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                — Voici maintenant deux heures que la prise d’otage au sein de l’Élysée dure, et il semblerait que les forces du RAID aient accusé beaucoup de perte. Nous voyons régulièrement des équipes rentrer dans le bâtiment, mais peu de personnes en ressortir, et le peu que nous voyons part immédiatement en ambulances. De la même manière, aucune personne ici ne semble disposée à nous faire une déclaration, les seules fois où les autorités viennent parler étant pour nous demander de nous éloigner afin d’accroître la taille du cordon de sécurité.

                La jeune reporter à l’écran laisse place à une femme sur un plateau de télévision au visage fermé et dans les yeux de laquelle se lisait l’inquiétude frôlant la terreur.

— Merci beaucoup, Louise, et nous espérons vous retrouver bientôt avec plus de nouvelles, si possibles plus agréables. Nous nous dirigeons maintenant vers l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, à Saint-Mandé où sont pour l’instant évacués les blessés. Hector, nous recevez-vous ?

                L’image changea une nouvelle fois pour découvrir un jeune homme moustachu qui tenait un micro et portait une main à son oreille avant d’acquiescer en fixant la caméra.

— Bonjour Valérie. Eh bien, non, ce n’est plus ici que sont évacués les blessés, puisqu’il semblerait que l’hôpital soit déjà surchargé par les arrivées massives qu’il a subies. De ce que j’ai compris, ils sont maintenant envoyés à l’HIA Percy de Clamart, mais je crains que celui-ci soit bientôt surchargé également. Nous avons vu passer quelques de chariots recouverts de draps blancs, et les rares blessés que nous avons vus avaient parfois des membres manquants. Si vous me passez l’expression, c’est une véritable boucherie, et je crains que les hommes du RAID ne vivent un véritable enfer là-bas. En revanche, de ce qui nous a été dit, il y a bien plus de blessés que de morts, et la majorité des décès soient liés aux blessures qu’à des tirs mortels.

                La présentatrice réapparue à l’écran.

— Merci beaucoup, Hector. Voilà des informations peu encourageantes... Revenons-en sur ce que nous savons de la situation en cours.

                Nancy sourit avant de reporter son attention sur les caméras de sécurité de l’Élysée en activant son oreillette.

— Ça va ?

                Caché dans l’angle du couloir qu’il occupait depuis le début, Chris répondit.

— Je ne te cacherais pas que je commence à fatiguer...

                La jeune femme hésita quelques secondes avant d’oser poser la question qui lui brûlait les lèvres.

— Tu ne m’as toujours pas dit comment tu comptais sortir de là...

                Il y eut plusieurs déflagrations éloignées avant que Chris répondre.

— Je vais être honnête, gamine, j’attends un coup de main extérieure. Sinon, j’ai un plan B, mais dans tous les cas, dis-toi que je risque d’être absent quelque temps.

                Nancy porta une main à sa bouche, extrêmement soucieuse.

— Est-ce qu’au moins tu es plus dans les chances de survie quand dans les risques de décès ? Je préfère encore te savoir en prison que mort.

                Elle ne pouvait pas le voir, mais le tueur sourit.

— Je voudrais te remercier, gamine.

                Il tira trois cartouches de son fusil d’assaut alors que Nancy demandait.

— Pourquoi ?

                Chris changeait de chargeur tout en répondant.

— Tu m’as redonné l’envie de vivre.

                Une rafale vint percuter l’angle du mur derrière lequel il s’abritait avant qu’il reprenne.

— Avec toi, j’ai réappris à vivre, à rire, à aimer.

                Nancy commençait à pleurer en silence en observant l’homme qu’elle aimait pris au piège dans un couloir à lutter pour sa survie, croisant les doigts pour qu’il tienne encore le cap. Les tirs avaient diminué d’intensité depuis quelque temps déjà, Chris et le RAID ayant tacitement accepté que la fusillade réduise en intensité le temps que les blessés soient évacués, et à mesure que le couloir se vidait, les étuis des cartouches jonchant le sol, les impacts de balles, les éclaboussures de sang, les brûlures des grenades, les portes de l’ascenseur déchirées en deux et l’ascenseur détruit étaient un spectacle éloquent de ce qu’il s’était passé ces dernières heures, et la jeune femme commençait réellement à redouter le pire.

