12
— J’ai l’air d’une pute à cinq euros…
— Mais non… Allez gamine, sors de là.
La moto s’était arrêtée au fond d’une zone industrielle devant un garage dont la devanture en néon affichait en gros « MotorHearth Workshop » et le binôme y était rentré avant que Chris demande à la caissière chargée de l’accueil de les conduire à la partie vestimentaire de la boutique. Quand celle-ci quitta le comptoir auquel elle était accoudée en mâchant du bubble-gum la bouche grande ouverte, Nancy crue défaillir en voyant sa tenue.
Un débardeur trop petit pour casquer son soutien-gorge, un short ridicule qui lui rentrait dans les fesses avec la ficelle de son string qui dépassait, des basses résilles et des cuissardes noires aux talons extrêmement longs et pointus, tandis que son déhanché était suffisamment prononcé pour lui donner le mal de mer. Elle suivit néanmoins la femme sans rien dire jusqu’à arriver dans une zone de l’entrepôt d’environ vingt-cinq mètres carrés avec des présentoirs mal agencés débordants de vêtements de tous les côtés.
La vendeuse la regarda de bas en haut comme si elle jaugeait du travail qu’elle allait devoir fournir, et Nancy eut subitement envie de prendre l’arme de Chris pour l’abattre froidement tandis que celui-ci lui expliquait qu’il fallait intégralement l’habiller et prévoir assez de vêtements pour une semaine. Sans demander son avis à la cliente, la professionnelle commença à fouiller dans les présentoirs pour en sortir tout un lot de morceaux de tissus tandis que Chris poussait Nancy dans la cabine.
Cinq minutes plus tard et après avoir de nombreuses fois signifié son désaccord, Nancy ouvrit le rideau de la cabine pour révéler sa tenue, un masque de colère sur le visage.
— Je te jure que si tu rigoles, ou même simplement si tu souris, je t’enfonce mes talons dans la gorge jusqu’à ce que tu puisses les chier sans avoir besoin de pousser, c’est clair ?
Chris haussa un sourcil dubitatif avant de regarder la jeune femme avec attention. Elle portait un bustier en similicuir dans les porte-jarretelles passaient sous un short en jeans s’arrêtant sous les fesse et maintenaient des bas résille tandis qu’elle était chaussée de bottes plateformes aux semelles hautes de cinq centimètres et aux talons longs de vingt. La vendeuse s’approcha d’elle avant de faire éclater sa bulle de gomme à mâcher tout en commentant de son ton las.
— Bah, je trouve que pour une pute, vous méritez un peu plus que cinq euros. Disons dix.
Chris se mordit les lèvres pour éviter de rire tandis que Nancy le fusillait du regard alors que la vendeuse lui tendait d’autres affaires.
— Tenez, essayez cette jupe. Je pense qu’elle va mettre vos jambes en valeur.
Nancy prit les vêtements avant de porter la jupe devant ses yeux en marmonnant.
— Moi, j’appelle ça une ceinture, pas une jupe…
Quarante-cinq minutes plus tard, Nancy remplissait un sac marin en grognant tandis que Chris payait la note quand la caissière reprit la parole.
— Franchement, votre bourgeoise, elle ne sait pas la chance qu’elle a. Moi, j’adorerais que mon jules me paie pour cinq cents balles de fringues. D’autant plus qu’elle est bien carrossée, avec ses belles gambettes et son cul bien ferme. Perso, ch’rais un mec, j’crachrais pas d’ssus, mais j’crachrais bien d’dans.
Nancy ouvrit de grands yeux choqués tandis que Chris se retenait de rire une fois de plus avant de remercier la vendeuse et d’entraîner sa comparse à sa suite. Une fois arrivés à la moto, il connecta un petit dispositif sur leurs casques avant de tendre le sien à Nancy.
— Tiens.
— Tu as mis quoi ?
— Un micro et une oreillette, pour qu’on puisse se parler pendant qu’on roule sans avoir à hurler comme des sourds.
— Merci.
Elle se saisit du casque avant de lui mettre un coup de poing dans le ventre, mais si Chris ne réagit pas au choc, la jeune femme se tint immédiatement la main.
— Pourquoi tu as fait ça ?
— Parce que tu m’as torturé avec l’autre salope ! Mais bordel, t’es fait en quelle matière ? Du béton armé ?
Chris regarda son ventre avant de fixer de nouveau Nancy.
— Ça me rendrait à l’épreuve des balles, ce serait pratique.
Sans un mot de plus, il enfourcha la moto avant de la démarrer sous le regard mauvais de Nancy, puis celle-ci passa tour à tour le sac sur son dos et son casque sur la tête avant de s’installer derrière Chris qui se mit en route dans la foulée. Ils roulaient depuis une vingtaine de minutes quand il brisa le silence.
