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Quarante-cinq minutes plus tôt, de nombreux véhicules stationnaient dans une immense propriété en périphérie de Paris pour déverser de nombreux hommes en armes sous la surveillance d’autant de gardes armés. Une fois les hommes des différents camps déployés, leurs chefs sortirent deux leurs palaces roulants pour se saluer plus ou moins cordialement en fonction de leurs alliances.
Depuis l’immeuble trois rue plus loin, un homme en tenue paramilitaire noire les observe à travers l’optique grossissant de son fusil de précision tout en relevant la place des sentinelles, le nombre de gardes et le type d’armement, pour ensuite visser un embout supplémentaire au canon de son arme. Il visa alors le toit avant de presser la queue de détente, et un long câble à ses pieds se déroula à une vitesse folle jusqu’à ce qu’un projectile en forme de grappin se plante dans le toit de l’immense villa. Le commando activa un petit générateur qui tendit l’excès de câble métallique, puis reprit sa visée, calant posément son souffle avant de faire feu, éliminant lentement chaque sentinelle quand celles-ci arrivaient sur des zones d’où leurs corps seraient plus difficiles à trouver.
Dix minutes et six chargeurs de cinq cartouche chacun plus tard, l’homme accrocha une tyrolienne à son harnais et se laissa glisser jusqu’à la résidence qu’il voulait investir, s’amortissant souplement en arrivant en contact avec le toit. Avant de détacher son mousqueton et de se laisser glisser jusqu’à la gouttière et s’arrêter au-dessus d’elle. Reprenant une descente plus lente, il posa délicatement les pieds dessus avant de s’accroupir pour la saisir et de se basculer lentement dans le vide pour prendre la gouttière verticale et se laisser glisser jusqu’au sol.
Collé au mur, il se mit à avancer lentement vers la double porte d’entrée, quand la fenêtre au-dessus de lui s’ouvrit. Un homme s’y pencha pour parler en Italien.
— Où sont encore passés ces cons de sentinelles ! S’ils ont encore abandonné leur poste pour aller boire, ça va chier !
L’intrus passa prestement son bras au-dessus de la nuque du garde et le fit basculer dans le vide tout en sortant son couteau de combat de son autre main. A peine l’homme avait-il touché le sol qu’une lame effilée lui tranchait la gorge d’un geste adroit et professionnel, le laissant se vider de son sang dans la cour de la villa d’où s’élevait une autre voix répondant en italien également.
— Tu veux que je les appelle ? Luigi ? Tu es où ?
— Ici. Je suis allé voir dans la cour, viens.
Le tueur attendait, toujours collé au mur, espérant que le comparse de Luigi tombe dans le piège, quand l’ombre de celui-ci se dessina dans la lumière vive de la fenêtre.
— Luigi ?
Bondissant comme un diable hors de sa boite, le commando lui planta son couteau dans la mâchoire inférieure avant de le tirer à lui, pour ensuite lui briser la nuque dans un craquement sonore répugnant. Après quelques secondes sans bouger pour s’assurer que personne n’arrivait, l’homme s’infiltra par la fenêtre ouverte pour se retrouver dans ce qui semblait être un poste de sécurité, et ne put que sourire devant l’incompétence des gardes. Aucun contrôle radio, six hommes endormis sur des lits de camp, les deux qu’il venait de tuer étaient certainement affectés aux caméras de surveillance. Rien que l’idée de mettre un poste de sécurité au rez de chaussée avec une fenêtre donnant sur l’extérieure était une ineptie telle que ces hommes méritaient leur sort.
Ressortant son coteau de combat de son fourreau, il s’approcha lentement du premier homme et appliqua sa main gauche sur sa bouche et son nez avant de l’égorger. Le mis à mort ouvrit de grands yeux terrifiés avant de se débattre mollement, se noyant déjà dans le sang qui lui manquait pourtant cruellement. Le tueur trouva presque ironique qu’on puisse tout à la fois mourir exsangue et noyer dedans parce que le liquide avait quitté vos veines et artères pour entrer dans votre trachée béante. Quand le mort fut bien mort, son meurtrier passa au lit suivant, égorgeant à tour de rôle les six hommes qui s’étaient couchés sans le savoir dans leur lit de mort. Une fois son massacre terminé, et alors que le sang tombait à grosses gouttes sonores sur le parquet déjà rougis et gluant, le meurtrier essuya son couteau sur la manche de chemise du dernier mort avant de retourner vers les écrans de caméras.
