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Une demi-heure plus tard, Chris avait rangé les vêtements nouvellement acquis pour ensuite faire face à la jeune femme toujours souriante qui brandit sous son nez la tondeuse électrique. Et alors que Chris soupirait, elle s’extasia.
— Allez allez, soldat, on se dépêche de passer à la tonte réglementaire !
Résigné, il alla s’assoir sur un tabouret et Nancy alluma la machine.
— Je vous le fais sans sabot. Quelque chose me dit que c’est ce qui vous ira le mieux.
— M’en fous, je ne suis pas là pour faire beau. Fais ce que tu as à faire, et fais-le en silence.
Nancy râla envers son amabilité mais s’exécuta, et quelques minutes plus tard un amas de cheveux et de barbe jonchait le sol.
— Je vous ai pris un rasoir et du gel à raser, hein. Vous allez pouvoir finaliser votre visage…
Chris la fusilla du regard, mais celui de sa nouvelle coéquipière le dissuada de répondre, et il se rendit dans la salle de bain terminer le travail entamé. Quand il en sortit quelques minutes plus tard, Nancy le dévisagea avec tristesse. L’homme torse nu face à elle n’avait pas que le corps qui était parcouru de cicatrices, le visage était marqué aussi et attestait d’une pommette ouverte et d’une mâchoire inférieure brisée, à minima.
— Et bien, vous n’avez pas dû être à la fête tous les jours…
— Comparé à ce que tu me fais subir aujourd’hui, c’était de la rigolade.
En silence, il s’assit sur un tabouret face au plan de travail du coin cuisine et déplia un ordinateur portable sur lequel il se mit à pianoter. Intriguée, Nancy vint se glisser derrière lui.
— Qu’est-ce que vous faites ?
Sans un regard pour la jeune femme, Chris répondit de son habituel ton monocorde.
— Tu dis que j’ai été inconscient trois jours, ce qui signifie que ce soir le Cartel inaugure une boite de nuit. Outre le fait que cet endroit sera sans aucun doute un lieu de blanchiment d’argent et possiblement de revente de drogue et de capture de femmes comme tu en as été victime, il y a fort à parier que Juan Carlos, le nouveau chef du Cartel en France depuis que j’ai tué son frère en te sauvant, soit présent. Il aime les lieux festifs. Un peu trop pour sa sécurité.
— Et donc vous voulez infiltrer les lieux pour le tuer ?
Chris opina du chef.
— Et un maximum de ses hommes au passage. Et peut-être mettre le feu au bâtiment aussi.
Regardant l’heure a son poignet, Nancy ajouta.
— Il n’est que dix heures, ça nous laisse le temps d’élaborer un plan.
Chris se redressa immédiatement.
— Nous ?
Il se tourna lentement vers la jeune femme qu’il trouva avec un large sourire au visage.
— Bien sûr, nous. Outre le fait que les boites de nuit refusent majoritairement les hommes seuls et que la sécurité devrait être extrêmement renforcée après vos exploits de l’autre jour, entrer comme un client resterait très risqué parce que même rasé du sommet du crane à la pointe du menton, vous restez reconnaissable.
Chris fronça les sourcils de mécontentement, ce qui fit rire la jeune femme.
— Vous n’aviez pas pensé à tout ça et vous apprêtiez à vous jeter dans la gueule du loup, pas vrai ?
La fusillant du regard, il répondit.
— Je commence déjà à te détester.
— Mais non… Vous voulez écouter mon plan ?
— Ai-je le choix ?
— Bonne réponse ! Allez, regardez !
Faisant pivoter le tabouret face à l’écran, elle s’assit sur les genoux du combattant avant de lancer un nouvel onglet sur Google en expliquant.
— J’ai un compte sur Night-Club.fr, et j’y suis VIP, ce qui veut dire que j’ai des invitations pour les inaugurations.
Naviguant à grande vitesse sur son site, elle clama bientôt.
— Voilà ! J’ai bien fais de ne pas dépenser mes points fidélité ! Les places n’étaient pas données !
— Je croyais que c’était des invitations…
— Oui, ils ont le culot d’appeler ça comme ça, en effet, mais dans la vie rien n’est gratuit.
Appuyant sur quelques touches de plus, elle lança l’impression des billets avant de se relever.
— Bien, vous savez ce que ça signifie ?
Devant le sourire radieux de la jeune femme, Chris se mit à craindre le pire.
— Annonces-moi une mauvaise nouvelle…
— Nous n’avons pas de tenues pour aller dans un club de cette qualité, alors il va falloir faire du shopping !
Chris soupira tandis que Nancy se déplaçait vers la salle de bain.
— Je me lave et on y va. Au fait, ne vous embêtez pas à me remercier pour tout ça, hein…
— Je te hais…
— J’ai entendu !
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