                Le dernier corps était accroché au treuil qui avait remplacé l’ascenseur quand Nancy posa une autre question.

— Pourquoi tu en as tué tellement au début et plus après ? C’était pour montrer ta détermination ?

— Non. Les premières vagues, les hommes présents au plus proche du président, étaient des pourris, ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient. Les autres étaient de vaillants policiers innocents. Il y aura des estropiés graves, et possiblement des morts suite à leurs blessures, mais je ne souhaitais pas les tuer.

                Une nouvelle rafale le manqua de peu, et dès que le tir fut terminé, il sortit de son couvert pour faire feu en même temps qu’un des hommes face à lui, avant de rouler sur le côté en criant.

— Chris ! Chris ? Ça va ? Dis-moi que tout va bien !

                Le tueur gémit, adossé au mur, avant de se saisir d’une grenade et de la lancer dans le couloir. Les assaillants coururent se jeter dans la cage de l’ascenseur, échappant de peu à l’explosion tandis que Chris se saisissait d’un garrot qu’il passa autour de sa cuisse.

— J’ai pris deux balles, une dans la jambe, l’autre dans le bras. Et sincèrement, j’ai failli en prendre une dans le torse...

— Mon dieu... Est-ce que ça va aller ?

                Chris lança une seconde grenade avant de répondre en se posant un second garrot sur l’épaule tandis que l’engin explosif faisait son office.

— Disons que si mon joker pouvait s’activer, ça m’arrangerait bien...

                Il y eut un cri de guerre signifiant au tueur que les hommes du Raid montaient à l’assaut. Il se pencha sur le côté et fit feu, visant avec précision et vitesse pour neutraliser ses assaillants, et après quelques secondes lui semblant trop longues, les hommes gémissaient au sol, certains essayant déjà de ramper vers la cage d’ascenseur.

                Chris se releva tant bien que mal pour se diriger vers la salle de diffusion où gisait toujours le président sanglotant et se pencha vers lui.

— Bah alors, on chouine comme un nourrisson ? Bel exemple pour la nation.

— Pitié, Evian... Tu as eu ce que tu voulais, alors relâche-moi, par pitié...

— Plutôt crever. Vous me connaissez, Mon Colonel, je vais toujours jusqu’au bout des choses. Vous en êtes la preuve vivante.

                L’otage continua de supplier en pleurant alors que l’oreillette de Chris s’activait pour laisser entendre la voix inquiète de Nancy.

— Chris, il y a du nouveau.

                Le tueur se redressa en portant la main à son dispositif de communications tout en se tournant vers la porte.

— Je t’écoute.

— Un mec est arrivé, il a parlé avec le responsable des opérations, et ils l’ont laissé passer tout seul pour rentrer dans l’Élysée.

                Chris fronça les sourcils avant de demander.

— Est-ce que les caméras l’ont filmé ?

— Oui, et je sais ce que tu vas me demander. C’est bien la Guerre des Étoiles.

                Chris sourit en se disant que sa compagne avait de l’humour, mais qu’elle avait été attentive à tout ce qu’il lui avait dit. Nancy avait été briefée, et savait que l’atout maître de Chris serait en uniforme militaire et aurait des étoiles sur les épaules.

— Parfait. Il descend ?

— Oui, et il est seul.

— Bien. Dernière leçon, gamine, ne crois jamais ce qu’on voit à la télé, d’accord ?

— Pourquoi tu dis ça ?

                Chris se dirigea vers le couloir d’accès à l’ascenseur en maintenant le canon de son arme baissé.

— Je te l’ai dit, il me faudra un peu de temps pour te rejoindre, peut-être même plusieurs mois, mais je reviendrais, d’accord ?

                Nancy commençait à réellement s’inquiéter.

— Je t’en prie, ne fais rien de fou...

— Tu me connais, je suis toujours très prudent, et tout est calculé, qu’importe ce qu’il paraît.

— Pitié, Chris...

                Il sourit alors que le treuil s’activait.

— Rentre Nancy, ta part du travail est faite.

— Je ne veux pas t’abandonner !

                Il lui répondit d’un ton calme et neutre.

— Au contraire, tu m’as sauvé. Allez, s’il te plaît.

                Il y eut un long silence avant que Nancy, visiblement en pleurs, réponde.

— Bien... Je m’occuperais des enfants.