Il observa minutieusement chaque écran, se définissant un itinéraire en fonction des plans qui lui avaient été remis, avant de s’arrêter à une salle éclairée d’une ampoule à nue dans laquelle étaient attachées des femmes dévêtues. Fronçant les sourcils, il en repéra l’emplacement approximatif avant de procéder à ses ultimes préparatifs.
Un a un, il sorti ses pistolets de leurs fourreaux et engagea une cartouche en chambre en tirant leur culasse à l’arrière, avant de contrôler leur bonne présence puis de les rengainer. Deux aux aisselles, deux dans le dos, deux aux hanches, deux aux cuisses et deux aux mollets. Il tira de son dos son fusil à pompe automatique AA 12 dans lequel il engagea un chargeur tambour, contrôla la présence des cinq chargeurs de trente cartouches chacun, avant de glisser sa ceinture de grenades pour que celles-ci soient dans son dos, à l’abri d’un éventuel tir.
Inspirant plusieurs fois, il enfila ses lunettes balistiques avant d’ouvrir la porte du poste de sécurité pour progresser dans la villa, couvrant tous les angles morts, avançant le plus furtivement possible, sachant pertinemment que le premier coup de feu tiré entrainera l’enfer dans ces murs. Arrivé à la cuisine, il y entra lentement, plié en deux pour se dissimuler au maximum de la vue des cuisiniers, avant d’aller se coller dans le dos du chef cuistot. Plaquant son arme dans le creux des reins de l’homme se raidissant, il murmura.
— Tu vas dire à tes mecs de venir sagement ici pour m’ouvrir la chambre froide. Vous allez libérer les filles et prendre leurs places, et le premier qui fait du bruit, je te tranche en deux d’une cartouche, compris ?
Le chef appela ses cinq subalternes pour les rassembler devant lui. Ceux-ci le regardèrent avec étonnement, ne comprenant pas son maintien et son ton contrit, jusqu’à ce que l’intrus se relève.
— Salut les copains. Je vais vous répéter ce que j’ai dit à votre chef. Vous ouvrir chambre froide, libérer filles, prendre leurs places. Action.
Les hommes s’activèrent, détachant les captives qui pour la plupart tombèrent au sol sans réellement se débattre. Repoussant le chef dans la chambre froide, l’intrus l’interrogea.
— Qu’est-ce qu’elles ont ?
Terrifié, le cuisinier tremblant murmura.
— On les drogue pour les rendre dociles…
— Et celle ligotée comme un rôti derrière toi ?
Les yeux du cuistot fixèrent le sol tandis que la femme entravée et bâillonnée se débattait comme une diablesse.
— Elle n’est pas droguée… Comme elle est très agressive, le responsable des filles a décidé de la briser à l’ancienne en la mettant en libre-service après la réunion de ce soir…
Les mâchoires du combattant se crispèrent.
— Libérez la vite, avant que je ne vous tue.
Les hommes se jetèrent sur la captive pour la détacher, et elle en assomma un d’un coup de poing à la mâchoire dès qu’elle put bouger, arrachant un sourire satisfait à son sauveur.
— Maintenant, Mademoiselle, j’aimerais que vous guidiez vos compagnes de cellule à l’extérieur. Aucun garde ne vous arrêtera.
La prisonnière le regarda avec étonnement alors qu’il lui tendait un téléphone portable.
— Le code de déverrouillage, 5152. Appelez les secours une fois sorties. Et faites vite. L’atmosphère va vite devenir malsain ici.
Tremblante mais le regard reconnaissant, elle s’en saisit avant d’aider ses comparses à se relever et à sortir. Une fois que la chambre froide ne contenait plus que les cuisiniers et l’intrus, celui-ci se recula jusqu’à la sortie.
— Je vais refermer la porte. Et peut-être remettre la clim en marche. N’oubliez pas l’adage, chaleur humaine, chaleur pas chère.
Malgré les suppliques, il referma la porte hermétiquement et activa l’air conditionnée à une température de quatre degrés Celsius, avant de quitter les cuisines dont les plats commençaient à sentir le bruler et à dégager une acre fumée noire. Se ravisant, il éteignit tout ce qui cuisait et décala les plats pour éviter d’activer l’alarme incendie et reprit sa route avec parcimonie. Il s’arrêta quelques portes plus loin en découvrant une salle à la porte entrouverte dans laquelle une dizaine de gardes étaient regroupés devant la diffusion d’un match de basket ball et fouilla dans une poche de son pantalon cargo pour en sortir une mine claymore M18A1 et la déployer de façon à ce que l’explosion se diffuse au maximum dans la pièce. Fouillant une autre poche, il en sorti un petit bidon d’essence pour briquet avec lequel il arrosa la mine, la porte, et le sol les séparant, puis reprit sa progression lentement.
