enchaina.
— Alors il faudrait le piéger ce jour-là ?
— C’est ça, Monsieur Chen. Et j’ai déjà élaboré tout un plan. Mais… Il nécessite un à plusieurs appâts assez appétissants pour le faire sortir de sa fausse retraite. Jamais il ne se laissera payer pour éliminer l’un d’entre vous, à cause de son sens moral. Il préfère penser qu’il vous extermine gratuitement, qu’il fait ça pour la justice. Mais avec les bons mots, le bon scénario, nous pouvons lui faire croire qu’il a un créneau pour descendre un gros bonnet, un très gros bonnet. Comme il l’a fait pour les Roumains.
L’Hyspanique s’énerva immédiatement.
— En clair, vous voulez sacrifier l’un d’entre nous ? C’est plutôt vous qu’on devrait buter, et maintenant !
Le Général lui sourit gentiment.
— Allons, Monsieur Carlos… J’ai parlé d’appât. Entre vos hommes à tous et les miens, pensez-vous vraiment qu’il pourra ne serait-ce qu’arriver à sa cible ? Et puis, j’ai bien peur que vous ne soyez pas d’assez gros poissons pour lui.
— Le Président serait parfait.
La table le dévisagea avec étonnement, et il haussa les épaules.
— Mais vous faites un bon début.
Quelques cris de stupeur s’élevèrent de la table, avant que tous ne sursautent en hurlant quand la grande double porte vola en éclats, libérant de terrifiantes déflagrations jusque-là assourdies par le chêne centenaire maintenant pulvérisé. Alors que les chefs de clans se jetaient sous la table, et tandis que leurs gardes du corps faisaient feu vers la porte déchiquetée, la lumière vive du couloir commença à pénétrer dans la salle, révélant un couloir vide et criblé d’impacts. Rechargeant leurs armes, les protecteurs échangèrent des regards inquiets alors que de sous la table s’élevait une voix.
— Vous nous avez vendu à lui !
— Ca, j’en doute.
La voix inconnue qui venait de répondre vint du même endroit que celle qui accusait, et fut suivie d’une série de déflagrations puis du bruit de plusieurs corps tombant lourdement au sol alors que le sang se rependait sur le parquet. Cette même voix inconnue reprit son discours.
— Messieurs les gorilles, vous avez deux solutions. Vous débattre, tirer à travers la table, et mourir dans un dernier acte de bête bravoure inutile. Ou accepter votre sort pour que tout se fasse vite et sans douleurs inutiles.
Les hommes en armes arrosèrent la table d’une pluie de plomb, la criblant littéralement de projectiles jusqu’à ce que leurs chargeurs soient vides. Après quelques secondes de silence, les hommes sourirent, persuadés d’avoir emporté la bataille, avant de déchanter.
— OK, tant pis pour vous !
Les déflagrations reprirent en partant de sous la table, et trois hommes tombèrent, les jambes arrachées à hauteur des genoux, alors que roulant de sous la protection en bois plein sortait un homme équipé d’un fusil à pompe à canon court et chargeur tambour de type AA12 (*). Se relevant en pivotant, il continua à faire feu en mode semi-automatique, projetant plomb, chair, viscères, sang et corps démembrés à travers la pièce avec professionnalisme tout en se déplaçant pour ne pas être une cible trop facile.
Une fois le dernier mercenaire à terre, l’assaillant laissa retomber le chargeur tambour de l’arme à terre pour le remplacer, avant de braquer son canon vers le Général et de dégainer un pistolet vers Giovanni.
— Relevez-vous, Signore
En silence, le mafieux obèse se redressa pour s’assoir correctement et dévisagea l’assassin de masse.
— Tu es toujours aussi efficace. Je te remercie.
L’homme armée le dévisagea, son visage neutre contrastait avec son regard d’assassin sanguinaire dans les yeux duquel brulaient les flammes de la mort et du chaos. Son ton froid et neutre s’abattit sur la sale embrumée par la poudre.
— Si je n’avais pas eu autant besoin d’argent et de semer le chaos dans leurs rangs, vous y seriez passé aussi. Quant à vous, Mon Général, merci de m’avoir permis ce joli coup. Ça m’aura pris beaucoup de munitions et d’explosifs, mais je pense que leurs rangs auront été salement dégrossis. Je vous laisse donc en vie pour le moment. Vous Don Giovanni parce que vous étiez mon client, vous Mon Général parce que vous êtes innocent. Adieu.
Alors qu’un des gardes du corps se redressait en gémissant, le mercenaire abaissa son arme vers son visage et fit feu. Une fois l’étui de la cartouche immobilisée au sol, le tueur se dirigea vers la porte quand le Général l’appela.
— Merci Chris.
Tournant lentement la tête, un regard assassin au visage, le tueur répondit.
— Je ne le fais pas pour vous.
* Fusil à pompe AA-12 à chargeur tambour
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