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                Chris était assis sur le canapé, penché en avant et un poing appuyé contre les lèvres, le regard froid et l’air concentré, mais les yeux rouges. Nancy vint s’asseoir à ses côtés et passa une main réconfortante dans son dos tandis que le journal d’information parlait de l’interpellation d’un terroriste qui avait préféré faire exploser sa maison plutôt que de se rendre.

                — Ça va aller ?

— Je réfléchis.

— À la suite du plan ?

— Oui. Tout ça chamboule un peu nos préparatifs, il faut que je m’adapte. De toute façon, nous sommes obligés de retourner en région parisienne. Tu commences à infiltrer l’Élysée dans quelques jours, Bérengère Dubois.

                Nancy se décolla de lui quelques secondes avant de répéter.

— Bérengère Dubois ?

                Chris haussa les épaules.

— Je n’avais pas des masses d’inspiration. Tes papiers sont en cours de création, on les récupère sous quarante-huit heures à Versailles.

— Bien. Ça tombe plutôt bien, je vais devoir aller chercher trois perruques de plus chez ton amie, elle devrait les recevoir incessamment.

— Parfait.

                Nancy marqua une pause avant de demander.

— Et pour les enfants ?

                Chris inspira avant de répondre.

— J’avais prévu ce cas de figure, même si j’espérais ne jamais y être confronté. J’ai déjà tout un jeu de papiers qui en font mes gosses. Je vais prendre soin d’eux, c’est bien le moins que je peux faire. Et… J’ai demandé au contact qui nous fait ta fausse identité de faire quelques documents supplémentaires pour qu’au pire, ils soient sous ta garde.

                Nancy fronça les sourcils avant de répondre.

— Je te signale que je vais risquer ma vie autant que toi…

                Chris la dévisagea en haussant un sourcil.

— Pourquoi ça ?

— Et bien, quand nous serons là-bas… Ou alors tu n’as pas prévu que j’y aille avec toi, c’est ça ?

— Est-ce que tu penses que tu en es capable ?

                La jeune femme pinça les lèvres avant de répondre, déçue, mais honnête.

— Non. Je risque même d’être un fardeau pour toi.

                Ce fut au tour de Chris de passer une main réconfortante dans le dos de son apprentie.

— Tu es déjà efficace, et ton infiltration va suffisamment t’exposer comme ça. Mais ne t’en fais pas, tu vas quand même avoir un rôle à jouer le jour J.

                L’intérêt de Nancy revint, et elle fixa Chris qui reprenait.

— J’ai une fourgonnette bardée d’électronique et d’informatique. Une fois que tu auras rempli ta mission d’infiltration, tu pourras être mes yeux et mes oreilles. Crois-moi, ça te donne une importance capitale.

                La jeune femme acquiesça avec entrain.

— Je ne te décevrais pas !

                Chris lui sourit tendrement.

— Je sais. Tes motivations ne sont pas tout à fait les mêmes que les miennes, mais ta détermination, elle, est aussi importante que la mienne. Ajoutons à ça que tu apprends vite, que ton esprit est vif et créatif, et que tu sembles avoir quelques prédispositions, et je ne doute pas que tu seras très vite une alliée d’importance capitale.

                Voyant que Nancy rougissait, il ajouta.

— Oui, enfin, ce n’est pas une demande en mariage non plus, hein. Je ne fais qu’énoncer une liste de qualités.

                Nancy se blottit contre lui sans répondre, souriant à s’en déchirer les joues et le tueur passa son bras autour des épaules de la jeune femme. Ils restèrent silencieux de nombreuses minutes avant que Nancy demande.

— Au fait, quand tu auras eu Mascrato, tu vas faire quoi ?

— Il y a d’autres pourris à éliminer. Mais, avec les enfants, je vais devoir lever le pied… D’autant que se posera le problème de la garde quand je serai absent. Enfin… Sauf si tu souhaites rester avec nous…

                Nancy se redressa pour l’embrasser tendrement avant de répondre.

— Ça, ça ressemble déjà plus à une demande en mariage.

                Chris rigola avant de répondre.

— Si vraiment tu y tiens, sous notre fausse identité nous serons mariés.

— En d’autres circonstances, ça me donnerait envie de te chevaucher.

— En plus, je n’ai jamais couché avec une rousse.

— Ça viendra.

                Elle s’allongea ensuite sur le canapé en posant sa tête sur les cuisses de son mentor avant de s’endormir pendant que celui-ci lui caressait la joue. Elle fut réveillée le lendemain matin par de la musique classique, et quand elle ouvrit les yeux, elle découvrit Chris et les enfants autour d’une table à démonter et remonter des armes. Elle se redressa en se frottant les yeux avant de regarder de nouveau.

— Je rêve ou tu leur donnes un cours d’armement.

— Bonjour belle endormie. Non, tu ne rêves pas.

                Les enfants la saluèrent et Chris reprit.

