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                Il fallut à Nancy de nombreux shampoings et plusieurs semaines pour que la décoloration disparaisse, et quand enfin elle sortit de la salle de bain en ayant retrouvé sa couleur naturelle, elle s’écria.

                — Putain, ce que ça fait du bien de ne plus être une blonde platine !

                Chris la regarda en haussant un sourcil dubitatif tandis qu’elle expliquait.

— C’était tellement flashy, je ne le supportais plus. Jouer la Bimbo, ça va bien, mais le temps d’une soirée déguisée.

                Le regard de Chris n’évolua pas, aussi reprit-elle.

— Chez beaucoup de gens, la couleur de cheveux d’une personne change le regard qu’ils en ont. Un blond aussi tape-à-l’œil te fait passer pour une salope, même si tu es habillée en none.

— D’accord, je comprends mieux. C’est tout à la fois peu compatible avec notre besoin de discrétion et dégradant pour toi.

                Nancy haussa un sourcil à son tour avant de répondre.

— Franchement, pour le coup, je me foutais de la discrétion. Mais le pire, c’est qu’en rousse, ce sera pareil… D’ailleurs, j’ai bien réfléchi, et une teinture ne tiendra pas. Déjà pour me rendre blonde, ça a été compliqué et ça a tenu presque deux mois, alors rousse, n’en parlons pas…

                Chris porta une main à son menton, mais Nancy le coupa dans ses réflexions.

— Ne te casse pas la tête, ce qu’il me faut, c’est une perruque. Mais pour que ça fasse illusion, il me faut un truc de qualité, pas une perruque de magasin de déguisement.

                Le tueur se mit à sourire.

— Alors je connais la personne à aller voir.

                La jeune femme le regarda en fronçant les sourcils avant de demander.

— Pourquoi tu connais un perruquier, toi, d’abord ?

— Pour certaines missions d’infiltration, voyons. Perruque, fausse barbe. Changer de visage tient parfois à peu de choses.

— Ça se tient. Alors on y va ? C’est où d’ailleurs ?

— Paris.

                Il se leva du canapé pour aller prendre son blouson en cuir tandis que Nancy s’emparait de son sac à dos et de son pistolet automatique qu’elle rangea dans un holster d’aisselle. Elle avait adopté le même holster que Chris après avoir constaté que c’était le plus discret tout en étant pratique, et elle le dissimula sous un blaser léger aux couleurs d’une équipe de basket-ball.

                Ils se rendirent dans Paris jusque devant une boutique dont la devanture vitrée exhibait de nombreuses têtes coiffées de postiches de toutes sortes et de grande qualité. Nancy s’immobilisa devant en murmurant.

— Oh bah merde…

— Je te l’accorde. Viens, entrons.

                Ils franchirent la porte et se rendirent vers le guichet d’accueil où une belle femme noire et à la coiffure afro et au décolleté généreux s’affairait devant un ordinateur. Quand elle releva le nez de son écran pour accueillir les nouveaux clients, ses yeux s’illuminèrent immédiatement, et son cri fit sursauter ses coiffeuses comme ses clientes.

— Chris, mon chéri ! Comme je suis contente de te revoir !

                Nancy se raidit en dévisageant son mentor, un sourcil inquisiteur relevé.

— Mon chéri ?

                La femme enlaça le tueur qui lui rendit son étreinte tout en répondant à Nancy.

— Ne te méprends pas, c’est une ancienne camarade de classe. Mais j’apprécie de te découvrir jalouse à mon égard.

                Nancy le fusilla du regard tandis que la seconde femme s’écartait de Chris pour l’observer.

— Il y a quelque chose de changer chez toi… Tu as bronzé, tu es coiffé et rasé…

                Ses yeux s’écarquillèrent avant qu’elle hurle.

— Mon Dieu ! Tu fais attention à ton apparence et tu es accompagné d’une belle jeune femme ! Vous êtes en couple !

                Chris rigola tandis que Nancy, rougissante et regard baissé, peinait à articuler.

— Non… On n’est pas… Nous ne sommes que… C’est particulier… Comment dire ?

— Excuse Nancy, Alysson. Elle n’assume pas de se taper un homme qui est son aîné de presque dix ans. N’est-ce pas ma chérie ?

