Ils quittèrent la chambre le lendemain pour enfourcher la moto et repartir sur les routes pendant quelques heures avant de quitter l’autoroute pour s’engager sur une succession de routes départementales les emmenant vers leur objectif. Quand ils arrivèrent sur place et que Nancy découvrit la concentration de motos customisées et d’hommes et de femmes vêtus de cuir, Nancy murmura dans son micro.

                — Mince, autant de cuir au même endroit, ça fait très BDSM…

                Chris sourit intérieurement avant de répondre.

— Je comprends que tu sois surprise, gamine, mais n’oublies pas que Stella, elle, est une habituée de cet univers. Alors, fais attention à tes réactions, d’accord ?

— Oui Chris.

                Celui-ci redémarra avant d’aller garer sa moto dans la zone de stationnement. Tandis qu’ils en descendaient, un homme vêtu d’un simple pantalon en cuir et d’une chaine de moto autour du cou s’avança en beuglant.

— Putain, sacré carénage, mec !

                Nancy haussa un sourcil en dévisageant Chris avant de poser une main sur les hanches et de prendre une pose vulgaire.

— Merci.

                L’homme la dévisagea avant de sourire.

— Je parle de la moto. Mais t’es pas mal non plus.

                Chris sourit intérieurement avant de demander.

— Sais-tu où je peux trouver Archibald Lecter, des Heart’Eaters ? Je voudrais présenter mes hommages au Roi des Bikers.

                L’homme fronça les sourcils quelques instants.

— Y a pas grand monde qui sait qu’il est le roi, il est pas du genre à s’en vanter.

— Oui, mais je suis un vieux de la vieille.

— Et t’es de quel gang ?

— Aucun. Je suis un loup solitaire. Alors ?

                L’homme pinça les lèvres quelques secondes avant d’acquiescer.

— Suivez-moi.

                Il se mit en route tandis Chris et Nancy échangeaient un regard complice avant de lui emboîter le pas, fendant la foule en se tenant par les hanches pour conserver leur couverture, jusqu’à arriver à un grand chapiteau à l’extrême opposé du site du rassemblement. L’homme s’arrêta là et se retourna vers eux.

— Bah, voilà. Je lui ai déjà présenté mes respects, du coup je vous accompagne pas… Ce type me fout les j’tons… À plus.

                Il s’en alla en passant à leurs côtés, en profitant pour mettre une claque sur les fesses de Nancy qui se redressa sur le coup tout en se retenant de lui décocher un coup en retour. Quand il fut parti, Chris se tourna vers elle.

— Tu sais, tout le monde comprendrait que tu le cognes. Ici, les femmes sont aussi… Rustres que les hommes.

— J’en prends bonne note.

                Elle allait se remettre en route quand il la saisit par l’épaule.

— Attends. En revanche, évite de le faire avec Archibald… C’est un vrai sociopathe…

— Ah… J’en prends note aussi…

— Rassure-toi, en théorie, il ne te touchera pas.

                Nancy acquiesça et ils pénétrèrent dans le chapiteau à l’atmosphère étouffante et enfumée aux relents de cannabis et de bière éventée. Nancy fronça les sourcils quelques secondes, se retenant de tousser tandis que ses yeux commençaient à la piquer. Après un temps d’adaptation, Chris l’emmena à sa suite, et la jeune femme découvrit mieux l’environnement. Une dizaine d’hommes en armes se tenaient à différents endroits, répartis sans réel dispositif de défense préétabli, tandis qu’au fond du chapiteau, assis sur un chopper aux guidons immenses et au carénage majoritairement chromé se tenait un homme à la barbe fournie et grisonnante, et au crâne rasé que Nancy reconnu immédiatement. Chris l’entraîna à sa suite jusqu’au centre du lieu et Archibald leva enfin la tête dans leur direction, prenant le temps de les évaluer du regard avant de prendre la parole tandis que deux hommes équipés de Kalachnikovs venaient leur barrer le passage.

— À qui ai-je l’honneur ?

                Chris dévisagea les deux gardes avant de passer entre eux sans s’en soucier.

— Bob et Stella Krazuki. Nous sommes venus présenter nos respects au Roi des Bikers.

                Archibald se mit à sourire avant de porter un cigare à ses lèvres. Une fois qu’il l’eut allumé et après qu’il en ait expiré sa première bouffée, il acquiesça lentement.

— Merci. Voulez-vous quelque chose ? Drogue, alcool, femmes ?

                Nancy fronça les sourcils quelques secondes avant de se tourner vers Chris, l’enlacer et l’embrasser avec passion. Quand elle eut fini et qu’ils se séparèrent, elle dévisagea Archibald en répondant.

— Il n’a pas besoin de femme, il a déjà tout ce qu’il faut.

— Je vois ça. Avez-vous un tribut pour votre roi ?

                Chris sourit tout en poussant Nancy dans le dos.

— Voilà mon tribut.

                Nancy se tourna vers Chris, un masque d’effroi et d’incrédulité mélangés sur le visage, et celui-ci lui fit un clin d’œil en murmurant.