— En tout cas, je te félicite d’avoir accepté si facilement de jouer le jeu, même si j’ai bien conscience que ce rôle et cet accoutrement doivent être dégradants à tes yeux.
Nancy grogna, et Chris hésita avant de reprendre.
— Et puis sincèrement… C’est vrai que ça te va plutôt bien… Et que ça met ton corps en valeur…
La passagère se redressa quelques instants, essayant de deviner si le chauffeur lui passait de la pommade ou s’il lui faisait un vrai compliment, puis choisit de croire à la deuxième hypothèse avant de se blottir contre son dos. Quand ils arrivèrent enfin, Chris gara la moto dans le garage de la maison avant d’ouvrir une immense armoire sous le regard inquisiteur de Nancy.
— Tu fais quoi ?
Sortant des objets noirs, Chris répondit, laconique.
— Je vais attacher des sacoches pour t’éviter de porter un sac trop lourd pendant le trajet. Une au-dessus des pots d’échappement de chaque côté, une sur le garde-boue arrière et la plus petite sur les guidons. Tu auras toujours le sac marin, mais il sera un peu plus vide, ce qui nous permettra d’emporter un peu d’armement.
Nancy croisa les bras en réfléchissant quelques secondes avant de lancer.
— Je veux une arme.
Le combattant se redressa quelques secondes avant de se retourner vers sa coéquipière, et alors qu’il allait répondre, elle le devança.
— Primo, je suis prête à parier que là-bas plein de femmes sont armées. Secundo, ça peut s’avérer utile si tout dégénère. Je ne ferais peut-être pas mouche, mais je pourrais les obliger à rester cachés. Tertio, je sais que je n’ai encore jamais tiré et que je ne sais même pas comment ça marche, mais tu peux au moins m’expliquer la théorie et m’enseigner les rudiments avant qu’on parte. Ça ne peut être qu’une bonne idée.
Chris fronça les sourcils pendant qu’il réfléchissait à cette hypothèse, puis il se releva lentement sans quitter la jeune femme des yeux en restant interdit. Après quelques secondes, Nancy soupira, persuadée d’essuyer un refus, et s’apprêtait à partir quand il répondit enfin.
— D’accord.
La jeune femme stoppa son demi-tour pour regarder son mentor.
— Vraiment ?
— Oui. Un pistolet automatique et un couteau. Mais attention, pas d’action inconsidérée, compris ? J’ai besoin d’une coéquipière, pas d’une risque-tout.
Nancy fit une parodie de salut militaire.
— Chef, oui Chef !
Souriante, elle quitta le garage pour rentrer dans la maison avant de se rendre à sa chambre et vider son sac sur son lit pendant que Chris installait les sacoches. Une vingtaine de minutes plus tard, il referma la porte de la maison derrière lui en criant.
— J’ai fini, et toi ?
— Je suis dans la chambre, tu peux venir ?
— Oui, qu’est-ce qu’il… Waouh…
Chris venait d’entrer dans la pièce pour se retrouver face à Nancy vêtu d’un soutien-gorge en similicuir et de la micro jupe assortie de laquelle dépassait un string rouge, de bas résille déchirés et de cuissardes à talons aiguilles, un bandana rouge noué dans les cheveux, des mitaines en cuir aux mains, son alliance à la main gauche et une grosse bague à l’effigie d’un démon cornu sur la droite, et enfin une grosse chaîne en en plaqué or autour du cou. Le motard balbutia quelques instants avant de réussir à articuler.
— la vache… Ça laisse peu de place à l’imagination.
Nancy regarda sa tenue avant de demander.
— Ça ne convient pas ? Ou ça ne te plaît pas ?
— Ah si, c’est parfait… Et ça te va très bien…
— Ça me va bien de ressembler à une pute ?
Chris blêmit avant d’essayer de se rattraper, et alors qu’il se confondait en explications et excuses lamentables, la jeune femme se mit à rire.
— Je te charrie ! Bon, par contre, je te préviens, les faux ongles, faux cils, faux tatouages, faux piercings et faux tout ce que tu veux, ça attendra demain matin avant qu’on quitte l’hôtel. Je veux bien essayer de m’habituer à l’inconfort de ces… Bouts de tissu, mais je ne vais pas me torturer inutilement non plus, d’accord ? Je ne suis pas masochiste.
Chris acquiesça après avoir dégluti difficilement et Nancy reprit.
— Alors, le pistogun, comment ça marche ?
Chris inspira un grand coup pour reprendre ses esprits avant de sortir l’arme qu’il avait sous l’aisselle gauche tandis que son apprentie s’approchait de lui en se tortillant sur ses talons. Quand elle fut à ses côtés, il commença ses explications afin de lui apprendre comment engager et retirer un chargeur, armer le pistolet et retirer la sécurité, prendre une visée et tirer le plus justement possible. Quand il en eut fini avec la théorie, il tendit l’arme à la jeune femme.