— Merci.

                Il regarda le sang couler le long de son bras et conclut.

— Je t’aime, Nancy.

— Moi aussi.

— Alors, attends-moi.

                Il retira son oreillette, la jeta par terre et l’écrasa alors que son invité arrivait enfin à son niveau.

— Salut, Chris.

— Mes respects, Mon Général.

                Le Général d’armée François Firmin mit pied à terre et commençait à retirer son baudrier en souriant à l’ancien soldat avant de s’approcher et s’arrêter à deux pas de lui en enjambant les hommes au sol pour l’observer des pieds à la tête.

— Dure journée ?

                Chris haussa les sourcils.

— J’ai connu pire.

                Le haut gradé sourit de plus belle.

— Ça ne m’étonne pas de toi. Pourquoi tu ne m’as pas prévenu ?

— Parce que sinon vous seriez arrivé trop tôt, et ça aurait été suspect.

                L’officier général acquiesça.

— Tu penses vraiment à tout.

— Oui. J’ai même de quoi faire illusion.

— Bien. Je peux le voir ?

— Bien entendu.

                Ils se mirent en route vers l’otage alors que le Général reprenait.

— Tu l’as chahuté ?

— Et pas qu’un peu. Si je n’avais pas une conscience qui me murmure à l’oreille, il serait mort.

                Le vieil homme en uniforme le dévisagea.

— Tu as un coéquipier ?

— J’ai mieux que ça. J’ai une compagne.

— Je suis content pour toi.

                Les deux hommes arrivèrent dans la salle de vidéo diffusion, et Firmin se pencha vers le président.

— Gilles Mascrato, la Haute Cour s’est réunie en urgence et, en vertu de l’article soixante-huit de la Constitution, elle a voté à l’unanimité votre destitution. Le procédé devrait théoriquement prendre un mois, mais ses membres ont jugé que, suite à la révélation sur vos activités passées et présentes, il était urgent de virer votre cul de la présidence. Je vais donc vous sortir d’ici, et vous serez incarcéré à titre préventif avant d’être jugé. Je pense que vous prendrez la peine maximale.

                Il se redressa et ajouta.

— Mais là où ça devient rigolo, c’est que les pays dans lesquels vous avez trafiqué ont demandé votre extradition pour vous juger eux aussi. Je vous devine un avenir radieux et plein de voyages.

                Il lui prit les bras qu’il avait toujours d’attachés dans le dos et le fit se relever avant de se tourner vers Chris.

— Et maintenant, que vas-tu faire ?

                Le tueur, visiblement épuisé, lui offrit un sourire las.

— Je vais disparaître.

                Le Général haussa un sourcil.

— Définitivement ?

                Chris haussa les épaules.

— Ça, vous le saurez en lisant les journaux.

                Firmin pinça les lèvres avant de poser une main sur son épaule.

— Merci pour tout ce que tu as fait.

                Chris acquiesça.

— J’ai fait ce que m’ordonnait mon sens de la justice.

                Le Général acquiesça de nouveau.

— Alors, adieu, mon ami.

                Il poussa le prisonnier en avant.

— Allez, en route, sombre merde.

                Les deux hommes quittèrent la salle pour se rendre vers le treuil, escorté par Chris qui regarda le Général équiper Mascrato avant d’en faire autant pour lui-même, puis les deux hommes quittèrent le sol pour remonter vers la surface sous le regard satisfait de Chris.

                Il se dirigea ensuite vers une des caisses remplies d’équipement et en sortit un long sac noir en plastique qu’il traîna derrière lui pour retourner dans la salle de diffusion. Il l’ouvrit ensuite pour le vider sur le sol avant d’assembler le dispositif à l’intérieur après avoir retiré ses garrots et se saisit d’une télécommande.

                Dans le van, Nancy roulait comme elle le pouvait en pleurant alors qu’à la radio le présentateur annonçait que le preneur d’otage venait de se faire exploser, et que les derniers blessés du RAID étaient évacués. Elle stationna le véhicule et resta à pleurer de longues minutes avant de réussir à reprendre la route jusque chez Alysson.

                Les deux femmes restèrent enlacées de longues minutes à pleurer avant de décider que Nancy et les enfants resteraient passer la nuit sur place.

HIA : Hôpital d’Instruction des Armées, hôpital militaire

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