8

7 minutes de lecture

                Chris arrêta la voiture de nombreuses rues plus loin dans une ruelle sombre avant de sortir du véhicule et d’en ouvrir le capot d’où il sortit un sac de sport noir tandis que Nancy baissait sa vitre.

— Vous faites quoi ?

                Le tueur prit quelque chose dans le sac avant d’apporter le contenant à sa passagère.

— Change-toi, on va continuer à pied.

                La femme le regarda, dubitative, avant d’examiner l’intérieur du sac et d’en sortir un jean, un débardeur, une veste et des baskets.

— Vous êtes sérieux ? On va abandonner la voiture ?

                Torse nu, Chris déboutonnait son pantalon sans la quitter des yeux.

— Bien entendu.

— Mais c’est une location…

— Sous une fausse identité.

— Mais et la caution ?

                En boxer au milieu de la rue, l’homme haussa un sourcil.

— Tu crois que je vais prêter attention à cinq mille euros ?

                Se rappelant tout l’argent liquide qu’elle avait trouvé dans l’appartement, Nancy se mordit la lèvre inférieure avant de soupirer et de commencer à retirer sa robe avant de s’arrêter.

— Vous pouvez vous retourner, s’il vous plaît ?

                Chris resta impassible, mais pivota sur lui-même avant de se pencher pour ramasser son pantalon cargo, et Nancy contempla la scène quelques secondes avant de soupirer et de se changer à son tour. Une dizaine de minutes plus tard, elle quitta le véhicule en fermant sa veste avant de demander.

— Et la voiture, on en fait quoi ?

                Se penchant dans le coffre avant de la voiture, Chris sortit deux chiffons et une bouteille de détergent avant de tendre un des morceaux de tissu à sa comparse.

— Tu imbibes et tu frottes tout ce que tu peux avoir touché. On efface nos traces.

— Et ensuite ?

                Un sourire prédateur apparut sur le visage du combattant quand il répondit.

— J’ai un jerrican d’un litre d’essence et quatre cents grammes de C4. Il ne restera plus grand-chose à analyser.

                Nancy dut se retenir de crier.

— Vous allez la faire exploser ? Une voiture aussi chère ?

                Chris la regarda, se demandant si elle rigolait ou non, avant de répondre.

— Bien sûr. Je ne laisse jamais de traces. L’assurance remboursera le loueur. Allez, frotte.

                Il ouvrit la portière et commença son nettoyage alors que la jeune femme soupirait avant de se mettre à la tâche à son tour. Une vingtaine de minutes plus tard, ils se redressèrent tous deux en rangeant leurs chiffons dans leurs pantalons, et tandis que Chris sortait le jerrican d’essence et le pain de C4, Nancy passait le sac de sport à son épaule.

— Il pèse un certain poids, dites… Qu’est-ce qu’il y a dedans ?

                D’un ton toujours aussi neutre, Chris répondit en vidant le jerrican dans la voiture.

— Des armes.

                Nancy haussa un sourcil, se demandant comment elle avait pu s’attendre à une autre réponse, avant de s’éloigner du véhicule aux côtés de Chris qui lui reprit le sac pour fouiller dedans et en sortir une petite télécommande.

— Dites, si vous la faites exploser, et alors que vous l’avez déjà nettoyée, pourquoi en plus la faire brûler ?

— Pour être certain de ne pas avoir laissé un poil, un cheveu ou un fragment de peau.

                L’infirmière regarda la tête de son coéquipier avant de demander.

— Un cheveu ? Avec votre crâne rasé ?

                Chris la regarda avec intensité avant de lui poser une question.

— Toi, de quelle longueur sont tes cheveux ?

                La jeune femme ouvrit la bouche quelques secondes avant de murmurer.

— Je n’y avais pas pensé, pardon…

— Pas de soucis. Tu avais dit que tu voulais apprendre, alors mémorise les informations que je te donne. Maintenant, couvre tes oreilles.

                Nancy l’observa en fronçant les sourcils avant d’obéir en vitesse tandis qu’il brandissait le détonateur dont il écrasa l’unique bouton du pouce. Une puissante explosion déchira alors le silence de la nuit et la carrosserie de la voiture qui prit instantanément feu alors que la jeune femme reculait d’un pas sous la puissance du souffle tout en retenant un cri de frayeur, et qu’ici et là dans le quartier des lumières s’allumaient. Toujours neutre et calme, Chris reprit.

— Maintenant, il faut qu’on parte. Viens.

                Il s’en alla calmement, suivi de près par sa comparse perturbée par le calme olympien dont il faisait preuve.

— On ne devrait pas courir ?

— La caserne de pompiers la plus proche est à trois kilomètres. Le temps que les gens appellent, qu’ils se mettent en route et arrivent, nous avons une dizaine de minutes devant nous. On est larges.

— Ah ? D’accord.

                Chris fouilla dans le sac et en sortit Un P228 équipé d’un pointeur laser qu’il glissa sous sa veste dans un holster sous son aisselle gauche, avant d’y adjoindre deux chargeurs supplémentaires puis de rouler le sac de sport en boule avant de reprendre.

— J’ai étudié où abandonner la voiture pour que les secours n’arrivent pas trop vite et ne risquent pas de nous croiser. Le commissariat le plus proche est plus loin encore, et dans notre dos qui plus est. Repérer les lieux et les points de repli sont des éléments importants dans l’accomplissement d’une mission. Quant à mon arme. Il faut toujours se tenir prêt à tout. De fait, demain, je commence ta formation.

                Nancy l’observa avec étonnement.

— Ma formation ?

— Oui. Si tu ne sais pas manier une arme et te battre, tu seras un poids mort. Tu veux vraiment m’aider ?