— Ça leur occupe la tête et ça pourra leur être utile un jour.

— Et tu fais ça avec du Bach en fond sonore parce que ?

                Chris haussa les épaules.

— La musique classique m’apaise et m’aide à me concentrer.

                La jeune femme se mit à rire.

— Et dire que je te voyais plus heavy métal.

— Oui, aussi, mais ça, c’est plus avant le combat, pour me mettre en conditions. Bien, les enfants, nous allons partir. Dès qu’on sera rentrés, nous irons vous acheter des affaires et vous installer. Ensuite, Nancy et moi aurons une petite course à faire, et tout sera fini bientôt, d’accord ?

— Non !

                Claire et Chris Junior venaient de crier à l’unisson, les yeux subitement remplis de larmes et implorants, puis Claire reprit.

— Ne nous laissez pas… Pitié… S’ils revenaient… Ne nous laissez pas…

                Chris et Nancy échangèrent un regard peiné avant que la jeune femme réponde.

— Bien, vous viendrez avec nous. On dira que vous êtes mes neveux et nièces, d’accord ?

                Les enfants sourirent en acquiesçant tandis que Chris s’équipait de son pistolet fétiche, et Nancy l’imita alors que quelqu’un sonnait à la porte. Tous se raidirent sauf Chris qui sourit.

— Ce n’est rien. J’ai loué une voiture livrée directement à domicile. Allez, préparez-vous.

                Il se rendit à la porte d’entrée et sortit pour revenir quelques minutes plus tard en brandissant des clés.

— Allez, en selle !

                Ils embarquèrent dans la voiture et prirent la route, arrivant en région parisienne en début d’après-midi. Ils déjeunèrent ensuite dans un fast-food avant de faire des courses de vêtements et de jeux, jouets et livres, puis se dirigèrent vers le val de Marnes. Ils s’arrêtèrent au pied d’un immeuble de Créteil et entreprirent de décharger la voiture. Ils remplirent le F3 sans prendre le temps de ranger avant de retourner à la voiture tandis que Nancy murmurait à Chris.

— Tu n’as pas de lits pour eux, on fait comment ?

— On leur donne lit deux places et on déplie le canapé pour nous. Il est moins confortable et moins large, mais l’un dans l’autre, on tiendra dedans.

                La jeune femme haussa un sourcil dubitatif.

— L’un dans l’autre ?

— Je te l’ai dit, je n’ai encore jamais couché avec une rousse.

                Nancy se mit à rire tandis qu’ils s’installaient dans la voiture, et Chris reprit.

— La location prend fin dans trente minutes. On la ramène chez le loueur, puis on prend les transports jusqu’à Paris. Pour le reste, il y a une petite citadine dans le box de l’immeuble. Vous êtes tous attachés ?

                Tout le monde confirma et Chris prit la route. Une heure plus tard, Alysson s’extasiait devant les enfants, et Nancy peina à lui faire comprendre qu’il ne s’agissait pas des seins, mais seulement de ses neveux et nièce qu’elle avait à charge pour la journée. Trois heures plus tard, ils étaient de retour dans l’appartement, et les enfants entreprirent de ranger leurs affaires de la meilleure façon possible malgré le manque de meubles quand Chris vint les voir.

— Demain, Nancy travaille. On ira vous acheter des meubles au passage. Ça vous va ?

                Les enfants acquiescèrent, les visages fermés et l’air épuisé, et Chris s’approcha d’eux avant de s’asseoir par terre.

— Venez là.

                Ils vinrent se blottir dans ses bras sans se faire prier, et Chris leur caressa tendrement les cheveux tout en expliquant.

— Je suis désolé pour tout ceci… Et je me sens horriblement fautif… Mais je ne vous laisserais pas tomber. Je le dois à vous comme à vos parents. Simplement… J’ai un truc à finir, un truc qui vous permettra de vivre un peu plus à l’abri du danger après, vous comprenez ?

                Claire redressa lentement la tête avant de demander.

— Ta vengeance ? Pour quand ils ont essayé de te tuer ?

                Chris pinça les lèves avant de répondre.

— C’est devenu plus compliqué que ça. L’homme qui a ordonné ça est aussi celui qui a condamné à mort vos parents pour essayer de m’atteindre. S’ils sont morts à cause de moi, c’est lui qui a scellé leur destin, et je compte le lui faire payer. Après… Je pense qu’après, je cesserais mes activités… J’ai pas mal d’argent de côté, assez pour nous assurer une vie tranquille sans nous attirer plus de problèmes, et nous essayerons de prendre un nouveau départ. Je ne suis peut-être pas votre père ou votre mère, mais je vous aime de tout mon cœur, vous savez…

— On sait…

                Les enfants pleurèrent en silence dans ses bras, tandis qu’appuyée sur le chambranle de la porte, Nancy les observait en souriant, en se disant que finalement, le tueur au sang froid avait réellement un grand cœur.

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