— Tu ne risques rien, ne t’en fais pas.

                Archibald se mit à rire, vite imité de ses hommes, avant de répondre.

— Voilà un joli cadeau ! Stella, c’est bien ça ?

                Nancy acquiesça et il reprit.

— Viens là.

                Nancy se redressa avant de reprendre son rôle, et s’avança d’une démarche excessivement chaloupée jusqu’à l’avoir rejoint, et Archibald la saisit par les hanches avant de la faire s’asseoir à ses côtés sur la selle de sa moto pour dévisager Chris de nouveau.

— Merci. Je te la rendrais demain matin. Et comme pour une moto empruntée, je te la rends avec le plein.

                Tous ses hommes partirent d’un rire graveleux tandis que Nancy ouvrait de grands yeux choqués, puis Archibald reprit.

— Tu ne veux rien de ce que je te propose, par contre. Cela remet en cause mon hospitalité. Alors, dis-moi ce qui te ferait plaisir, avant que je ne me vexe.

                Chris sourit intérieurement, fier de voir que son plan avait fonctionné et que son adversaire baissait sa garde.

— Je voudrais me joindre à votre gang. J’en ai assez de tourner en solo, le business n’est pas assez rentable quand on est seul.

                Le Roi des Bikers l’observa en haussant un sourcil avant de tourner la tête vers Nancy quelques secondes puis de dévisager Chris à nouveau.

— Tu vois, Bob, je ne suis pas du genre à accepter n’importe qui dans mon gang. Il faut faire ses preuves avant. Ton respect, aux vues de ton cadeau, est visiblement là, mais il n’y a pas que ça qui compte. J’ai besoin de bons motards comme de bons combattants, tu crois avoir ce qu’il faut ?

                Chris sourit.

— J’ai sur moi deux pistolets automatiques et un couteau de chasse, et personne ne s’en est rendu compte. Et si certains d’entre eux se sentent l’envie de venir me désarmer, vous pourrez constater que je suis un bon combattant.

                Archibald fronça les sourcils avant de lancer un regard à l’un de ses hommes qui acquiesça avant de passer son arme dans le dos, vite imité de ses comparses. Le premier homme arrivé au contact attrapa Chris à l’épaule droit, et immédiatement celui-ci lui saisit la main tout en pivotant pour se retrouver face à lui en lui tordant le bras, l’obligeant à se mettre à genoux, avant de lui écraser son genou sur le nez. Deux autres arrivèrent face à lui, et alors qu’ils armaient les bras il les frappa prestement sur le larynx, les faisant reculer sous le coup tandis qu’ils essayaient de respirer tant bien que mal et que Chris jetait un bref coup d’œil autour de lui. Son assaillant le plus proche se tenait dans son dos, et il lança son talon en arrière, le frappant à l’entrejambe avant de profiter que son adversaire se pliait en deux par pur réflexe pour pivoter sur lui-même et lui asséner un violent coup de talon sur la tempe. L’homme décolla sur deux mètres avant de rouler au sol alors que Chris se mettait en garde juste à temps pour bloquer un coup de pied fouetté. Maintenant bien la jambe de son adversaire, il l’enroula de la sienne avant de rouler sur lui-même en l’entraînant dans une position de soumission s’achevant par un craquement osseux et un cri de douleur. Se relevant en roulant pour s’éloigner des cinq hommes restants, Chris prit le temps de commenter.

— Son genou n’est que déboîté. Rien de cassé.

                Archibald acquiesça alors que ses hommes se ruaient sur Chris. Il passa sous le crochet du premier pour le frapper d’un direct du droit dans l’estomac, et l’homme tomba immédiatement à genoux avant de vomir tandis que Chris en balayait un autre. Une fois que l’homme fut à terre, il prit appui sur son torse pour l’empêcher de se relever et lui asséna trois puissants coups de coude sur le front qui le firent plonger dans l’inconscience. Mais alors qu’il allait se relever, Chris fut ceinturé par un autre combattant qui l’obligea à se relever tout en lui maintenant les bras le long du corps alors qu’en face de lui arrivait un géant à la musculature hypertrophiée et au bras prêt à frapper. Alors que le coup allait partir, Chris se pencha en avant pour forcer celui qui le maintenait à ne plus toucher le sol avant de pivoter, utilisant celui-ci comme bouclier. Le poing du géant frappa le bouclier humain dans les secondes qui suivirent, et celui-ci en lâcha son captif en hurlant de douleur tandis que les deux hommes tombaient au sol.

                Chris se releva en s’éloignant du titan avant de sauter sur un garde éloigné des autres, le bras tendu sur le côté pour le frapper à la gorge en le jetant au sol avant de lui écraser le visage à trois reprises de son pied. Se tournant ensuite vers ses adversaires restants, il se retrouva à devoir esquiver des coups de couteau et de barre à mine en se fendant tout en reculant jusqu’à voir une ouverture dans la garde de l’homme au couteau. Il se saisit de son poignet d’une main et le frappa de l’autre avant-bras sous l’aisselle en lui déboîtant l’omoplate pour ensuite l’envoyer sur l’homme à la barre à mine. Le temps de repousser son camarade, celui-ci ne vit pas arriver Chris qui lui porta un violent coup de poing en plein visage qui l’assomma net tandis qu’il était projeté au sol.