                En disant cela, il passa un bras autour des hanches de la jeune femme et déposa un baiser sur sa joue, accroissant le rouge de ses joues tandis qu’Alysson applaudissait.

— Je suis trop contente pour toi ! Je commençais vraiment à croire que tu finirais tout seul !

— Mouais, moi je ne me suis jamais vraiment préoccupé de ça…

                Alysson fronça les sourcils, l’air menaçant, avant de répondre.

— Ça, c’est toi qui le dis ! Moi, j’ai vu dans quel état tu étais après ta rupture avec Sophie, et ce n’était pas beau à voir !

                Le tueur baissa les yeux et Nancy comprit subitement. La femme dont Alysson parlait devait être la compagne de Chris à l’époque où il avait été considéré mort suite à la trahison de ses coéquipiers, et subitement un profond sentiment de compassion et de pitié l’envahit quand elle réalisa tout ce qu’il avait perdu depuis ce jour. La femme qu’il aimait, une chance de vie normale et paisible, sa sœur et enfin la sécurité de son beau-frère et de ses nièces. Elle retira son bras de ses hanches avant de lui prendre tendrement la main et lui sourit. Quand Chris tourna la tête vers elle, Nancy lui dit alors, pleine de tendresse et de compassion.

— Hey, ça va aller… Je suis là, à nous deux on va s’en sortir et prendre notre revanche sur la vie. Il faut juste que nous restions focalisés sur nos objectifs et que nous avancions, un pas après l’autre au besoin.

                Le combattant comprit sans difficulté son allusion et soudainement son regard comme son visage retrouvèrent leur constance tandis qu’il acquiesçait.

— Tu as raison. Un lendemain important nous attend.

                Alysson, les yeux brillants de joie, s’écria.

— Vous êtes trop mignons tous les deux ! Quelle chance tu as d’avoir trouvé une femme qui te soutienne de la sorte, c’est digne d’un conte de fées !

                Nancy ouvrit de grands yeux, réalisant subitement le double sens de la situation, avant de répondre.

— Non, ce n’est pas ça ! C’est du soutien mutuel, c’est tout !

                Chris continua dans la foulée de sa partenaire.

— C’est d’ailleurs pour ça que nous sommes ici. Nous avons besoin de ton savoir-faire pour Nancy.

                Alysson fronça les sourcils en dévisageant la jeune femme avant de lui tourner autour en scrutant ses cheveux.

— Pour quoi faire ? Tu as de magnifiques cheveux, Nancy… Pourquoi tu aurais besoin d’une perruque ?

                Chris répondit froidement, prenant Nancy au dépourvu.

— Elle a un cancer.

                Les deux femmes se raidirent tandis que Chris reprenait d’un ton plus attentionné envers sa coéquipière.

— Ne t’en fais pas ma chérie. Alysson a l’habitude, c’est même sa spécialité. C’est elle qui s’est occupée de moi pour mes deux chimios. Elle est très à l’écoute, très empathique et délicate. Tu es entre de bonnes mains.

                Même si elle comprenait la couverture que Chris développait, il fallut quelques secondes à l’apprentie tueuse pour rentrer dans le jeu, jusqu’à ce qu’Alysson pose une main délicate et compatissante sur son épaule.

— Tout va bien ma jolie. Ta nouvelle grande sœur va bien s’occuper de toi, tu verras.

                Nancy se mit à pleurer à chaudes larmes, et Alysson tourna un visage compatissant vers Chris.

— Je m’en charge, ne t’en fais pas.

                Celui-ci acquiesça avant d’aller s’asseoir sur un des nombreux fauteuils du salon pendant que les deux coiffeuses et leurs clientes baissaient les yeux, respectueuses et compatissantes de la situation tragique que traversait la jeune femme en pleurs.

                La coiffeuse fit s’asseoir la jeune femme face à un miroir avant de descendre son visage à côté du sien, et toutes deux se regardèrent à travers leurs reflets.

— Tu sans, Nancy, ici tout le monde comprend ce que tu traverses. C’est ma spécialité, aider des femmes qui vont entamer leur chimiothérapie, puis les aider à réapprendre à vivre avec leurs cheveux après. Toutes mes clientes sont des personnes malades ou l’ayant été. Comme mes coiffeuses… Comme moi…

                Nancy ouvrit de grands yeux étonnés tandis qu’Alysson lui faisait un clin d’œil, un sourire triste sur les lèvres.