— Oui !

— Alors tu dois être en mesure de te battre. Fin du débat.

— D’accord…

                Ils parcoururent encore de nombreux mètres avant d’entendre une sirène de véhicule de pompiers, et eurent le temps de changer de rue plusieurs fois avant de voir les lumières des gyrophares au loin. Ils marchèrent une heure de plus avant que Chris se débarrasse de son sac dans une benne à ordure puis s’arrête quelques instants en observant la jeune femme à ses côtés. Celle-ci avait les joues rouges et le souffle court, mais suivait le rythme malgré tout. Esquissant un erzatse de sourire, le combattant posa une main sur son épaule.

— Tu veux souffler ?

                Pliée en deux, Nancy redressa la tête, révélant un visage en sueur sur le front duquel se collaient quelques mèches de cheveux, avant de l’observer en fronçant les sourcils.

— Vous me testez, et si je réponds oui, vous allez me dire que ce n’est pas possible, pas vrai ?

                Chris secoua négativement la tête avant de répondre.

— Ton endurance viendra petit à petit, mais pour ce soir, c’est déjà pas mal. Tu as soif ou faim ?

                Les yeux de la jeune femme s’illuminèrent, et Chris l’entraîna à sa suite vers un kebab encore ouvert dont il franchit la porte avant de s’immobiliser, tandis que derrière lui, Nancy se mettait sur la pointe des pieds pour essayer de voir par-dessus son épaule.

— Un problème, Chris ?

— Oui.

                Face à lui, quatre hommes caucasiens musclés et coiffés en brosse le dévisagèrent avant de se lever de leur table, quand le plus grand des quatre prit la parole avec un fort accent russe.

— Chris Evian ? T’es pas mort ? On va y remédier !

                Chris dégaina son pistolet en bondissant en arrière, jetant Nancy au sol sous son impulsion, tandis que les colosses sortaient des pistolets mitrailleurs, mais il fut plus rapide qu’eux et put tirer trois cartouches avant de toucher le sol, abattant deux des quatre gorilles avant que les rafales de calibre 9 mm déchirent la devanture du restaurant. Chris roula sur lui-même en prenant Nancy dans ses bras pour l’entraîner avec lui avant de se relever.

— Désolé pour la pause, mais elle vient de tomber à l’eau.

— Ça, j’avais compris… Je présume qu’on doit prendre la fuite ?

                Une sirène propre aux forces de l’ordre s’éleva dans la nuit tandis que Chris relevait la tête avant de regarder la jeune femme.

— Tu te sens capable de courir ?

— Oui.

— Parfait !

                Il sortit une grenade de la poche de sa veste et la dégoupilla avant de la lancer dans le restaurant puis de partir en courant aux côtés de son équipière, tâchant de mettre le plus de distance entre eux et l’engin explosif, quand sept secondes plus tard celui-ci explosa en arrachant un cri de peur à Nancy. Lui saisissant le poignet, Chris ne ralentit pas et la tira derrière lui.

— On ne peut pas ralentir avant deux rues, ensuite on bifurquera à droite et on prendra le métro.

                Ils coururent ainsi jusqu’à leur destination avant de s’immobiliser, et Nancy, haletante, demanda en essayant de reprendre son souffle.

— Fallait vraiment tout faire exploser ?

— Oui. Ils avaient vu ton visage. Ton anonymat est un avantage pour nous, et tant qu’ils ne connaissent pas ton existence, ça t’offre une plus grande liberté de mouvements et d’action tout en t’offrant une relative sécurité.

                Nancy le dévisagea avec une certaine gratitude avant de se redresser, encore essoufflée, mais ragaillardie.

— Je suis prête à courir à nouveau.

                Sans un regard pour elle, Chris lui tendit un bout de carton.

— Ça tombe bien, on va prendre le métro. C’est le plan B. Les Russes ne vont pas tarder à sillonner les rues, et je n’aimerais pas qu’on les croise alors que je n’ai pas plus d’armes que mon pistolet.

                L’apprentie se saisit du ticket en souriant, heureuse de pouvoir s’économiser un peu, puis Chris ajouta.

— On va changer de planque un jour ou deux. On quitte Paris et on va dans le Val-de-Marne, j’ai un studio là-bas…

                Nancy l’observa quelques secondes avant de parler.

— Ça n’a pas l’air de vous faire plaisir…

                Chris se tourna vers elle avant de marmonner.

— Il n’y a qu’un seul matelas là-bas, ce qui signifie que je vais dormir par terre… Et le sol, c’est du carrelage…

                Nancy rigola de bon cœur avant de s’avancer vers le tourniquet et de valider son ticket.

— Bon, vous venez.

                Chris la regarda quelques secondes avant de la suivre. Ils attendirent une poignée de secondes sur le quai puis montèrent dans le dernier métro pour en descendre une fois arrivés à Vincennes, aux pieds du château. De là, ils marchèrent une demi-heure avant d’arriver à un immeuble banal dans lequel ils rentrèrent avant de monter au troisième et dernier étage pour arriver enfin à leur planque. Chris sortit des draps pour Nancy avant de se saisir d’un sac de couchage et de s’allonger sur le sol tandis que l’infirmière faisait son lit. Quand elle eut fini, elle éteignit la lumière, et Chris prit la parole.

— Demain, on déménage plus loin, dans ma planque la plus grande. Repose-toi bien.

— Bien. Bonne nuit à vous aussi, Chris.

                Il ne répondit pas, mais se tourna vers elle, pour la voir déjà endormie. Sortant son pistolet de son sac de couchage, il murmura enfin.

— Dors bien, tu l’as bien mérité.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sebastien CARRÉ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0