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                — C’est qui Mascrato ? le nom me dit quelque chose, mais je ne sais plus quoi…

                Chris reposa son verre d’eau, le visage subitement neutre et le regard froid.

— Le président de la République.

                Les yeux de Nancy s’ouvrirent en grand d’étonnement.

— Sérieux ? C’est lui le plus grand trafiquant de la France ? Bah, merde !

                Chris opina lentement, mais ne put répondre, devancé par une nouvelle question de Nancy.

— Et c’est qui pour toi ?

                Le tueur fronça les sourcils.

— Pourquoi tu me demandes ça ?

                La jeune femme roula des yeux avant de répondre.

— J’ai bien vu comment tu as réagi quand Archibald a donné son nom. Ça t’a mis dans un état de colère froide, j’ai cru que tu allais le tuer juste pour avoir prononcé ce nom.

— Et j’aurais pu.

— Donc, c’est qui par rapport à toi ? À part le mec qui a ordonné la mise à mort de ta sœur, mais ça, tu ne l’as appris qu’aujourd’hui…

                Chris pinça les lèvres quelques secondes avant de répondre.

— Le Lieutenant-Colonel Mascrato dirigeait les opérations spéciales en Amérique latine. C’est là qu’il s’est fait son petit réseau de trafic de stupéfiants et qu’il s’est vite enrichi… Le reste de ses trafics n’est que la suite logique de son business. Et comme il était riche et influent, il a pu se libérer un boulevard jusqu’aux présidentielles…

— Mais, et toi dans tout ça ?

— Nous étions vingt-six dans mon peloton, dont vingt-cinq à la solde de ce salopard. Quand je l’ai découvert, j’ai eu le choix entre vendre moi aussi mon âme ou me faire abattre. J’ai pris quatre balles dans le torse, mais j’ai survécu. J’ai retrouvé mes anciens camarades et je les ai tous tués après les avoir torturés et fait parler, puis je suis rentré au pays faire mon rapport. Là, quand j’ai donné le nom de Mascrato, on m’a mis en taule. Le Général Firmin m’a sorti de là et a voulu que je reprenne, mais j’ai refusé. J’ai vu et fais des choses horribles, mais je croyais le faire au nom d’une cause juste, ce qui n’était pas le cas. Alors j’ai choisi d’œuvrer différemment. Je l’ai dit au Général qui a accepté de m’aider. Il m’a donné du matériel et quelques noms, et ça a commencé comme ça. Des fois, il me donne des contrats, et en retour il me sort toutes les infos qu’il peut sur Mascrato. J’ai déjà un dossier suffisant pour le faire tomber, mais je n’ai pas encore le bon créneau…

                Nancy fronça les sourcils, dubitative.

— Pourquoi, je ne comprends pas… Si ton dossier est si béton que ça, pourquoi tu ne le donnes pas aux médias ? Ils pourront le diffuser…

— En es-tu bien sûr ? Penses-tu sincèrement que n’importe quel journal assez renommé et ayant assez de crédibilité aux yeux du grand public accepterait de dévoiler un truc pareil ? Il signerait son arrêt de mort immédiatement. Je le sais, quelques journalistes avec qui je suis rentré en contact me l’ont déjà dit…

— Mais comment tu vas faire alors ?

                Chris sourit.

— C’est là que ma jeune apprentie devient utile.

                Nancy le regarda de biais, essayant de comprendre.

— Utile comment ?

— Quand on va rentrer, tu vas encore changer de coupe et de couleur de cheveux. Je te vois bien rousse avec un carré plongeant. Ensuite, on va te faire embaucher comme femme de ménage à l’Élysée. Là, tu vas pouvoir planter des mouchards à des endroits stratégiques pour nous raccorder aux caméras de sécurité et avoir accès à l’emploi du temps du président. Et ensuite, je l’épinglerais dans le poste de commandement Jupiter*, le bunker sous l’Élysée. Et ensuite la moquette bleue sera teinte en rouge.

                Nancy manqua de s’étrangler.

— Tu veux le tuer ?

                Chris fit non de la tête.

— Pas lui, surtout pas. Mais tu te doutes bien qu’il n’y descendra pas sans sa garde rapprochée, et que des renforts les rejoindront vite. Eux, ils vont possiblement y passer.

— Mais, et lui alors ?

— Je vais le faire avouer face à la caméra pendant que toi tu balanceras le dossier en libre accès sur le net. Nous allons le détruire sur tous les fronts, d’un seul coup. Ensuite, il assumera la responsabilité de ses actes.

                Nancy réfléchit quelques secondes avant de demander.

— Tu vas rentrer comment ?

                Chris recommença à sourire.

— J’y serais avant lui, ne t’en fais pas.

— Très bien, mais après tout ça, comment tu vas réussir à t’échapper ?

— Par la grande porte. Les sorties les plus visibles sont parfois les plus simples.

— Tu ne m’en diras pas plus, n’est-ce pas ?

— En effet.

— Tu vas me laisser m’inquiéter gratuitement ?

— Tout à fait.

— Mais pourquoi ?

                Chris se pencha vers son apprentie.

— Parce que si tu venais à te faire choper pendant que tu places les mouchards, que crois-tu qu’il va se passer ?

                Nancy haussa les épaules.

— Je suppose qu’ils m’interrogeront de manière aussi musclée que nous avec Archibald.

— Oui, et donc…

                La jeune femme soupira.

— Et donc tu ne diras rien pour que je ne puisse rien dire non plus, j’ai compris…

— Bien. Mais rassure-toi, s’ils venaient à t’attraper, je te sortirais de là.

                Nancy haussa brièvement les sourcils.

— Super, mais entre-temps ils auront pu me torturer ou me violer…

— Je sais. C’est pour ça que je vais t’apprendre les plans de l’Élysée par cœur, et que tu vas connaître les horaires et les trajets des rondes sur le bout des doigts. Allez, finis ton repas, je dois t’apprendre à faire disparaître un cadavre, et ensuite on doit nettoyer les armes que tu as utilisées.

                Subitement anxieuse à l’idée de sa mission à venir, Nancy se leva de table sans grand enthousiasme. S’en rendant compte, Chris vint lui saisir le menton entre le pouce et l’index avant d’ajouter.

— Hey. Crois-moi, je vais tellement te préparer qu’ils ne t’auront jamais. Je ne veux pas qu’ils t’attrapent, à aucun prix. Ta sécurité me tient trop à cœur.

                Nancy fronça les sourcils, peu certaine de ce qu’elle devait comprendre, avant de murmurer.

— Merci… Je crois…

                Chris lui sourit avant de la lâcher et de s’éloigner.

— Allez, gamine, en route.

Poste de commandement Jupiter : Le poste de commandement Jupiter (ou PC Jupiter en forme abrégée) est une structure se situant dans le bunker du palais de l’Élysée à Paris, siège de la présidence française, sous l’aile est. Ce poste situé à 70 mètres sous terre et d’une surface de 280 m² est équipé de moyens de communications et de protection pour permettre au président de la République française et à ses conseillers de gérer les situations de crise et de pouvoir rester en contact en toutes circonstances avec les autres entités gouvernementales, les centres de commandement militaire et les gouvernements étrangers. Le PC Jupiter s’ouvre par une porte blindée, les murs y sont gris fer, avec une moquette bleue. Le PC fait « cage de Faraday » : les discussions qui y ont lieu ne sont donc pas interceptables. Ce bunker serait prévu pour résister à une attaque nucléaire.

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