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                — Alors c’est toi la nouvelle ? Bérengère Dubois ?

                Un colosse au visage balafré et au crane rasé en tenue paramilitaire noire et une casquette vissée sur la tête se tenait devant un écran d’ordinateur sur lequel s’affichait le visage d’une jeune femme rousse correspondant trait pour trait à la personne de l’autre côté du bureau.

— Oui monsieur.

                Nancy, les mains dans le dos et un large sourire aux lèvres, reprit.

— C’est un honneur pour moi de travailler ici.

— Ouais, et le salaire plus qu’alléchant n’y est pour rien, je présume ?

                Elle partit d’un rire cristallin qui détendit un peu le gorille avant qu’il reprenne la contemplation de son écran.

— Je vois quand même que tu as un trou de deux ans sur ton CV. Pourquoi ?

                Le sourire de la rouquine s’affaissa avant de disparaître tandis qu’elle portait la main à ses cheveux pour retirer sa perruque.

— Cette explication vous convient ?

                Le responsable de la sécurité se décomposa avant de se confondre en excuses.

— Je suis désolé, je ne voulais pas être intrusif et humiliant, je ne savais pas, je suis sincèrement désolé.

                Nancy réajusta son sourire et sa perruque.

— Ne le soyez pas, vous ne pouviez pas savoir. Et puis, ce n’est pas honteux et encore moins tabou, au contraire ! Je suis fière d’avoir remporté ce combat ! Ça m’a permis de savoir que je peux tout faire si je le veux ! Et aussi que la vie est trop courte, alors il faut la savourer à fond !

                Une fois encore l’homme sourit.

— Voilà une belle mentalité. Bon, je vous préviens, ici, nous sommes exigeants. Alors, même si j’apprécie votre enthousiasme et votre entrain, il faudra vous montrer un peu plus… Tempérée, si c’est possible.

— Oh, oui ! Bien sûr, ne vous en faites pas pour ça.

— En revanche, gardez ce sourire radieux. Le président aime les gens souriants.

                Nancy acquiesça avec énergie.

— Oui monsieur !

— Bien. Suivez-moi, Bérengère.

                Il se leva de derrière son bureau et se dirigea vers la porte qu’il ouvrit avant d’inviter Nancy à le suivre d’un mouvement du bras, et il commença à la guider à travers le poste de commandement de sécurité jusqu’à arriver à une énorme console vidéo bardée d’écrans.

— Voilà le bébé. Deux cent soixante-quinze caméras reliées à autant d’écrans monopolisant l’attention de vingt personnes remplacées toutes les quatre heures pour éviter un excès de fatigue oculaire, machine à café à disposition et un personnel qui fait le service.

                Il pointa Nancy du doigt avant de reprendre.

— Et vous, vous allez faire partie de l’équipe qui entretient les caméras. Ce poste est d’une importance vitale. Ce qui est paradoxal, puisque vous n’êtes que cinq dans l’équipe d’entretien, trois de jours et deux de nuit, avec des astreintes le week-end. Des questions ?

                Nancy fit mine de réfléchir avant de répondre.

— À quelle heure on mange ?

                Le chef de la sécurité ouvrit de grands yeux étonnés avant de rire doucement.

— En effet, nous n’en avons pas parlé, mais rassurez-vous, nous aurons réglé ce détail avant l’heure du déjeuner. Continuons.

                Il continua à faire faire à Nancy le tour du propriétaire jusqu’après l’heure du déjeuner, puis il lui fit rencontrer son équipe qui la briffa jusqu’à la fin de la journée, lui permettant ainsi de rencontrer l’équipe du soir.

                Le lendemain, elle commença sa tournée d’entretien des caméras, les démontant une à une pour les inspecter, les nettoyer et changer les pièces nécessitant de l’être. Pour chaque caméra, elle procéda de la même façon. D’abord la débrancher, ensuite la détacher, l’ouvrir en deux et contrôler les composants, la remonter, nettoyer la lentille, raccrocher la caméra et la rebrancher avant de contrôler son bon fonctionnement par un bref échange radio avec le PC sécurité.

                À l’issue de la semaine de travail, elle franchit la porte de la planque en soupirant.

— Chéri, je suis rentré !

— On est dans la cuisine !