— À toi, vas-y.
Nancy prit le SIG-Sauer P228 calibre 9mm équipé d’un pointeur laser et le soupesa quelques secondes avant de regarder Chris.
— Ça pèse combien ? Un petit kilo ?
— Avec le pointeur et le chargeur graillé, tu es sur approximativement huit cents grammes.
— OK. Alors, allons-y.
Elle commença à manipuler l’arme pour répéter les gestes que Chris lui avait montrés et celui-ci lui fit répéter l’exercice une dizaine de fois pour être sûr qu’elle les avait bien assimilés. Quand il fut satisfait du résultat, il l’entraîna vers une armoire blindée dans le salon qu’il ouvrit en laissant la jeune femme sans voix tandis que face à elle se présentait une flopée d’armes allant de la mitrailleuse lourde au petit pistolet.
— Mince, c’est toute une armurerie…
— Oui. Choisis-toi un flingue. Pistolet ou revolver, comme tu veux, c’est ton cadeau de Noël en avance.
Nancy le regarda avec étonnement avant de sourire et de reporter son attention sur les armes. Elle tendit la main et la laissa courir sur les crosses de nombreuses fois avant de se saisir d’un pistolet et de faire quelques mouvements avec puis de le reposer, visiblement insatisfaite. Elle réitéra l’opération par trois fois avant d’en choisir un qu’elle montra triomphalement à Chris.
— Celui-là !
— Ah… Le Beretta 93R*, très bon choix. Un peu lourd, mais les rafales de trois coups peuvent être utiles pour une débutante. Le recul va te surprendre un peu et il faut de l’entraînement pour bien le maîtriser, mais les rafales peuvent t’aider à toucher ta cible malgré une mauvaise prise de visée.
Nancy sourit de satisfaction avant de demander.
— Et comme étui ?
— Je t’en prendrais plusieurs. Un à l’aisselle, un dans le dos, et un en jarretière, ça te va ?
— Parfait. Et le couteau ?
Chris sortit un couteau à cran d’arrêt de sa poche pour le lui tendre.
— Dans ta cuissarde, tu utilises le clip du manche pour l’y accrocher.
— Merci ! Allez maintenant, à ton tour d’aller t’habiller.
Le combattant sourit avant de retirer son holster et son tee-shirt devant la jeune femme qui baissa immédiatement la tête, puis il récupéra le blouson en cuir posé sur la chaise et l’enfila ainsi que des mitaines.
— C’est fait.
Il accrocha un holster à l’arrière de sa ceinture et y mit son arme et les deux chargeurs avant de se reculer de quelques pas pour que Nancy le regarde. Elle réalisa alors qu’il avait enfilé un pantalon et des bottes en cuir et fronça les sourcils.
— Pourquoi la botte droite est plus large que la gauche ?
Souriant, Chris glissa la main dans la botte remontant à mi-mollet et en sortie un couteau de chasse.
— Oh… Le mien paraît tout petit à côté…
— Ce n’est pas la taille qui compte, gamine, mais la façon de s’en servir.
Nancy haussa un sourcil sceptique avant de répondre.
— C’est bien une phrase de mec, ça. Et si, la taille, ça compte !
Chris entrouvrit la bouche de surprise tandis qu’elle repartait vers la chambre.
— Viens donc m’aider à préparer nos affaires au lieu de bayer aux corneilles.
Chris reprit contact avec la réalité et alla la rejoindre en silence. Moins d’une demi-heure plus tard, les sacoches et le sac marin étaient remplis et les motards s’apprêtaient la route quand Nancy testa le micro. Une fois sûre que Chris l’entendait bien, elle prit la parole.
— Tu n’as pas intérêt à te louper. Si on tombe, j’y laisse littéralement ma peau.
Posant ses mains sur les cuisses de la jeune femme pour bien la plaquer contre lui, le conducteur rétorqua.
— Je n’ai jamais eu d’accident. Maintenant, colle-toi bien à moi.
La passagère masqua le trouble que ces contacts provoquèrent en elle et s’accrocha fermement au pilote.
— C’est bon, je suis prête.
Sans un mot de plus, Chris engagea sa moto dans la rue avant de prendre de la vitesse jusqu’à atteindre l’autoroute et pouvoir enfin accélérer autant qu’il le souhaitait tout en zigzaguant entre les voitures, amusé de sentir sa passagère l’agripper fermement à chaque dépassement.
Le Beretta 93R (R pour Raffica : rafales) est la version automatique du Beretta 92, tirant par rafales de 3 coups. C’est l’héritier du Beretta M951R. 1129 grammes à vide, 240 mm de long, chargeur 20 coups
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