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Les sensations revinrent lentement. Le souffle de l’air sur sa peau, un étrange bruit de fond, l’impression que sa plaie le tirait, et cette gorge si sèche… Ouvrant les yeux, Chris constata avec surprise qu’il était dans sa planque, sur son lit, un ventilateur braqué vers lui et la lumière du coin cuisine allumée. Sa vue encore trouble ne lui permit pas de distinguer précisément qui s’y trouvait, mais cela lui importait peu. Laissant son bras tomber le long du lit, il chercha le pistolet qu’il avait caché sous le matelas à tâtons, faisant tourner la tête de l’intrus qui se dirigea vers lui en vitesse.
— Non, ne vous énervez pas ! Vous êtes en sécurité ici !
La silhouette se rapprocha pour poser ses mains sur les épaules du blessé dont les yeux commençaient à s’accommoder, et il reconnut la fille ligotée dans la chambre froide, la même qui l’avait mis en voiture. La gorge sèche et la voix rauque, il parvint néanmoins à articuler.
— Eau.
— Bien sûr.
La jeune femme se retourna pour saisir un pichet et un verre qu’elle remplit pour le lui tendre. Chris s’en saisit pour le boire d’une traite, avant d’essayer de s’assoir. Souriante, la jeune femme l’aida à se redresser en plaçant un autre coussin dans son dos.
— Ca va aller ?
Le blessé opina du chef avant de murmurer un remerciement.
— Pas de quoi. Vu ce qui m’attendait, c’est plutôt à moi de vous dire merci je crois… Je me suis occupée de vous soigner comme je pouvais… L’école d’infirmière prépare pas vraiment à ce genre de choses… J’ai recousu un boyau sectionné, évacué les potentielles sources d’infection pour éviter la septicémie, et recousu les muscles et la peau. Vous aviez perdu beaucoup de sang, votre frigo est bientôt vide… Au début, je me disais, quel genre de mec a un frigo rempli de poches de sang chez lui à part un vampire ? Et puis j’ai vu les cicatrices sur votre corps et j’ai compris… C’est fou de risquer sa vie comme ça… Mais merci encore une fois… Je crois que mon esprit ne se serait jamais remis de ce qu’ils allaient me faire.
— C’est le but de ce traitement…
La jeune femme se retourna, surprise.
— Je vous demande pardon ?
— C’est le but de ce traitement… Briser ta volonté, te changer en morceau de viande bien docile… Écoutes, merci pour les soins, mais tu dois partir… A mes côtés, tu es plus en danger que si tu retournais dans la chambre froide.
La jeune femme explosa de rire avant de le dévisager.
— Pourquoi, vous avez prévu de faire venir une vingtaine de mec pour me violer ? La mort reste préférable à ce traitement de toute façon. Quant à vous, je crois que vous avez besoin de quelqu’un capable de vous venir en aide au besoin…
Se relevant tant bien que mal, Chris tituba légèrement avant de répondre.
— Je m’en sors très bien tout seul…
— Et les cicatrices dégueulasses sur votre corps le confirment. Au fait, pour info, je m’appelle Nancy, et vous avez été inconscient pendant presque trois jours. Sérieusement, qu’est-ce que ça vous coute ? Et vu les sacs de frics que j’ai vus, je vous pose littéralement la question. Si vraiment vous avez plusieurs emplacements comme ceci, il faut juste me prévoir un petit truc en plus pour dormir, et de quoi vous soigner au besoin. Je pourrais même vous conduire, vous faire à manger et laver votre linge, en plus de vous soigner.
Chris Fronça les sourcils.
— Passons sur la première question qui est « Pourquoi ferais-je ça ? », et penchons-nous sur la plus intéressante, « Pourquoi veux-tu faire ça ? ».
De retour dans la partie cuisine, Nancy soupira un grand coup.
— Pour commencer, pour me venger. Et enfin pour s’assurer qu’aucune autre femme subira ça.
Chris l’imita en soupirant à son tour.
