18
Le binôme rentra en région parisienne le surlendemain avec une voiture volée après que Chris ait acheté de nouveaux vêtements plus discrets à Nancy ainsi qu’une perruque de mauvaise qualité, mais suffisante pour le temps du trajet. Une fois dans la plaque de l’Essonne qu’ils avaient quittée à moto, puis Chris partit s’enfermer dans la chambre. Quand il en sortit, vêtu d’un pantalon cargo noir et d’un tee-shirt assorti, Nancy le dévisagea quelques instants avant de demander.
— On va tuer qui ?
— Personne. Je dois sortir passer un coup de téléphone.
Il enfila un blouson en cuir et se dirigea vers la porte d’entrée quand Nancy s’interposa.
— Il est hors de question que tu ailles où que ce soit sans moi. Alors, dis-moi ce que tu vas faire.
Chris observa la jeune femme lui barrant la route pendant quelques instants avant de répondre.
— Tenue pratique pour courir ou se battre, mais discrète. Et prends une arme. Vite.
— Yes!
Nancy courut jusqu’à sa chambre pour revenir dix minutes plus tard, vêtue d’un jean et d’un sweat à capuche, une paire de baskets aux pieds et un sac sur le dos.
— J’ai mis mon flingue dedans. On y va ?
Chris acquiesça et ils sortirent avant de s’arrêter à un arrêt de bus.
— On ne prend pas la voiture ?
— Depuis le temps qu’elle a été volée, la plaque a dû être transmise. On risque de se faire arrêter. Ce n’est pas pour rien si je l’ai laissé à quelques kilomètres de là.
— Et il n’y a pas d’autres véhicules ici.
— Non, il n’y avait que la moto. Tiens, un ticket.
La jeune femme prit le bout de carton qui lui était tendu alors que le bus s’arrêtait devant eux. Une fois assis à l’intérieur, Nancy reprit.
— Bon, sérieusement, on va faire quoi ?
Toujours neutre, Chris répondit.
— Je te l’ai dit, je dois passer un appel.
— Mais à qui ?
Le tueur sortit le téléphone d’Archibald de sa poche et le montra à son apprentie.
— Selon toi ?
Elle fronça les sourcils quelques instants avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres.
— Mais pourquoi lui dire que tu te rapproches de lui maintenant ? Il va renforcer sa sécurité, c’est idiot…
Un sourire prédateur étira le visage de Chris.
— Au contraire. Il va renforcer ses effectifs. Et toi, ça te fera une ouverture. Et si au pire il active le plan Escale qui entraîne le transfert de l’Élysée au château de Vincennes, ça nous facilitera la tâche. J’y ai déjà installé tout ce qu’il fallait.
Nancy ouvrit grand les yeux d’étonnement avant de murmurer.
— Ah… D’accord… Alors en route.
Ils restèrent silencieux pendant le reste du trajet, passant du bus au RER B puis au métro avant de parcourir les rues de Paris jusqu’à se retrouver devant le palais de l’Élysée.
— Et maintenant ?
Les yeux rivés sur le bâtiment, Chris lui posa une simple question.
— Sais-tu comment on s’enfuit dans la foule ?
Nancy pinça les lèvres quelques secondes avant de répondre.
— Pas la moindre idée…
— Il ne faut pas courir, jamais, mais avoir l’air décontracté. Et si tu peux avancer au même rythme qu’un groupe de passant ou qu’un véhicule derrière lequel tu t’es dissimulé, c’est encore mieux. L’idéal, c’est d’être invisible, mais si tu ne peux pas, prends l’air innocent, c’est ce qui marche le mieux. Enfin, dans notre cas, il faut se faire passer pour un couple, et marcher main dans la main. Ils chercheront un homme seul, et de fait, ne nous regarderont même pas.
Nancy acquiesça lentement avant de reprendre.
— Et pour ton appel ?
— Je vais me mettre au plus près de sa fenêtre. Je veux qu’il me voie. Toi, tu te tiendras légèrement plus loin. Ton anonymat reste un atout.
— Soit. Alors, allons-y.
Ils allèrent se placer dans la rue de l’Élysée, sur le trottoir d’en face, et Chris pointa une fenêtre du doigt.
— Là, ce sont ses appartements privés. Toi, va te positionner là-bas, à l’angle de la rue.
Nancy acquiesça avant de partir d’une démarche naturelle sous le sourire satisfait de son mentor. Une fois qu’elle fut assez éloignée, il reporta son attention sur le bâtiment tout en sortant le téléphone portable qu’il déverrouilla avant de fouiller dans le répertoire et d’appeler le bon contact.
Dans le salon de ses appartements, le président Gilles Mascrato déjeunait avec sa femme quand il vit l’écran de son téléphone portable s’allumer en affichant Concessionnaire. Il fronça les sourcils quelques instants avant de se saisir du téléphone et de le porter à son oreille en décrochant.
— Allo.
— Mes Respects Mon Colonel.
Gilles fronça les sourcils plus encore. La voix n’était pas celle d’Archibald, mais elle ne lui était pas inconnue non plus, comme un lointain souvenir bien enfoui ressurgissant de manière inopinée. Quant au fait d’être appelé par son grade, plus personne ne le faisait. Il se leva lentement de table avant de quitter la pièce tout en répondant.
— Qui est à l’appareil ?
— Oh, je suis déçu que vous ne me reconnaissiez pas… Il est vrai que le temps a passé, mais j’ai toujours fait en sorte de rester dans votre champ de vision…
Mascrato serra le poing sans téléphone avant de répondre d’un ton exagérément menaçant.