Une vingtaine de mètres plus loin, alors qu’il continuait sa progression stratégique, une porte derrière lui s’ouvrit. S’immobilisant, il se retourna lentement pour faire face à un homme fluet en costume trois pièces qui le dévisageait avec effroi.
— Euh… Les gars ? Les ga…
Dans un mouvement souple et fluide, l’intrus venait de lui trancher la gorge, et l’homme s’écroula en arrière avant de tomber lourdement au sol, alors que de la salle au match de basket s’élevaient de nombreuses voix. L’assassin vit la porte bouger légèrement, tirant sur le fil de détonateur de la mine, puis une violente explosion suivie de peu par la propagation de l’essence à briquet enflammée et des vapeurs explosant réduisirent la salle en cendres en une fraction de temps, tandis que les sept-cent billes d’acier lacéraient l’air dans un rayon de soixante degrés. Affirmant la prise sur son arme, l’homme en noir reprit sa progression, prêt à affronter tout ce qui se présenterait face à lui, et très vite il se retrouva face à des groupes de trois à cinq hommes armées qu’il terrassa vite à l’aide de ses cartouches de chevrotine tirées en rafales automatiques à une cadence de trois-cent coups par minutes, chaque projectile de chevrotine quittant le canon à une vitesse initiale de trois-cent-vingt mètres par secondes, transformant les corps en une pulpe sanguinolente de chair, d’os et d’organes déchirés.
Les tirs se mirent à fuser sans réelle précision, et l’assassin se mit à couvert derrière un mur porteur tout en laissant le chargeur tambour de son arme tomber, avant d’en saisir un second dans son dos, de l’enclencher et d’engager une cartouche en chambre. Une fois qu’il eut confirmé la présence de celle-ci, il ramassa le chargeur au sol pour le ranger dans une sacoche pendant à son flanc gauche, puis se saisit d’une grenade dans son dos. Un tube cylindrique dont il retira la goupille avant de compter jusqu’à trois et de la lancer en aveugle. Quatre seconde plus tard, une explosion se fit entendre, suivie de près par des cris de douleur et d’effroi. Attendant encore un peu, le tueur vit passer un homme en feu qui courrait à travers le couloir avant de s’effondrer, puis sorti de son couvert, arme épaulée, pour reprendre sa progression.
Grimpant des escaliers en marbre, il fut accueilli à leur sommet par de nombreuses rafales l’obligeant à se jeter au sol in extremis. Il reconnut aux déflagrations des armes aux calibres plus conséquents, et se mit à compter l’intervalle entre les déflagrations, devinant la présence de deux à trois mitrailleuses Minimi de calibre 7,62mm, et attendit en souriant. Il savait pertinemment que bientôt ses adversaires devraient recharger. Qu’importent qu’ils soient équipés de chargeurs ou de bandes de munitions, le rechargement lui laisserait le temps d’agir de par les manœuvres que l’arme nécessitait. Ramener le levier d’armé à l’arrière, ouvrir le capot, introduire la bande de munitions ou le chargeur, refermer le capot, ramener le levier d’armé à l’avant, toute cette procédure lui offrirait une dizaine de secondes de répit, bien assez pour agir. Les armes se turent, et il se releva à la seule force de ses jambes, son arme face aux assiégés, et fit feu jusqu’à épuisement du chargeur, criblant le mur de l’angle du couloir de sang de chair et de plomb tout en arrachant le béton.
Il reprit sa progression tout en remplissant son chargeur avant de s’immobiliser en même temps qu’une déflagration de petit calibre déchirait le silence. Baissant lentement la tête, il vit un homme à terre, un bras arraché à hauteur du coude et les deux mollets manquants, le tenir en joue d’une main tremblante, un pistolet au canon encore fumant braqué dans sa direction. Il baissa ensuite les yeux vers lui-même et découvrit une tache rouge s’agrandir sur son flanc gauche, avant de dévisager une fois encore l’homme à terre. Celui-ci se mit à pleurer quand le tueur réorienta son arme à feu qu’il venait de charger, avant de se taire à tout jamais, son dernier cri étouffé par l’aboiement du canon.