— Cancer du sein, quand j’avais vingt-cinq ans. Dans deux mois, ça fera huit ans que je suis en réémission totale. Et s’il y a bien un truc que j’ai constaté depuis tout ce temps, c’est que le moral joue sur la guérison, et que nos cheveux jouent sur notre moral. Alors, on combat cette saloperie ensemble ?

                Nancy se sentit soudain honteuse de devoir mentir de la sorte à une personne si gentille et si forte, mais elle n’en montra rien, se contentant d’acquiescer avec détermination, ce qui fit sourire plus chaleureusement Alysson.

— Bien ! Alors, dis-moi, qu’aimerais-tu ?

                Les deux femmes commencèrent à discuter tandis qu’Alysson allait régulièrement chercher différents modèles de perruques, et Chris s’installa plus confortablement dans le fauteuil tout en feuilletant un des nombreux magazines posés là, quand au bout d’une demie heure un bruit de tondeuse à cheveux s’éleva, le tirant de sa lecture. Craignant le pire, il jeta le magazine sur la table en se redressant avant de contourner l’accueil et découvrir Alysson rasant le crâne de Nancy. Les yeux et la bouche grands ouverts, il s’écria.

— Mais qu’est-ce que vous faites ?

                Les deux femmes se tournèrent vers lui, et il se raidit encore plus en découvrant Nancy pleurant doucement, mais dans les yeux de laquelle se lisait une intense détermination tandis qu’elle répondait de sa voix la plus douce.

— Après avoir discuté avec Alysson, j’ai réalisé que je n’étais pas prête à voir mes cheveux tomber par poignées entières, et que je ne voulais pas t’imposer d’avoir à me raser la tête… Et puis comme ça, j’aurais plus de temps pour m’habituer à ma nouvelle couleur de cheveux… En plus, j’ai toujours rêvé d’avoir les cheveux jusqu’aux fesses.

                Chris allait lui répondre que tout ceci était de la folie, qu’elle poussait le raisonnement trop loin et qu’elle aurait pu s’éviter un tel traitement, quand Nancy reprit en souriant.

— C’est la meilleure chose à faire, et tu le sais aussi bien que moi… Alors, respecte mon choix s’il te plaît…

                Son mentor se redressa lentement, constatant une fois de plus la détermination de son apprentie, avant d’acquiescer lentement et sortir du salon. Une fois dehors, il avisa un passant pour lui demander quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis qu’il était passé pour mort.

— Excusez-moi monsieur, je peux vous prendre une cigarette s’il vous plaît ? Mon paquet est vide, et je ne sais pas où est le tabac le plus proche.

                L’homme lui sourit en lui tendant son paquet et son briquet.

— Bien sûr, servez-vous.

                Chris lui obéit et expira la première bouffée en frissonnant avant d’aller s’adosser à la vitrine du salon de coiffure, essayant de comprendre pourquoi cette situation le bouleversait à ce point. Nancy sortit une peur plus tard, de longs cheveux d’un roux flamboyant lui tombant aux genoux et un sac plein de produits d’hygiène et d’entretien au bout du bras, un large sourire sur le visage et les yeux rouges.

— C’est fait. Et comme je suis ta compagne, elle ne me l’a pas fait payer.

                Chris se redressa et caressa délicatement le visage de la jeune femme.

— Pourquoi es-tu allée aussi loin ?

                Nancy prit la main du tueur de la sienne pour la forcer à ne pas quitter sa joue avant de répondre tout en baissant les yeux.

— Je ne sais pas, ça s’est imposé à moi… Et puis, ce ne sont que des cheveux, ils repousseront.

                Relevant la tête, découvrant Chris les yeux aussi rouges que les siens, elle demanda.

— Tu me trouves comment ?

— Ravissante.

                Sans un mot de plus, il l’embrassa tendrement pendant une longue minute sous le regard attendri d’Alysson les observant depuis son accueil, avant de s’en aller main dans la main en direction du métro, un large sourire aux lèvres et le rouge aux joues.

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