                Chris se mit ensuite en garde tout en se tournant vers le géant qui l’observait en souriant, ses bras puissants croisés sur son torse nu et exhibant ses pectoraux massifs. Prenant deux pas d’élan, Chris le frappa de toutes ses forces dans la bande abdominale, mais son adversaire ne bougea pas, se contentant de rire doucement. Chris ouvrit de grands yeux de surprise avant de se ressaisir et enchaîner les crochets dans les côtes flottantes de la montagne de muscles, en vain, et quand celle-ci se lassa de la situation, elle abattit ses deux puissantes mains sur les épaules de son adversaire en lui arrachant un cri de douleur avant de l’enlacer par les hanches en le soulevant pour ensuite le serrer avec force, et alors que Chris hurlait de douleur, Archibald se pencha vers Nancy.

— Vois-tu, Stella, Ludo est en train de lui faire une clé d’ours, et cette technique est un véritable supplice à subir. Ça te broie les os et les intestins, ça t’empêche de respirer, et ça te met dans une position qui t’empêche de pouvoir correctement riposter. S’en défaire est presque impossible, et combien même tu y arriverais, tu es de toute façon ensuite trop diminué pour contre-attaquer. Ton mari est cuit.

                Un sourire sadique aux lèvres, la jeune femme rétorqua.

— Ceux qui le sous-estiment le paient toujours très cher. Admirez.

                Archibald fronça les sourcils avant de réaliser que Chris ne criait plus de douleur. Tournant la tête vers les combattants, il le vit serrer les dents et écarter les bras au maximum avant de frapper du plat des mains sur les oreilles du géant qui le lâcha instantanément en criant tandis que du sang s’écoulait de ses conduits auditifs et que Chris tombait sur le dos. Se relevant difficilement, le tueur reprenait lentement sa respiration tout en fusillant Archibald du regard, avant de pivoter sur lui-même pour prendre de l’élan et frapper son adversaire dans les parties en lui arrachant un second cri et en le faisant se plier en deux. Chris enroula son bras autour de son cou avant de sauter, entraînant le torse du titan avec lui, pour ensuite retomber sur le dos, utilisant son propre poids et le sol pour écraser la gorge du colosse entre son poing et son bras en un étau violent qui lui écrasa les voies respiratoires.

                Le calme était revenu dans le chapiteau, seulement troublé par quelques gémissements de douleur, alors que Chris se relevait péniblement de sa dernière attaque pour faire face à Archibald.

— Aucun n’est mort, et il n’y a pas une seule fracture. Mais il va leur falloir du temps pour s’en remettre. Alors, j’ai fait mes preuves ?

                Le Roi des bikers se mit à applaudir lentement.

— Pas mal du tout. Où as-tu appris tout ça ?

— La rue. Bosser en solo oblige à vite apprendre à se défendre.

— Je vois ça. Et sur une moto, tu sais te défendre aussi ?

— On peut faire la course si vous voulez.

                Archibald acquiesça lentement.

— Pas la peine, je te fais confiance. Bien, à quel poste vais-je bien pouvoir te mettre ?

                Observant les hommes au sol, Chris suggéra.

— Je crois que vous avez besoin d’une nouvelle garde rapprochée.

                Archibald se mit à rire.

— Tu es tout à la fois ambitieux, compétent et drôle, j’aime bien ça. Je crois qu’en effet, tu vas m’être très utile.

                Tapotant sur la cuisse de Nancy, il ajouta à son attention.

— Vas voir ton mec, il a mérité de te garder. Ce soir, vous êtes mes invités, alors vide-lui bien les couilles avant, pour qu’il soit en forme.

                Nancy lui sourit avant de se lever et d’aller enlacer Chris à l’oreille duquel elle murmura.

— J’ai eu si peur.

                Celui-ci lui répondit sur le même ton.

— Je ne pouvais pas les vaincre trop vite, désolé de t’avoir effrayé…

                Il laissa glisser ses mains sur les fesses de la jeune femme avant d’ajouter à voix haute.

— Je suis tellement en rut que je vais te défoncer le cul à sec !

                Archibald rigola alors que Chris sortait du chapiteau en entraînant Nancy avec lui. Quand ils furent sortis, il se redressa pleinement et respira normalement, sous le regard étonné de Nancy.

— Tu faisais vraiment semblant ?

— Bien entendu. Maintenant, allons-nous-en. Il faut être présentable pour ce soir, alors allons trouver un nouvel hôtel pour nous changer. Je pense que celui de cette nuit ne nous acceptera plus.

                Nancy sourit avant de répondre.

— D’accord, mais c’est moi qui choisis cette fois.

                Chris soupira avant d’inviter sa coéquipière à se mettre en route vers la moto.