— A trop tuer on perd son âme. Laisse-moi le soin de buter ces connards et vas vivre ta vie…
La jeune femme reposa sa poêle à frire avec énergie.
— Vivre ma vie ? Ils l’ont détruite, ma vie ! Quand, treize jours plus tôt, un apollon m’a drogué en boite de nuit avant de me vendre à ces fils de putes ! Alors je peux vivre ma vie comme je l’entend, en essayant de dégommer ces salopards, comme vous le faites, mais je n’ai ni vos ressources ni votre savoir-faire. Ou à l’inverse, je peux vous aider, ne serait-ce qu’en vous soulageant d’une certaine logistique et en vous soignant au besoin. Surtout qu’en voyant vos cicatrices, vous ne savez visiblement ni prendre soin de vous ni vous recoudre. Alors ?
Le blessé la regarda, le visage neutre et le regard froid, avant de répondre.
— Deal.
Nancy cria de joie avant de reprendre sa poêle et de venir la vider dans une assiette qu’elle tandis à son hôte.
— Œufs brouillés ! Bon appétit !
Comme en faisant appel à un vieux souvenir, Chris se rappela qu’il devait la remercier et s’exécuta, avant de prendre la fourchette et de se servir. Une fois l’aliment dans sa bouche, il en savoura le gout délicieux quelques secondes avant d’avaler sous le regard joyeux de la jeune femme.
— Alors ?
Levant lentement les yeux, il répondit de son ton monocorde.
— C’est délicieux, merci.
— Oh, je n’ai pas de mérite. Vous mangez visiblement toujours des boites… Froides… Vous deviez avoir oublié jusqu’à la définition même du mot confort.
Haussant les épaules, Chris répondit.
— J’ai mon lit de camp…
Nancy fronça les sourcils.
— C’est bien ce que je pensais… Bien, nous y remédierons.
— Hey. On va pas s’amuser à se faire un nid douillet, je ne suis pas là pour ça.
— Non, mais avec un vrai matelas, au minimum, vous récupérerez mieux. Vous voulez rester efficace ? Donnez-vous-en les moyens. Et cessez de me fusiller du regard, ça ne changera rien ! Je me doute qu’on ne commandera rien par internet, aussi quand vous serez lavé et habillé, on ira acheter deux matelas. Allez, mangez, dépêchez-vous.
Chris se vouta avant de relever la tête.
— Et où son mes vêtements ?
La jeune femme le regarda avec surprise.
— Vous ne savez pas où vous rangez vos affaires ?
— Je n’avais que ce que je portais quand je suis intervenu. Donc, où sont mes affaires. ?
Nancy se pinça les lèvres avant de répondre.
— Bien, bah le temps que vous finissiez votre repas et que vous vous laviez je vais aller faire quelques achats.
Devant le regard désabusé du blessé, elle ajouta.
— Ne vous en faites pas, votre gilet pare-balles, vos armes et leurs étuis sont en sécurité, je n’ai touché à rien. Je ne sais même pas comment ça se nettoie. Allez, à tout à l’heure.
La jeune femme enfila un manteau, et ce fut à ce moment que Chris réalisa qu’elle n’avait plus les vêtements qu’elle portait quand il l’avait sauvé.
— Tu as acheté ça quand ?
Regardant ses affaires, elle répondit.
— Oh ! Pendant vos premières vingt-quatre heures de coma. J’ai payé en espèces, rassurez-vous. Mais je ne pouvais pas restée habillée comme une pute couverte de sang pour aller chercher de quoi m’occuper de vous.
— Bien… Dépêches-toi.
— Oui Chef !
Nancy claqua la porte derrière elle tandis que Chris finissait son assiette en soupirant. Changer son mode de fonctionnement ne lui plaisait pas, mais il savait qu’elle pourrait lui être utile. Se relevant tant bien que mal, il fit tomber et les draps et réalisa qu’il était entièrement nu, avant de pousser un long soupire, puis se dirigea vers la salle de bain pour se faire couler une douche brulante.
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