                La jeune femme sourit intérieurement. Si Chris se prêtait au jeu en prétendant que ça lui permettait de mieux se mettre dans la peau de sa nouvelle identité, Nancy n’en avait pas moins constaté certaines évolutions dans son comportement. Il se faisait tendre, câlin et attentionné, l’embrassait dans le cou et la tenait par les hanches, et elle aimait ça. Lorsqu’elle arriva dans la cuisine, elle soupira.

— Non, sérieusement…

                Chris et les enfants lançaient des couteaux sur une cible au milieu de laquelle était accrochée une photo de Mascrato, et le tueur répondit en souriant.

— Arrête, ils sont super doués. Et puis, on a passé la journée à étudier, on avait bien le droit à une récréation, non ?

— Je me demande lequel est le plus puéril de vous trois.

— C’est lui !

                Les enfants pointèrent leur oncle du doigt en répondant à l’unisson, ce qui provoqua un fou-rire général, tandis que Nancy retirait ses chaussures de sécurité.

— J’ai mal aux pieds avec ces affreuses godasses… Enfin… J’ai placé les dispositifs dans toutes les caméras, intérieures, extérieures… Même celles dans sa chambre… Et j’ai placé le mouchard de la console en prétextant remplacer un câble défaillant.

                Chris vint l’enlacer tout en lui embrassant le front avant de répondre.

— Oui, l’ordinateur me l’a dit. Demain, j’irais récupérer mon fourgon spécial, et les enfants veulent venir, tu en es ?

— On doit aller où ?

— Dans les Yvelines, chez quelqu’un qui fait du gardiennage de camping-cars et qui ne pose pas de questions tant qu’on paie bien.

                Nancy alla se chercher une bière dans le frigo avant de s’affaler sur le canapé. Elle but ensuite une longue gorgée avant de répondre.

— Bien sûr que j’en suis, mais je te préviens, je veux faire la grasse matinée.

                Chris sourit en acquiesçant, et elle reprit.

— Je voudrais aussi un bon massage des pieds…

                Cette fois-ci, le tueur rigola.

— Attends, je vais te préparer ce que je me faisais après une marche tactique. Les enfants, rangez les couteaux, permission de regarder la télé.

                Claire et Chris Junior poussèrent un cri de joie tandis que Chris Senior quittait la pièce pour revenir cinq minutes plus tard avec une bassine dans les mains. Il la posa devant Nancy avant de lui retirer ses chaussettes tandis que les enfants s’asseyaient devant le canapé en allumant la télévision.

— Eau froide et gros sel. Tu verras, c’est efficace.

                La jeune femme hésita quelques secondes avant de glisser un pied dans l’eau puis soupirer d’aise et y plonger le second.

— Ça fait du bien…

— Je sais.

                Il partit ensuite prendre une bière puis s’asseoir aux côtés de son apprentie qui lui tendit sa propre bière, et il fit s’entrechoquer les goulots avant de boire à son tour.

— Tu as tout ce qu’il te faut pour l’infiltration ?

— Vendredi soir prochain, l’équipe de nuit va recevoir du matériel qu’ils vont devoir descendre au bunker. Je serais dedans. Samedi, Mascrato a une réunion exceptionnelle avec le Premier ministre. Nous agirons à ce moment-là.

— Bien. Le plus tôt ce sera fait, le mieux ce sera. Je ne supporte vraiment plus ces chaussures… Tu crois que ça le fera ?

                Chris acquiesça.

— Si on respecte le plan, il se rendra en bas, et les effectifs de la sécurité fondront comme neige au soleil. C’est plus les renforts qui m’inquiètent. Il faudra que je me sois exfiltré avant leur arrivée, et celle-ci reste la grande inconnue. De vingt minutes à une heure selon le trafic. Alors même s’il y aura des manifestations qui bloqueront quelques rues avoisinantes, je ne sais pas si ça suffira.

— Et s’ils arrivent avant que tu sois parti ?

— J’ai déjà quelques idées de comment faire. Mais de toute façon, nous n’en sommes pas encore là. Tu as faim ?

— Oui…

— Pizza ?

— Sushis.

— Livraison ?

                Nancy soupira.

— Je ne marcherais plus de la journée. Hors de question.

                Chris rigola avant de prendre son téléphone portable et d’appeler le restaurant.

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