— Écoute-moi bien, petit con. Je ne sais pas qui tu es, mais tu t’immisces dans des affaires qui te dépassent, alors passe-moi vite Lecter, et je lui demanderais de t’épargner.
Un rire s’éleva du combiné.
— Ça me semble difficile, Archi est mort. Allons, Mon Colonel, vous ne vous souvenez donc plus de la vingt-cinquième équipe d’intervention ? Pourtant, c’est avec elle que vous avez commencé votre petit trafic…
Le président blanchit au fur et à mesure que les souvenirs lui revenaient et il laissa échapper un murmure.
— Evian…
— Ah, bah, vous voyez…
— Où te caches-tu, sale enfoiré ?
— Mais je ne me cache pas, je suis là.
Mascrato se retourna à la volée, s’attendant à voir le militaire entrer dans la pièce, alors qu’un éclat de rire s’élevait du combiné.
— Franchement, c’était rigolo à voir. Je suis sûr que vous en avez lâché une petite goutte de pipi, non ? Alors, vous voulez vraiment savoir où je suis ?
— Oui.
— Bien. Venez à la fenêtre. Rassurez-vous, je ne suis pas armé, et pas caché non plus.
Gilles hésita quelques instants avant de s’avancer jusqu’au carreau le séparant de la rue pour s’y coller.
— Et maintenant ?
— Vous ne me voyez pas vous faire coucou ?
Le président balaya la rue du regard avant de se figer. De l’autre côté de la rue se tenait l’homme qui interférait avec ses opérations depuis des années, et le temps semblait avoir peu d’emprise sur lui. Le tueur semblait toujours aussi musclé et imposant qu’à l’époque où ils portaient encore tous les deux l’uniforme, tandis que Gilles avait perdu ses muscles, prit une vingtaine de kilos et que ses cheveux, non contents de blanchir, quittaient lentement son cuir chevelu pour vivre leur vie.
— Vous n’avez pas vraiment pris soin de vous, c’est navrant…
— Bordel, mais tu veux quoi, si tu n’es pas venu pour essayer de me tuer ?
Il vit un sourire naître sur le visage de Chris.
— D’abord, je ne viendrais pas essayer de vous tuer. Pas avant d’avoir fait éclater la vérité au grand jour. Je ne veux pas juste vous tuer, je veux vous détruire complètement, vous oblitérer, faire que votre nom disparaisse à jamais de la mémoire collective pendant que vous croupirez en prison. Parce que croyez-moi, avec le dossier que j’ai, vous irez en prison. Et une fois que vous y serez, là, je vous tuerais. Pas parce que vous êtes un enfoiré, mais parce que j’ai appris récemment que c’était vous qui avez commandité le meurtre de ma sœur. Alors, un petit conseil, renforcez votre sécurité, parce qu’à l’heure actuelle, je rentre dans ce palais sans difficulté.
— Tu n’y arriveras jamais…
— Pari tenu. Je vais vous laisser finir votre repas, les cuisses de canard confit, c’est meilleur chaud. Bon appétit.
Chris lâcha le téléphone avant de l’écraser d’un puissant coup de pied puis s’en aller d’un pas tranquille sous le regard éberlué du président qui, après quelques secondes de désappointement, composa un numéro sur son téléphone.
— Oui Monsieur.
— Envoyez tous les hommes disponibles dans la rue. Cherchez un homme d’environ trente-cinq ans, grand, brun, musclé et habillé tout en noir. Attention, il faut le considérer comme armé et extrêmement dangereux. Allez aussi en face de ma fenêtre, il y a un téléphone écrasé au sol, ramenez-le-moi.
— Bien Monsieur.
Le président rangea son téléphone lentement avant d’aller au secrétaire du bureau et de s’y servir un verre de whisky qu’il but lentement. Il en était à la moitié quand il se figea tandis qu’une question traversait son esprit. Comment Chris pouvait-il connaître le plat de son repas ? Il jura entre ses dents avant de reprendre son téléphone.
— Convoquez mon conseil de sécurité, il y a une brèche dans le dispositif.
Il raccrocha et sourit. Si Chris espérait l’attendre, il serait bien sourit.
Quelques mètres plus loin, Chris avait retourné son tee-shirt, dévoilant un tissu blanc aux motifs tribaux rouges, et avançait main dans la main aux côtés de Nancy comme n’importe quel couple, pointant tous deux des bâtiments du doigt tout en s’extasiant devant la beauté de ceux-ci, alors que derrière eux des hommes en costume inspectaient les environs à la recherche de l’homme décrit par le président quand l’un d’entre eux ramassa un téléphone cassé au sol avant de porter la main à son oreillette.
— Je l’ai.
Observant la scène du coin de l’œil, Chris sourit avant de glisser une main dans sa poche pour presser le bouton d’une petite télécommande. Dans le téléphone cassé, un détonateur explosa en arrachant la main de l’homme de sécurité dans un petit bruit d’explosion qui, suivi de près par les hurlements de douleur, provoqua un mouvement de panique permettant à Chris et Nancy de se sauver en se joignant à la foule.
— C’est ça que tu appelles partir d’un pas naturel ?
Chris sourit.
— Non, j’appelle ça semer la peur dans le cœur de l’adversaire.
Ils se réfugièrent dans le métro avant de se diriger vers la planque de Vincennes. Une fois arrivés, Nancy entraîna Chris dans la cuisine puis à table devant son ordinateur portable, extatique.
— Vas-y, explique-moi ! C’est quoi la suite du plan ?
Le tueur sourit.
— Tu vas adorer ça.
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