Pestant contre sa négligence, le commando reprit sa marche avant de s’arrêter au coude du couloir et de s’appuyer contre le mur le laissant à couvert. Ouvrant une pochette accrochée dans le bas de son dos, il en sorti un spray dans lequel il introduisit un tube, puis enfonça le tout dans sa plaie avant de l’actionner en gémissant. Une pate rosâtre sortit des deux extrémités de sa blessure avant de sécher alors qu’il laissait l’aérosol tomber à terre pour se saisir d’une seringue auto-injectante et de se la planter dans la cuisse, pour ensuite souffler. Quelques secondes plus tard, il se redressait, boosté par l’adrénaline et les antidouleurs qui parcouraient maintenant son corps.
Jetant un bref coup d’œil au coin du mur, il vit six hommes en armes l’attendre et soupira. Fouillant dans son dos, il attrapa sa ceinture de grenade et reprit un engin cylindrique qu’il fit rouler dans le couloir. Lorsqu’il entendit un bruit de combustion lente, il attendit quelques secondes de plus le temps que la grenade fumigène encombre bien l’espace avant de se déporter vers le centre du couloir et de faire feu sans relâche et sans viser, vidant deux magasins tambour coup sur coup. Deux minutes plus tard, alors que le second tambour tombait au sol, la fumée finissait de se dissiper. Face à lui ne restait plus qu’une porte en chêne attaquée par ses tirs mais pourtant toujours debout.
S’approchant d’elle, il découvrit que l’intérieure de celle-ci était blindé, aussi y colla-t-il un ultime explosif avant de s’éloigner. L’explosion pulvérisa la table en même temps que l’intrus rafalait gratuitement dans la salle, finissant de déchirer le bois et pulvérisant sièges, bouteilles et paquets de cocaïne, tandis que ses cibles passaient à l’abris sous la table et que leurs gardes du corps ripostaient. Bondissant au raz du sol, il glissa jusque sous la table et attendit que la situation se calme, avant d’exécuter les chefs de clan puis leurs gardes du corps, ne laissant en vie que son employeur, Don Giovanni, et son ami et indic, le Général.
Après un bref échange, il quitta la salle et reprit l’angle menant aux escaliers, avant de tituber et de rouler jusqu’à la dernière marche. Avec tous ces combats, la plaie s’était élargie autour du coagulant, et il saignait abondamment. La tête lourde, Chris Avien se redressa comme il put, avant de tituber puis de tomber lourdement au sol. Il se vit mourir là, exsangue, sa mission inachevée, et s’obligea à se lever une fois de plus alors que sa vue se troublait, quand deux bras fins vinrent le saisir sous les épaules.
— Allez monsieur, en avant.
La voix ne lui était pas inconnue, mais il ignorait pourtant à qui il pouvait avoir à faire. Épuisé, à deux doigts de l’évanouissement, il se laissa guider puis installer dans une voiture dans laquelle la silhouette lui attacha sa ceinture de sécurité avant de contourner l’engin et de s’assoir au volant.
— Je vais vous sortir de là. Vous avez une adresse ?
Marmonnant, il dicta comme il put son point de replis alors que le véhicule démarrait sur les chapeaux de roues et qu’au loin les lumières des gyrophares illuminaient la nuit.
— Ne vous endormez pas ! Parlez-moi !
La bouche sèche, Chris murmura.
— Pas… Hôpital…
— Pourquoi vous croyez que je vous ai demandé une adresse ?
— Quoi… Faire quoi ?
— Ce que je peux. Monsieur ? Monsieur !
— Là… Suis là…
— Votre nom ? Vous vous rappelez de votre nom ?
— Avien… Chris Avien…
La voix, qui avait paniqué quelques secondes auparavant, reprit avec plus de calme.
— Votre date de naissance et votre groupe sanguin ?
— Quatorze février mille neuf-cent quatre-vingt-trois… A positif. Matricule Zéro Trois Neuf-cent-dix Vingt-et-un Trois-Cent-Douze… Mission classifiée Très Secret Défense échouée…
— On est arrivé Chris, tenez bon…
— Dois pas mourir… Mais fermer les yeux… Un peu…
La conductrice gara le véhicule en urgence devant un immeuble avant de secouer son passager.
— Réveillez-vous, Chris ! Chris !
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